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RED AMNESIA de Wang Xiaoshuai ***(*)

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Deng, une dame d'un âge certain vit seule dans un appartement où elle parle à son mari mort et continue de lui mettre son couvert. Elle s'impose chez ses enfants, deux fils dont un est marié et a un enfant, l'autre homosexuel qui vit seul et ne mène pas la vie rêvée que sa mère aurait souhaitée.

La mère et les enfants semblent vivre deux époques qui ne se comprennent pas. C'est évidemment souvent ce qui se passe entre deux générations mais la Chine qu'a connue voire subie Feng et celle de ses enfants n'est évidemment pas la même. La révolution culturelle vs/ le système capitaliste. Même si en tant qu'occidental on peut toujours avoir l'impression que ce pays fonctionne sur d'anciens principes qui nous échappent.

 

Deng envahit ses enfants, entre chez eux sans prévenir, leur prépare à manger chaque jour, va chercher son petit fils à l'école. Tout ça sans que personne ne lui demande rien et au contraire, ses fils essaient le plus diplomatiquement possible de calmer ses ardeurs : "tu ne devrais pas faire tout ça, ça te fatigue !" Mais elle ne l'entend pas de cette oreille, ce qui est à eux est à elle et tant qu'elle le pourra elle agira ainsi. Elle s'occupe par ailleurs de sa vieille maman qu'elle a placée contre son gré dans un hospice. Et quand la très vieille femme ose émettre le souhait de ne pas y rester, Deng lui explique violemment que la place des vieux est à l'hospice et que lorsque son tour viendra elle ira elle-même sans embêter ses enfants. Pas commode et plutôt têtue la Deng.

 

Des appels anonymes perturbent son quotidien et plus encore lorsqu'elle a la sensation d'être suivie. Et effectivement, de plus en plus souvent un jeune homme rôde autour d'elle.

 

J'ai trouvé ce film foisonnant d'idées et de réflexions et la façon de traiter cette histoire particulièrement ambitieuse, implacable et magistrale. J'ai lu cette critique  parfaitement aberrante : "Difficile d’applaudir la critique de la bourgeoisie chinoise quand la mise en scène dit à tous les tournants son attachement à la « qualité »". Personnellement j'aimerais que davantage de mises en scène crient leur attachement à la qualité à tous les tournants. Peu importe, mais j'ai trouvé la phrase à la fois tellement prétentieuse, couillonne et drôle que je voulais la partager.

 

Le réalisateur boucle son histoire, ainsi par exemple les premiers plans indéchiffrables du début trouvent leur explication à la toute fin et du coup, on comprend d'où on est parti, où il a voulu nous emmener et où nous sommes arrivés. Le doute persiste très longtemps. D'abord les coups de fil ! Sont-ils réels ? La dame n'étant plus toute jeune et venant de perdre son mari, il est facile à la police de ne pas prendre l'histoire très au sérieux. Ensuite, le jeune homme. Existe-t-il ou est-ce un fantôme ? Le réalisateur entretient le doute avec des plans où le jeune homme est là et puis plus.

 

Entourée d'énormément de photos dont on s'approche peu à peu, on imagine que Deng grincheuse et hyper active a un passé qui l'accable, qu'elle veut oublier ou dont elle n'est pas fière. On ne sait pas, on extrapole. Le réalisateur sait mener le suspense et les pistes. Il émane beaucoup de mystère mais aussi beaucoup de tristesse du personnage principal et de l'histoire.

 

On peut aussi voir le film au premier degré je trouve sans s'encombrer d'analyse politique même si au bout d'un moment elle devient évidente. En tout cas, de nouveaux personnages apparaissent jusqu'à la toute fin et trouvent leur place dans l'histoire. Le tout dernier plan est triste à pleurer presque désespérant.

 

L'interprétation de la dame et des trois jeunes (très beaux) garçons (je vous fais grâce de leurs noms, désolée pour eux, mais je vais me mélanger les lettres) est d'un haut niveau également.

 

De ce réalisateur, j'avais déjà vu 11 fleurs et Une famille chinoise, et il m'avait déjà fait forte impression.

 

Red Amnesia : Photo

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NB. : comme toujours pour les films chinois, n'y allez pas le ventre vide, il y a un repas tous les quarts d'heure... même si la façon excessivement bruyante de manger de la dame gâche un peu le plaisir des mets.

Commentaires

  • Je n'ai pas tellement envie de pleurer, ces jours-ci, et je ne sais même pas s'il est sorti dans un cinéma proche de chez moi. Cela dit, ta chronique éveille mon attention. Merci !

    C'est vrai que, puisque c'est le même réalisateur que "11 fleurs", ça mérite sûrement le détour.

  • C'est parfois triste, mais ça ne fait pas pleurer.
    Et ça mérite amplement oui. Mais je sais qu'il faut faire des choix.

  • Bonjour,
    Merci pour cette critique ! je suis contente de voir que vous avez apprécié le dernier film de Xiaoshuai, qui est un cinéaste que je suis depuis ses débuts. Je me permets de vous conseiller d'autres de ses précédents films, "Shanghai Dreams" (Prix du Jury à Cannes à l'époque) et surtout son tout premier "Beijing Bicycle", sorte de "Voleur de bicyclette" revisité au coeur du Pékin contemporain, et son plus déchirant.

    Vous avez tout à fait raison pour cette confusion menée par le film, et ce flou sur la réalité, l'imaginaire, le passé trouble du personnage. On pense qu'il s'agit d'un film sur la jeunesse d'aujourd'hui et la famille éclatée, alors qu'il s'agit plus d'un film sur le passé de la Chine... j'ai trouvé "Red Amnesia" moins fort que "Beijing Bicycle" ou "Une Famille chinoise", que vous mentionnez, mais néanmoins fort intriguant, plein d'intentions louables. Je ne comprends donc pas cette critique péjorative des Cahiers du Cinéma que vous mentionnez.

    Bonne journée

  • La remarque des Cahiers est tellement bête qu'elle en est risible je trouve.
    Ah j'avais vu Beijing Bicycle mais comme c'était avant 2006, il n'est pas chroniqué ici.
    Ton blog est une mine du cinéma asiatique, bravo.

  • Cela fait longtemps que je n'ai plus vu de film de ce réalisateur, alors je le note sans faute, merci pour ce billet tentateur :)

  • Oui nous sommes des tentatrices :-)

  • Bonjour Pascale, j'ai moi aussi beaucoup aimé ce film vu avant-hier soir: dommage qu'il ne soit sorti que dans trois salles (à Paris). Le personnage de la mère est plutôt antipathique mais on arrive à la plaindre. Mon billet sur ce film paraîtra très bientôt. Bonne soirée.

  • Oui elle est assez agaçante avec ses idées bien arrêtées et son interventionnisme mais finalement...

  • J'ai bien aimé ce film vu il y a quelque temps en prè-visionnement. Le récit est assez savant et la fin inattendue. Recommandé au Rouge et Noir qui va le passer prochainement. Je le reverrai peut-être pour mieux comprendre les liens entre le début et la fin.

  • Oui c'est un film qu'on peut revoir :-)

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