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RESTER VERTICAL

d'Alain Guiraudie ****

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Avec Damien Bonnard, India Hair, Raphaël Thiéry

Léo, scénariste, n'a plus l'inspiration. Il se rend en Lozère sur un grand causse (plateau karstique fortement érodé caractéristique du sud et de l'ouest du Massif Central... je dis ça parce que j'ai découvert le terme (merci Alain et wiki !)) mais au lieu de la muse, il rencontre Marie, une jolie bergère peu farouche.

Léo n'y connaît manifestement rien en matière d'agriculture. Il s'étonne que Marie soit seule sur ce plateau venteux le fusil à la main. C'est que le loup rôde et qu'il décime les troupeaux. S'ensuit une conversation sur l'indemnisation en cas de perte. Vu du côté du citoyen des villes, c'est largement suffisant. La bergère a des arguments. Imparables. Pour Léo le loup est aussi fascinant qu'effrayant. Mais la conversation a assez duré et l'heure est au rapprochement. On est chez Guiraudie, il est urgent de baiser.

 

Juste un peu avant, je dis ça parce que c'est important, juste en arrivant dans la région Léo croise la route d'un jeune homme désoeuvré malmené par un homme vieillissant, à moins que ça ne soit l'inverse, chez qui il vit et qui écoute du Pink Floyd l'ampli poussé à 12. Il cherche à sympathiser avec l'un puis avec l'autre. En vain. Bien que les deux lui disent régulièrement "de quoi tu te mêles, laisse-nous tranquilles", il ne les lâchera plus pourtant. Et il fera bien.

 

Régulièrement il reçoit des appels de son éditeur qui lui réclame les pages de son scenario. Léo ment, dit que le travail avance mais la page reste désespérément vide. 

 

Marie ramène Léo à la ferme où elle vit avec son père et une seule envie : quitter cette vie agricole. Léo n'est pas le bienvenu, le père (vraiment flippant et l'acteur étonnant) le fusille du regard sans un mot, mais Léo s'installe, fait un enfant à Marie ou plutôt avec Marie. Manifestement la jeune femme n'en est pas à son coup d'essai de tenter de garder un homme en lui donnant un enfant puisqu'elle a déjà deux fils dont les pères (ou peut-être un seul père...) ont disparu et dont nous ne saurons rien. Mais lorsque l'enfant paraît, Marie l'ignore. Il faut dire que jour et nuit le bébé pleure beaucoup et qu'elle ne s'y attendait pas. Léo couve cet enfant sans nom, tandis que Marie emporte ses aînés et lui laisse le petit braillard...

 

A ce moment du film, cela ne fait que commencer ou presque et on a plus guère le choix, on est chevillé au sort et au destin du père et de l'enfant. Âmes sensibles s'abstenir car ce que le bébé va endurer (bien qu'il ne soit jamais maltraité, au contraire, sans vouloir faire de jeu de mots, Léo protège son bébé comme une louve) est assez éprouvant.

 

Comment dire, comment parler de ce film unique en son genre, provocateur, troublant, choquant, sexuel ? Je n'en suis qu'à ma deuxième expérience guiraudiesque et j'avais adoré L'inconnu du Lac qui avait au moins l'avantage ou la différence d'avoir une trame, un scenario voire une enquête. Ici, pas de ligne réellement directrice, si ce n'est le personnage principal, central, captivant, ça part dans tous les sens et finalement en voyant le film je me disais que Guiraudie avait tout compris. La vie est ainsi faite, pleine d'imprévus, de fractures, d'indécisions... Pourquoi un scenario se devrait-il d'être une ligne droite ? Son film c'est la vie ! Ok, ce n'est sans doute pas la vie du commun des mortels. Tout le monde n'est pas forcément confronté à l'errance, la perte de travail, de logement, l'euthanasie, une garde à vue, à se retrouver dépouillé de tous ses vêtements son enfant dans les bras par plus SDF que soi... et j'en passe. Néanmoins, la vie n'est pas un long fleuve tranquille et Léo l'affronte avec ses moyens, ses incertitudes, ses hésitations. Léo est perdu, mais...

 

Léo, désormais seul avec son enfant quasiment greffé à son bras, dégringole. Il consulte une étrange belle femme (j'aime à la folie Laure Calamy) dans une forêt. Elle "sent" les choses. Le film se teinte alors légèrement de surnaturel. Sans travail, sans logement, sans ami, sans argent, il descend de plus en plus bas. Il se cogne aux portes, fait la manche... Oh je ne sais comment vous dire. Léo est tellement, tellement, tellement gentil, bon, doux, conciliant, c'est sûr ce garçon rêve de paix sur la terre et même sexuellement il est prêt à varier ses orientations, qu'on a envie qu'il s'en sorte, lui et son bébé.

 

Evidemment on est chez Guiraudie et donc le sexe est roi. Et si dans l'Inconnu du Lac on assistait à des accouplements entre garçons, ici il insiste sur l'entre-jambes grand ouvert d'une femme, peut-être complaisamment (décidément je ne saurai jamais quand il faut employer ce terme... et bravo India Hair, quelle confiance elle a accordée à son réalisateur !) comme pour nous dire que tout garçon qu'il est, il sait ce qui fait plaisir aux filles. Oui messieurs, n'hésitez pas, arrêtez cinq minutes de vous faire sucer la vie c'est pas un porno, occupez-vous de la dame ! Désolée d'être brutale, mais je le répète, on est chez Guiraudie :-)

 

Enfin voilà, on ne peut pas mettre du Guiraudie devant tous les yeux j'imagine. Il y a du cul, du désir, des bites molles, des dures, une chatte... mais aussi du désir beaucoup, du sentiment pas mal, de la bonté, de la gentillesse, de la cruauté... de l'humanité. Quelque chose de différent. Et des images somptueuses aussi. Et le réalisateur nous fait tout accepter même si on est pas prêt. Il nous emmène et on le suit.

 

Et puis, il y a une scène, quelques minutes. C'est cette scène, sublime, j'en ai encore les poils (des bras) qui se hérissent en en parlant, qui donne sa justification et l'explication du titre. Où Guiraudie et son extraordinaire acteur sont-ils allés chercher cette perfection ? Quand tout semble perdu, quand on est allé au bout du bout, il faut rester debout, vertical. La caméra tourne sans excès, il y a un homme debout, puis un autre, un agneau, des loups... un homme qui parle, un homme debout, vertical qui parle et de sa voix douce il explique.

 

SUBLIME !

 

S.U.B.L.I.M.E.

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