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raphaël jacoulot

  • AVANT L'AUBE de Raphaël Jacoulot - Président du Jury

    FESTIVAL INTERNATIONAL DU PREMIER FILM D'ANNONAY

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    L’ouverture de « Avant l’aube » évoque « Shinning » ? Raphaël Jacoulot confirme : « il n’y a aucun hasard dans un scenario ».

    Belle entrée en matière de la part de celui qui endosse cette année le rôle de Président du Jury. Selon la tradition le jeudi à 18 H 30 est présenté au cinéma les Nacelles un film du Président. Nous pouvons donc découvrir ou revoir puisque ce film est sorti en 2011 « Avant l’aube » de Raphaël Jacoulot.

    A la fois humble et ambitieux différent et palpitant, le film de Raphaël Jacoulot impose d’emblée une ambiance propice au polar qu’il est : le froid et la neige. La subtilité de la réalisation et de l'interprétation le rendent différent et palpitant. L'introverti Frédéric (l'intense et fiévreux Vincent Rottiers toujours au bord de l'implosion) va peu à peu relever la tête et sans doute croire en l'avenir grâce à son patron sincèrement touché par sa loyauté, désintéressée ou pas. Tendresse et fascination vont réunir les deux hommes, le patron et l'employé jusqu'à ce que l'enquête policière avance. Mais la France d'en bas ne peut côtoyer celle d'en haut sans dommages et Raphaël Jacoulot le démontre de façon implacable et avec maestria. Et c'est sinistre, cynique et répugnant cette bourgeoisie compatissante, faussement charitable, toujours encline à ces petites bassesses et mesquineries ordinaires et qui verse des larmes de crocodile sur son propre malheur. Il est difficile de ne pas penser à Chabrol pour la peinture au vitriol de ces petits bourgeois imbus d'eux-mêmes et condescendants. Mais le réalisateur se démarque néanmoins du maître en osant des hors champs et des ellipses où d'autres se seraient sans doute montrés trop explicites. Ce ne sont pas les grands discours ni même l'action qui rendent ce film encore plus intense, mais bien ses silences, les regards des uns et des autres, la façon dont tous s'observent de loin avec hypocrisie ou violence.

    Si la confrontation patron/prolo des rôles de Bacri, tendu, hésitant et Rottiers avec sa gueule de coupable idéal chemine vers un échec, on ne peut en dire de même de la rencontre des deux acteurs qui impriment au film leur forte personnalité tout en profondeur et subtilité.

    A l’issue de la projection, nous pouvons faire plus ample connaissance avec le réalisateur et échanger avec lui à propos du film et de sa carrière. Ses influences se sont construites au fil des années. Il a grandi en découvrant des cinéastes qui l’impressionnent et le nourrissent. Son premier film « Barrage » passé hélas inaperçu auscultait les rapports mère/fils et rôdait à la lisière du fantastique.  « Avant l’aube » est un polar qui se concentre sur les rapports père/fils. « Ce genre m’intéresse particulièrement nous précise Raphaël Jacoulot, car il me permet d’étudier les personnages et leur complexité, les placer dans des situations d’urgence et observer leurs réactions. Comment un personnage parvient-il à s’immiscer au centre d’un conflit ? » Ici, le personnage de Vincent Rottiers tente de « s’élever » et d’échapper à son milieu. Mais l’idéal dont il a rêvé va se révéler nocif et l’hôtel où tout se joue est un piège qui va se refermer sur lui. Tout le film est construit sur des rapports de classes sociales et les tentatives de rapprochement des différents milieux représentés. Au-delà de ce contexte, le rapport entre le père et le fils est tellement abîmé qu’en situation de crise, leurs réactions ne seront jamais les bonnes.

    En ce qui concerne les acteurs, le réalisateur précise qu’il a écrit le rôle pour Vincent Rottiers chez qui il trouve une véritable force d’incarnation. Pour le rôle du patron de l’hôtel, son choix s’est révélé en cours d’écriture. Raphaël Jacoulot rêvait d’un acteur comme Jean Yanne et c’est Jean-Pierre Bacri qui s’est naturellement imposé « comme une évidence à cause de l’image qu’il véhicule ». On retrouve au début le Bacri qu’on connaît et qu’on aime, bougon, autoritaire et sanguin. Mais le réalisateur a réussi à jouer avec cette image, à amener l’acteur vers autre chose. « Il s’humanise et réalise un travail d’orfèvre dans l’ambiguïté ».

    Pour finir, Raphaël Jacoulot insiste : « plus que la résolution de l’intrigue du polar, il est intéressant de construire le rapprochement possible même s’il va jusqu’à l’échec de la relation entre Frédéric et Jacques. Ces deux là auraient dû être père et fils mais on aboutit finalement à l’éloignement, à l’arrachement des deux personnages »

    Devant la qualité de cette trop brève rencontre, on ne doute pas un instant que les membres du jury ont cette année la chance d’avoir un Président enthousiaste, cinéphile, attentif. Les débats risquent d’être passionnants.