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TYRANNOSAUR de Paddy Considine ****

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Joseph est un homme seul, alcoolique, parfois violent et toujours au bord de l'implosion. Pour seul compagnon il n'a qu'un chien sur qui il passe ses nerfs à vif et qu'il tue malencontreusement. Joseph n'est pas un garçon sympathique et on n'a guère envie de le croiser au coin d'une rue. En outre, son meilleur pote est en train de mourir d'un cancer et la fille du mourant tolère tout juste ses visites faisant de lourds sous-entendus sur les comportement passés de Joseph. Quant à son petit voisin, un gamin triste et solitaire, il est régulièrement terrorisé par le pittbull du petit ami de sa mère...

Un jour que Joseph cogne son désespoir à tous les murs de la ville (Glasgow, quartiers pauvres), il entre, se réfugie, se cache dans un magasin tenu par une femme très pieuse qui l'accueille sans lui poser de questions et se met à prier pour lui. Hannah est une femme encore jeune mais qui semble fatiguée et d'une extrême tristesse. Le lendemain Joseph revient la voir et se montre partiulièrement odieux avec elle, comme ça, sans raison.  Comme s'il était le seul à porter tout le chagrin du monde.Puis il découvre qu'Hannah n'est pas la femme qu'il imaginait mais que pour elle aussi la vie est un fardeau. Quotidiennement humiliée, battue voire violée par son malade de mari, elle trouve en Joseph, cet homme instable et imprévisible un réconfort totalement inattendu. Lui-même refuse de croire qu'elle puisse se sentir en sécurité avec un homme tel que lui.

Parfois les acteurs anglais se mettent à la réalisation et cela donne des films aussi forts et dérangeants que War zone de Tim Roth ou Ne pas avaler de Gary Oldman. Des films dont on sort complètement sonnés et qu'on n'oublie jamais. Paddy Considine, acteur lui aussi, propose pour sa première réalisation un drame social d'une rare intensité qui nous met également KO. Même si contrairement à ses deux aînés qui ne donnaient aucune chance à leurs personnages, Paddy Considine laisse entrevoir une toute petite lueur d'espoir. Sans doute a t'il davantage confiance en l'humanité malgré la bestialité de certains de ces personnages dont son héros, jamais bien loin de se servir d'une batte de base-ball. La noirceur sans fond et sans fin de certaines scènes, la violence de certains actes et de certaines paroles cèdent parfois la place à des moments de grâce et de douceur où se mèlent tendresse et compassion. Ainsi cette longue et magnifique scène (muette) d'enterrement où l'hommage au défunt donne à chacun l'occasion de laisser libre court à sa joie, sa tristesse et d'accéder au pardon.

Sans angélisme malgré la bonté, la sensibilité et la générosité qui émergent de la carapace de ces héros cabossés, sans misérabilisme malgré l'extrême dureté des situations (les scènes d'humiliation d'Hannah sont particulièrement éprouvantes, comme celles qui illustrent la vie du petit garçon...), le réalisateur réussit un film sombre et douloureux en restant digne et en échappant au voyeurisme. On sait que cette batte de base ball ou ce pittbull ne sont pas là pour rien ni par hasard et on ne cesse de craindre le moment où ils entreront en scène. Et ce ne sont pas les moindres "surprises" que réservent l'histoire de ces abandonnés.

Paddy Considine a de plus la chance, la pertinence et le flair de pouvoir s'appuyer sur deux acteurs immenses qui se sont emparés de leurs personnages avec tendresse et passion. Ce que Peter Mullan et Olivia Colman font ici tient tout simplement du génie. Olivia Colman s'abandonne totalement à son rôle de femme maltraitée, bafouée, généreuse et complexe, en demande d'amour insensée. Elle est bouleversante. Quant à Peter Mullan et son beau visage scuplté de ses chagrins, de ses regrets et de ses remords, il exprime comme rarement un acteur l'a fait toutes les émotions qu'un être humain est capable de ressentir. Son état de sidération silencieuse dans lequel les révélations d'Hannah le plonge est un des moments les plus intenses de ce grand film profond, fort et subtil.

Commentaires

  • pas de cinoche pour moi avant jeudi, je crois que je vais périr d'impatience. Celui ci est numéro 1 sur ma liste ...rien que les extraits j'ai été bouleversée...

  • Même si c'est un grand film, pourrais-je affronter toute la violence qu'il contient ? A réfléchir ..

  • Malencontreusement, oui, c'est le terme

  • jane : il y a de quoi.

    Aifelle : oui, il le faut ! (j'ai fermé les yeux deux fois)

    Fred : ben t'aurais dit comment ?

  • Je devais y aller hier soir et puis finalement on a préféré siffler une bouteille!
    Mais c'est clairement le prochain film que j'irai voir et ta critique me confirme que c'est un bon choix!
    (En même temps, t'as déjà vu un mauvais film avec Peter Mullan? Moi non!)

  • Peter Mullan est grand.
    Cela dit il était dans le dernier Spielberg non ???

    Et puis siffler une bouteille c'est un peu un hommage à Joseph qui est alcoolo.

  • Voilà, exactement: c'était un hommage!
    Histoire de mieux comprendre le personnage en prévision du film.

    Le dernier Spielberg, je l'ai pas vu (me tentait pas du tout).
    Du coup, je maintiens: j'ai jamais vu Peter dans un mauvais film! ;)
    En revanche, je l'ai vu dans "Boy A", "My name is Joe", "The Magdalene sisters", "Trainspotting", "Les fils de l'homme" et j'en passe: que du bon!
    Et cette semaine, j'ai enregistré "Une belle journée" qui passait sur Arte... en VO sous-titrée!

  • Méchamment ? parce que bon il le fait pas exprès mais quand même il a bien envie de faire mal non ?

  • Mister Loup : TOUT est mauvais dans le dernier spielberg.

    Fred : ben il l'aimait bien son chien et ça lui cause bien du tourment d'avoir shooté dedans !

  • Je suis allé voir ce film à l'aveugle, sans avoir vu aucune bande annonce et lu la moindre critique. J'avais juste entendu dire que c'était bien. Waouh ! C'était en fait plus que ça !

    Assez d'accord tout ce que tu écris, Pascale. Je trouve que tu en dis un peu trop sur le scénario, mais bon, ce n'est pas un reproche: à chacun son style et je sais d'avance qu'il me sera difficile de synthétiser mon opinion. Ce qui reste à faire, d'ailleurs, à ce stade.

    Le seul (petit) bémol que je mets, c'est que j'ai trouvé certaines scènes un peu trop explicites. Le reste du temps, ça m'a un peu fait penser à du Eastwood et, compte tenu de l'âge du réalisateur, je dirais que c'est prometteur. En plus, il paraît que Considine souffre du syndrome d'Asperger, ce qui rend le film encore plus "valeureux" à mes yeux. Chapeau !

  • Tu trouves que j'en dis trop ? Je le regrette. J'essaie toujours d'être muette comme une carpe.

    Considine est autiste ??? Incroyable !

  • Ne regrette pas ! Elle est très chouette, ta chronique. Il est aussi possible que je trouve que tu en dises beaucoup parce que, pour ma part, c'est donc un copain qui m'a proposé de voir le film et que je n'en savais rien avant !

    Considine souffre du syndrome d'Asperger, oui. C'est incroyable, hein ? D'après Wikipedia, il l'a mentionné dans une interview récente, parlant de soulagement après le diagnostic positif. J'ai envie de dire que ce film parle (un peu) de lui, aussi. En tout cas, j'aime l'idée.

    Quel premier film de réalisateur, en tout cas !

  • C'est super d'aller voir les films sans rien en savoir.
    Avec Peter Mullan, j'aurais tendance à y aller aussi sans hésitation.
    J'ajoute Paddy Considine à ma liste.
    Et oui, c'est incroyable qu'il souffre de cette maladie, mais je comprends que ça puisse être un soulagement d'avoir un diagnostic sur ses souffrances !

  • Vu hier et en effet, c'est un très bon/beau film!
    Peter Mullan est impeccable, comme d'hab, très animal. J'ai été tout autant épaté par le jeu d'Olivia Colman dont la douleur est d'une sincérité bouleversante (et dont les sourires illuminent le visage). Eddie Marsan, qui joue son mari dans le film, est très bon aussi (c'était le moniteur d'auto-école dingue dans "Be happy" et l'un des ravisseurs dans "La disparition d'Alice Creed").
    Comme toi, j'ai beaucoup aimé la journée de l'enterrement, qui permet de reprendre un peu d'oxygène dans ce climat souvent étouffant.
    En anglais, ils ont l'expression "it's a dog's life" pour parler d'une vie de misère, difficile. Ca colle parfaitement avec les vies décrites dans ce film, où les chiens sont battus à mort et où les humains ne sont pas beaucoup mieux lotis...
    Mais oui, tu as raison, Pascale, il reste un peu d'espoir, ouf! (wouf!)

  • Oui j'aurais dû parler d'Eddie qui se colle au rôle pas enviable du mari ! Il est toujours excellent avec sa drôle de gueule.
    Ils vont se retrouver et vivre une grande histoire :-)))

    Direction "Le policier" de Nadav Lapid à présent : c'est UN ORDRE !

  • Il y a de forte chance qu'il se trouve dans deux nombreux bilans de fin d'année.
    Une façon de dire qu'il faut en effet le voir comme l'indique sa catégorie: Indispensable.

  • yeap !

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