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LA VIE D'ADÈLE - chapitres 1 et 2 d'Abdellatif Kéchiche ****

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Adèle est au lycée. Avec ses copines, elles chuchotent en zyeutant quels garçons les "calculent". 

Sous la pression de ses copines Adèle cède à celui qui se fait le plus insistant et qui sera vite un amoureux éconduit. Car Adèle ne laisse pas traîner les choses et elle n'a ressenti aucun plaisir lors de cette "première fois" . Il faut dire que peu de temps avant, son regard a croisé dans la rue celui d'une jolie fille aux cheveux bleus. Adèle en a vacillé, tant sans doute par l'intensité perturbante de ce premier échange que par sa stupéfaction d'être attirée par une fille. Mais là n'est pas la question. Il ne s'agit pas je crois ici de traiter des amours lesbiens même si le thème est bien dans l'air du temps, mais d'une histoire d'amour entre deux personnes. Et bien sûr ce sont deux filles mais c'est surtout Adèle qu'on va suivre pas à pas, collé à elle, pendant trois heures sur plusieurs années, les plus fondatrices, les plus fondamentales, celles qui vont de l'adolescence à l'âge adulte.

Lorsqu'Adèle fait l'amour avec le premier garçon, elle n'a qu'une image en tête, la fille aux cheveux bleus. Elles vont se retrouver car le premier regard échangé est celui de l'évidence du coup de foudre. Les premières conversations entre Adèle et Emma sont très cérébrales, et pourtant elles se dévorent du regard. Elles sont étonnantes, rares, inattendues. Emma plus âgée, est étudiante en quatrième année aux beaux-arts. Aussitôt, elle "croque" Adèle sur un carnet. Plus tard, elle deviendra sa muse, le modèle unique qui posera sur des tableaux exposés dans une galerie. Quant à Emma, elle aime la lecture, la litttérature, les enfants et manger. Adèle aime tout, sauf les fruits de mer. Elle mange à longueur de journée et son projet : transmettre. Elle veut devenir institutrice et elle sera institutrice, son ambition est modeste mais incontestable. Un livre, à ce moment de sa vie "La vie de Marianne" de Marivaux étudié en cours peut la transporter, l'enflammer. Elle met au défi quiconque de ne pas dévorer les 600 pages de ce roman de la destinée d'une jeune fille, de son génie féminin et de ne pas en être bouleversé.

Lorsqu'elle rencontre la famille d'Emma, des bourgeois intellos qui mangent des huîtres et n'ont aucun problème avec l'homosexualité de leur fille, ils lui diront de manière un peu condescendante que plus tard elle changera sans doute d'avis sur son choix de profession. Lorsqu'Emma est invitée à son tour chez les parents d'Adèle, plus prolos, elle mangera des spaghetti bolognaises et s'entendra parler de ce petit ami qui n'existe pas mais qui fait des études commerciales, une voie plus sûre pour gagner sa vie. Les parents d'Adèle sont persuadés qu'Emma l'aide en philo. C'est la seule partie un peu caricaturale du film : les bourgeois tolérants, les prolos un peu bas de plafond. Tant pis, ça donne envie de manger des spaghetti.

Simplement, les deux filles sont issus de milieux différents. ça ne leur pose aucun problème. Trois scènes d'amour, dont une très longue comme on n'en a jamais vues (dans un film qui ne soit pas porno), nous les montrent littéralement aimantées l'une par l'autre. L'expression "ne plus faire qu'un" n'a jamais été aussi bien et fortement visualisée que lors de ces rapports sexuels où rien n'est éludé de l'attirance, de la montée du désir, de l'acte lui-même, de la jouissance suivis par ces moments de répit où l'on est encore tout émerveillé de la présence et de l'amour de l'autre.

FWARNING - PÉRIMÈTRE SPOILAGEE

Adèle et Emma vont vivre ensemble mais l'état fusionnel des premiers temps est difficile à maintenir. Comme il arrive dans certains couples, l'une va se satisfaire et même s'accomplir dans cette vie commune et l'autre devenir plus exigeante, attendre et souhaiter plus d'ambition de la part de sa compagne. Deux scènes (une de rupture, implacable, d'une violence inouïe, une de retrouvailles déchirante) à ce moment du film sont des sommets d'émotion.

Le second chapitre de la vie d'Adèle est un crève-coeur. Les années passent et l'amour, le désir d'Adèle envers Emma, passée à autre chose, une vie plus paisible, familiale, ne faiblissent pas. Mais Adèle est devenue une grande fille et parvient à mettre son insoutenable chagrin entre parenthèses pour animer une fête de fin d'année par exemple et mieux s'effondrer ensuite épuisée de douleur et de solitude. Laisser Adèle dans l'état où on la laisse est un déchirement aussi pour le spectateur.

Grand film d'amour donc, filmé au plus près des visages comme toujours chez Kéchiche qui ne connaît pas le plan large. Directeur d'acteurs exceptionnels il offre à Léa Seydoux son plus beau rôle, son premier je dirai (car je n'ai jamais compris l'engouement). Belle comme jamais elle n'a été filmée, douce, tendre, vivante, rieuse, énergique, il a enfin révélé en elle la fameuse lueur, la flamme dont on parle depuis des années et que je n'avais vue dans AUCUN de ses films précédents. Réussir à anéantir son côté "je suis une fille, je murmure, je boude", est un exploit. Espérons qu'elle réussisse à porter dorénavant ses interprétations à ce niveau.

Mais le miracle ici évidemment, impossible d'y résister, c'est Adèle Exarchopoulos. Son sourire irrésistible, sa petite bouille enfantine et soudain tellement adulte, sa bouche ouverte lorsqu'elle dort tel un gros bébé, ses cheveux et ses mèches plus rebelles qu'elle, la passion qui l'anime lorsqu'elle parle des livres, ses larmes qui jaillissent brutalement, sa gourmandise, ses colères, ses chagrins, son désespoir... tout est impressionnant chez cette toute jeune personne/actrice de 19 ans !

Et si vous ne l'avez jamais entendue en interview, je vous recommande particulièrement celle-ci, elle y est d'une intelligence et d'une profondeur exceptionnelles :

Je m'absente quelques jours, je vous laisse avec Adèle.

Commentaires

  • Olala, ma Pascale, je suis tellement d'accord avec toi ! Ce film est génial. La photographie d'une génération (oui ça fait pompeux mais j'aime bien). Je m'y suis retrouvée. Ce n'est pas l'histoire d'une ado homo, juste d'une ado amoureuse, qui se cherche. J'ai aimé que Kechiche ne juge pas, ne stigmatise pas. C'est doux, c'est drôle puis cruel. Et tellement réel. Ce film me trotte dans la tête depuis hier, je suis envoûtée. Et la chanson "I follow rivers" ne me quitte plus !

    Je m'en vais de ce pas écouter Adèle sur France Inter.

  • aaaaaaaaaah enfin un commentaire pour ce beau film !
    Contente que tu aies aimé. Ce n'est pas du tout notre génération mais Mouche et moi avons été hantés quelques jours aussi !
    Et Adèle... miam !

  • Y a pas d'ordi à Lyon ?
    ou t'es trop occupée à te rincer l’œil sur les bouquins cochons que ton cher et tendre feuillète négligemment ?

  • Si, y'a ordi mais je débranche, je profite :-)
    Et puis j'ai oublié mon appareil photos... c'est la PREMIERE fois que ça m'arrive. Mais bon t'inquiète, y'aura des photos, ratées, floues, de loin... à vélo (lol) prises avec mon GSM.

  • très beau film effectivement ! ce que j'ai le moins aimé, ce sont les scènes de sexe, qui ne sont pas très bien filmées à mon avis et un peu artificielles. J'ai trouvé un côté un peu forcé chez les comédiennes, essayant de faire le plus abstraction possible de l'équipe (sans doute réduite, mais quand même) autour, et n'y parvenant pas complètement (on les comprend). J'ai été vraiment impressionnée par la justesse du jeu de Léa Seydoux, que j'avais déjà beaucoup aimée dans "L'enfant d'en haut". Adèle est plus dans une spontanéité, qui correspond à son âge, comme Emilie Dequenne à ses débuts. On lui souhaite une belle continuation. J'ai aimé aussi les scènes de lycée et celles qui mettent en scène la différence sociale. C'est ce que Kechiche sait le mieux faire, pour le reste, il commence à avoir quelques "trucs" de réalisateur à mon avis.

  • Il est vrai que côté sexe... ça finit par faire "performance" au bout d'un moment donc, pénible !
    Pour le reste je suis d'accord aussi.

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