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L'ORDRE ET LA MORALE de Mathieu Kassovitz ****

L'Ordre et la morale : photo Mathieu Kassovitz

L'Ordre et la morale : photo Mathieu KassovitzL'Ordre et la morale : photo Mathieu Kassovitz

Réveillé en pleine nuit par son supérieur, Philippe Legorgus capitaine du GIGN doit se rendre avec 50 hommes en Nouvelle Calédonie. Le but de leur mission ne leur est révélé que dans l'avion. 30 heures plus tard, ils atterrissent dans la petite île d'Ouvéa où 3 gendarmes ont été tués et 30 autres retenus en otage par le FLNKS (groupe d'indépendantistes kanak). Philippe doit servir de médiateur et approcher Alphonse Dianou responsable de la prise d'otages. Sur place les gendarmes découvrent que 300 militaires sont déjà sur l'île qui semble en état de siège. Sa mission va totalement lui échapper et aboutir à un carnage dont on va peu à peu découvrir l'origine.

Cette histoire est vraie, elle date de 1988 et Mathieu Kassovitz, aidé par le récit de Philippe Legorjus qui y était mais qui a démissionné et n'en dort toujours pas toutes les nuits fait un vrai beau grand film de cinéma avec une histoire incroyable et révoltante.

Comme disait Kasso dans "La Haine" : "C'est l'histoire d'un mec qui tombe d'un immeuble de 50 étages et qui se dit à chaque étage, jusqu'ici tout va bien, jusqu'ici tout va bien..." Philippe Legorjus ne va cesser de dégringoler de surprise en stupéfaction mais animé du sens du devoir et du respect de l'ordre donné va aussi en chemin y perdre un peu de sa morale. Bien sûr on pourra objecter que les militaires sont quelque peu présentés comme des crétins toujours prêts à en découdre. Mais bon, on ne va pas s'étonner de constater que des hommes qui se sont engagés pour faire la guerre soient un tantinet belliqueux ? Il y a quelques gentils blancs venus résoudre des problèmes à 25 000 kilomètres de la métropole et qui entrent immédiatement en empathie avec la population locale et les rebelles, des méchants blancs racistes qui n'ont pas l'intention de se laisser emmerder et veulent venger leurs collègues, des gentils noirs qui subissent ou se révoltent avec légitimité contre les lois Pons (courageux Daniel Martin qui interprète le ministre) qui veulent anéantir leurs coutumes et traditions, et le FLNKS qui laisse bel et bien tomber les fauteurs de troubles. Menés par Alphonse Dianou, un intellectuel, les preneurs d'otages ne sont pas de grands héros ni même des terroristes mais des hommes ordinaires, des "papas" dépassés par leur propre lutte et dont les responsables des 3 morts sont prêts à se rendre aux autorités pour être jugés. Mais le sort de tous ces hommes se joue à des milliers de kilomètres de là. A quelques jours de la nouvelle élection présidentielle en pleine cohabitation Mitterrand/Chirac, les revendications kanaks se retrouvent donc en plein milieu d'un enjeu politique. En France, la poignée d'hommes qui en a pris d'autres en otages est présentée comme une organisation terroriste. Et il n'y avait déjà rien à l'époque qui faisait plus peur à un français "héxagonal" qu'un terroriste à l'autre bout du monde. Quelle victoire ce serait pour le tout prochain Président d'être celui qui résout la crise ! Lors d'une scène tout à fait édifiante Kassovitz diffuse le face à face télévisuel Mitterrand contre Chirac où les quelques bonnes intentions de l'un sont anéanties par les certitudes de l'autre et se terminent dans une cacophonie, une confusion totales. Un brouhaha de blablas et Philippe Legorjus comprend soudain que l'imminence de l'assaut contre la grotte où se trouvent rebelles et otages était prévu avant même son arrivée sur place. Malgré toutes ses tentatives de médiation, poussé à la trahison, il ne va pouvoir tenter que limiter les dégâts. Mais pour les politiques, les vies humaines de quelque côté qu'elles se trouvent ne sont QUE des dégâts collatéraux inévitables. Oui, on a la haine en découvrant une fois encore comment le sort des uns et des autres se décident et à quel point la vie d'un homme est sans valeur face à l'ivresse du pouvoir !

Et là, vous vous dites : quel film saoûlant ! Et non, c'est tout le contraire. Mathieu Kassovitz réussit de bout en bout un film pas seulement engagé mais aussi passionnant. Même en connaissant la fin et puisque de toute façon il le réalise en flash-backs, il parvient à insuffler un rythme et un suspens haletants. Dès les premières scènes, on entre dans une machine de guerre à l'américaine, dans le sens le plus cinématographique du terme : de l'action, du nerf, de l'énergie. Et le réalisateur se fait plaisir en réalisant quelques scènes qui font de ce film son "Apocalypse now"... le capitaine Philippe allongé sur son lit fixe le plafond, les mains derrière la tête en regardant tourner les pales d'un ventilateur, on entend le bruit des hélicos et presque "This is the end" des Doors ; on croirait plus tard que les hommes du capitaine vont se mettre à faire du surf sur la mer et que va retentir "La chevauchée des Walkyries" alors que le lieutenant-colonel Bill Kilgore assure qu'il aime l'odeur du napalm le matin au petit déj... Kassovitz imprime néanmoins sa patte et livre quelques petites leçons de mise en scène abouties et saisissantes. Lorsque l'un des otages libéré (un gendarme calédonien qui passe pour un traitre) explique au capitaine Philippe la façon dont l'attaque s'est déroulée, ils sont sur les lieux mêmes de la prise d'otages, au beau milieu de la panique (vous comprendrez mieux en voyant). Mais si ce film ne méritait d'être vu que pour une scène ce serait pour celle, absolument remarquable de l'assaut final. Le spectateur se retrouve en pleine jungle à ras de terre avec les gendarmes qui attaquent ; ils ne voient pas à plus d'un mètre devant eux tant la végétation est dense, ils sont pris entre le feu des rebelles et celui des militaires et le spectateur désarmé est en apnée.

Un grand film puissant, maîtrisé et assez écoeurant sur ce qu'il révèle, donc forcément indispensable et celui qui n'est pas d'accord peut aller se faire voir ailleurs.

Commentaires

  • Tu seras donc ravie d'apprendre que le making of est disponible... toi qui adore regarder des vidéos sur ton PC...

  • Je ne lis pas ta critique. Ta note me donne envie d'aller le voir. Je ne me retrouve pas toujours dans tes analyses, mais nous sommes souvent du même côté quand la thématique du film est controversée. Et je fais confiance à Kasso pour bien filmer.

    Je vais donc essayer d'y aller prochainement. Et si j'y parviens, j'en reparle ;-)

  • Fred : j'ai vu que le making off de BabylonAd était disponible et je vais faire exception je vais le regarder. J'espère qu'ils ne vont pas le retirer trop vite car ce week ça va juste pas être possible.

    Martin K : Oui reviens me dire ! I love fucking Kasso !

  • Ce soir ce sera sans doute celui-là !
    Merci et bon WE !

  • J'hésitais à y aller car depuis ses abracadabrantesques déclarations sur le 11 septembre avec...Jean-Marie Bigard pour compagnon sans compter un article récent dans lequel il parle des autres réalisateurs qui osent faire des comédies et des acteurs avec mépris, j'étais un peu allergique au personnage mais tu as achevé de me convaincre d'y aller et c'est vrai que rien que dans dans la bande-annonce la mise en scène semble assez remarquable ( j'irai après avoir vu Guédiguian ...et Tahar bien entendu, oups).

  • Didi : bien joué.

    Sandra M. : c'est l'avantage de ne pas regarder la télé, je n'ai rien entendu de tel dans sa jolie bouche. Et puis, il y a des chouchoux même quand ils disent des couenneries je les aime... Et puis, oui, la réalisation est poulalaesque... Mais tu vas encore dire que les politiciens sont décrédibi... fin, le truc que tu dis tout le temps.
    Et Tahar, tu le manges pas toute seule. Gaffe à Leïla !

  • mise en scène époustouflante, je suis d'accord mais les acteurs !!! les acteurs !!! jamais dans le ton, ça sonne faux, c'est horrible, on voit qu'ils jouent, et une fois sur deux on ne comprend pas un traître mot de ce qu'ils disent (cf la scène de colère du militaire contre le chef des commandants de l'ile, ah ça, n'est pas Karin Viard qui veut ! il semble qu'elle soit la seule à réussir une scène de colère en articulant), ça m'a vraiment gâché le plaisir cette histoire. La scène de l'assaut est flippante, j'étais recroquevillée dans mon fauteuil, de peur qu'une balle ne m'atteigne...Sensas.

  • Oui le jeu de certains acteurs est cata mais ce sont pour la plupart des non professionnels. Comme dit Kasso : "t'en connais beaucoup des acteurs kanaks ?". Quant à la gueulante du militaire, vu qu'elle dure 30 secondes, elle ne m'a pas gâché le plaisir. Je l'ai même trouvé plutôt réussie. Bon je crois qu'on est pas souvent d'accord t'façon ! Mais être "sous un feu nourri", oui, ça fait flipper !

  • lol si on est souvent d'accord, et ce n'est pas le jeu des kanaks qui m'a gênée, plutôt celui de ceux qui jouent les militaires gros-bras-grande-gueule...et eux, on les voit beaucoup et ça dure tout le film !!!
    mais je te remercie du conseil, je ne regrette pas ma séance.

  • lol si on est souvent d'accord, et ce n'est pas le jeu des kanaks qui m'a gênée, plutôt celui de ceux qui jouent les militaires gros-bras-grande-gueule...et eux, on les voit beaucoup et ça dure tout le film !!!
    mais je te remercie du conseil, je ne regrette pas ma séance.

  • y'a pas de lézard ! tu peux dire ce qui ne te plaît pas. Sauf que moi j'ai tendance à dire ce qui me plaît et ne pas m'attarder sur les ptits machins qui coincent devant un tel film. Par contre, devant une bouse, je me laisse aller. Les bouses paient pour les autres :-)

  • Malgré que ce film soit très bien réalisé, il s'agit d'un film fortement « partisan, manichéen et manipulatoire » comportant une pléthore de mensonges. Il ne retrace et ne respecte en aucun cas la vérité historique (contrairement à ce qu’affirme continuellement Kassovitz).

    Ce réalisateur, en réécrivant l’histoire, salit l’honneur et la mémoire des 4 gendarmes assassinés à Fayaoué et des militaires tombés lors de la libération des otages. Un comportement inacceptable.

    Concernant Legorjus, ancien capitaine du GIGN, il a perdu toute crédibilité auprès de ses hommes et de l'armée suite à cette affaire. Il faut savoir que ce dernier, contrairement à ce qu’on voit dans le film, n’a jamais participé aux deux assauts, et une fois sorti de la grotte, il n’y remettra plus jamais les pieds… D’ailleurs, l’ensemble des anciens du GIGN parlent à son égard d’une « erreur de casting ».

    Le capitaine Barril, affirme, dans son ouvrage « Guerres secrètes à l’Elysée’ », (pages 296 et 297) que : « Philippe Legorjus s’est fait capturer bêtement …. il a réussi ce que nous (lui et Prouteau) avions toujours su éviter : faire prendre des gendarmes en otages. »
    Philippe Legorjus est un homme qui dit tout et son contraire. Son témoignage n'est en aucune manière fiable.

    Voici le témoignage de Jean Bianconi :
    http://www.gazetteinfo.fr/2011/11/23/jean-bianconi-veut-en-finir-avec/

    et celui de deux anciens du GIGN :
    http://www.gazetteinfo.fr/2011/11/23/lordre-la-morale-des-anciens-du/

    Par ailleurs, cette présentation de tous les Kanaks (preneurs d’otages) comme n’étant ni des sauvages, ni des terroristes, mais juste » des pères de familles » me dérange fortement. Kassovitz nous les présente beaucoup trop comme de braves types, qui ne voulaient tuer personne : « on a juste affaire à des types qui se sont mis dans la merde ». Le ton est donné dès le départ…

    Et ceci explique pourquoi Kassovitz a omis intentionnellement de reprendre dans son film les conditions de détention des otages (simulacres d’exécution…). C’est une honte de négliger ce traitement barbare qui a été infligé aux otages. Tout cela dans un seul but : éviter de ternir l’image de « gentils » ravisseurs.

    Je tiens à préciser que tous les preneurs d’otages ne sont pas à mettre dans le même panier : il y a certains Kanaks qui ont été entraînés dans cette galère, et ses conséquences qu’ils ne voulaient pas, des braves types en fait. Entraînés par qui ?

    Par des fous, des illuminés dont Alphonse Dianou. Rappelons quand même que ce dernier, après avoir tiré dans le dos de l’adjudant chef Moulié désarmé, l’a froidement achevé à l’arme blanche (d’ailleurs il s’en vantera à plusieurs reprises : confirmé par le rapport de la Ligue des droits de l’homme).

    Dans le film, le portait dressé d’ A. Dianou est totalement à l’opposé de cette vérité. Pendant l’attaque de le gendarmerie, on le voit comme figé, comme s’il était dépassé par les événements, quel MENSONGE monsieur Kassovitz et vous le savez puisque vous avez soi-disant lu le rapport de la Ligue des droits de l’homme… Ce dernier présente A. Dianou comme un homme instable, incohérent et de très excité. Pas ce personnage que vous ne présentez… Je pourrais encore parler longuement sur toutes ces contre-vérités que comporte ce film.

    Plus troublant encore. Je me suis procuré le rapport de La ligue des droits de l’homme sur lequel Kassovitz affirme s’être fortement appuyé. Après une étude approfondie de ce document, je constate que Kassovitz a écarté un certain nombre d’éléments qui discréditent sa vision des événements…

    Bref ce film n’est qu’une pure fiction. Kassovitz en ne prenant pas en compte les témoignages de tous les protagonistes de cette affaire, et à fortiori, à préférer la polémique à la vérité historique, fait un véritable bide avec ce film. Oui c’est un gros échec. Et cela est dommage, il est passé à côté de quelque chose et il va s’en mordre longuement les doigts…

  • c'est dit.

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