HAPPY, HAPPY de Anne Sewitsky ***
Au sud de la Norvège il y a une catégorie d'individus très très zarbis. On les appelle les "Happys Christians" car ces gens sont "heureux à la folie" (le titre du film en VO). Kaya est l'un d'eux. Elle sourit constamment, positive absolument tout mais nous découvrirons que derrière ce radieux sourire se cachent beaucoup de larmes. Son mari Eirik et son fils Theodor, très complices, la rejettent, l'humilient et se moquent d'elle. Dans la maison voisine, un couple emménage. Ils ont un fils du même âge que celui de Kaya, un petit garçon noir qu'ils ont adopté. L'arrivée de cette famille est un véritable événement qui va bouleverser la vie de tout le monde et en tout cas faire prendre conscience à chacun de l'existence et des souffrances de l'autre.
Ce premier film qui vient du froid est un ovni qui mêle habilement et intelligemment drame, comédie et cruauté. Si l'on peut regretter la fin un tantinet trop convenue (quoique...) alors que régulièrement on est troublé voire dérangé, le cheminement pour y parvenir est tout à fait inattendu et fait donc de cet objet totalement enneigé une bien bonne et inespérée surprise en cette période de disette.
L'accueil que Kaja réserve à Elisabeth, Sigve et leur fils Noa est tout à fait sincère et chaleureux. Et d'emblée ce couple qui vient du Nord, peu habitué à ce genre de démonstration la regarde comme une véritable extra-terrestre mais aussi avec un dédain certain. Il est vrai que les manifestations enthousiastes et l'optimisme à toute épreuve de la jeune femme peuvent la faire passer pour un peu simplette voire carrément dérangée. Mais les sourires de connivence qu'Elisabeth et Sigve s'échangent, la condescendance qu'ils affichent vis-à-vis de Kaja, leurs airs de supériorité vont peu à peu céder le pas à de véritables interrogations sur leurs propres comportements. Kaja et son assourdissant besoin d'amour vont finalement être le révélateur de bien des non-dits, de tous les manques et secrets de chacun. Les révélations et retournements de situations en cascade vont s'abattre sur les deux familles.
Et pendant que les parents s'occupent exclusivement d'eux-mêmes, de leurs histoires d'amour et autres problèmes de sexe, les enfants se livrent au "jeu" malsain du maître et de l'esclave. Le fils de Kaja se documente sur Internet et avec délices sur l'histoire de l'esclavage et fait de Noa son esclave.
A intervalles réguliers un quatuor de chanteurs, les pieds dans la neige chantent du gospel avec des mines de bourreaux des coeurs. Ces intermèdes sont absolument réjouissants.
Et les acteurs sont formidables, en tête Agnès Kittelsen l'interprète de la loufoque Kaja qui, selon la formule consacrée, crève l'écran.
Ce film est vraiment original et différent, ne le laissez pas vous échapper. Une découverte.