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MOI, DANIEL BLAKE

de Ken Loach ***(*)

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Avec Dave Johns, Hayley Squires, Dylan McKiernan, Briana Shann

Pour la première fois de sa vie, Daniel Blake, un menuisier anglais de 59 ans, est contraint de faire appel à l’aide sociale à la suite de problèmes cardiaques. Mais bien que son médecin lui ait interdit de travailler, il se voit signifier l'obligation d'une recherche d'emploi sous peine de sanction.

Au cours de ses rendez-vous réguliers au « job center » (notre Pôle Emploi), Daniel va croiser la route de Katie, mère célibataire de deux enfants qui a été contrainte d'accepter un logement à 450 km de sa ville natale pour ne pas être placée en foyer d’accueil. Pris tous deux dans les filets des aberrations administratives de la Grande-Bretagne d’aujourd’hui, Daniel et Katie vont tenter de s’entraider…

 

Bien que kenloachien et palmé d'or, je ne me suis pas précipitée lors de la sortie de ce film parce que j'avais entendu beaucoup de rumeurs concernant l'essoufflement du réalisateur et le côté misérabiliste du film. Et puis je me suis convaincue : "Ken Loach et Palme d'Or quand même !" Et j'ai bien fait. Ce film n'a rien de misérabiliste et le réalisateur n'a rien perdu de son pouvoir de s'indigner, se révolter tout en continuant de croire en l'espèce humaine et aussi d'émouvoir. De l'autre côté de l'écran on s'indigne, on se révolte, on est choqué, écoeuré et ému. Beaucoup, trop... la fin aurait gagné à... bon, je ne dis rien !

 

Dès le début on pense que Daniel va s'en sortir. Bien calée dans mon fauteuil je trouvais son cas plutôt simple à résoudre. Daniel ne demande d'ailleurs qu'à retravailler mais avec l'accord de ses médecins. D'un côté ses chirurgien, cardiologue, kiné lui interdisent provisoirement de reprendre le travail, de l'autre, les autorités estiment que Daniel fait peut-être partie de ces crevards de profiteurs de guerre qui restent chez eux, profitent du système et touchent des allocs alors qu'ils pourraient être au travail salauds de pauvres !

 

Lors de la première scène, Daniel est interrogé par une personne d'un organisme privé néanmoins rattaché à l'Etat qui le soumet à toute une série de questions d'ordre physique ("pouvez-vous levez le bras pour mettre un chapeau ?", "Pouvez-vous marcher 50 mètres sans vous faire aider ?"...) qui n'ont strictement rien à voir avec sa maladie cardiaque. La personne coche des cases. Il en faut 15 pour obtenir une pension d'invalidité. Daniel n'en a que 13, il est donc considéré comme apte au travail. Partant de là, cet homme de 59 ans va être soumis à un marathon administratif hallucinant.

 

Pour obtenir une pension, il faut qu'un intervenant le contacte par téléphone puis qu'un courrier lui soit adressé. Or il a reçu le courrier mais pas le coup de fil. Il passe un temps infini à patienter au téléphone sur une musique d'ascenseur à attendre qu'un type à la voix et au discours d'automate lui réponde. Sans omettre de lui donner du "monsieur" à chaque bout de phrase. N'oubliez pas que : "Dans le cadre de notre démarche qualité, votre appel est susceptible d’être enregistré" . En l'absence de pension d'invalidité, il pourrait toucher le chômage mais il doit justifier de 35 heures par semaine de... recherche d'emploi, suivre un atelier C.V, se mettre à l'informatique (scène ubuesque où il s'applique à manier la souris, à remplir le formulaire (car tout se passe en ligne désormais) pour se voir signifier au moment de cliquer sur "envoi" que son temps de connexion est dépassé)...

 

Le réalisateur n'omet rien de tout ce que l'administration a inventé de démarches et formalités parfois contradictoires et souvent sans concertation entre les différents services et à quoi nous avons tous été confrontés un jour ou l'autre. De quoi y perdre son temps, ses nerfs, son latin. Daniel se plie de plus ou moins bonne grâce à ces exigences. De son côté, Katie, la jeune femme qu'il a rencontrée et qu'il aide comme il peut, sombre de plus en plus, se prive de manger pour donner à manger à ses enfants, se retrouve à la banque alimentaire et fait un choix qui bouleverse Daniel...

 

Ce qui est beau dans ce film c'est la solidarité évidente, immédiate entre les plus démunis. Tout ce qu'ils peuvent mettre en commun pour s'entraider ou se secourir, ils le font. Que ce soit un plat de spaghettis, une aide pour réparer un évier. Mais le réalisateur tape fort sur l'administration et ses employés. C'est simple et manichéen ? Il faut le dire pourtant parfois. Que celui qui n'a jamais été, même dans une situation beaucoup moins dramatique que celle de Daniel ou Katie, confronté au petit fonctionnaire borné, médiocre mais gavé de son petit pouvoir, me jette le premier formulaire. Ah cette petite blonde au carré impeccable qui distribue les sanctions de son petit air supérieur comme elle donnerait un bon point ou plutôt un mauvais à un enfant ! Qui supprime les allocations pour un retard ou un document mal rempli ! Cette chéfaillonne qui convoque pour la réprimander dans son bureau une employée qui s'est montrée un peu trop aimable avec un allocataire ! On en connaît tous. 

 

Ken Loach indigné est toujours du côté des plus démunis. Il en parle bien et ne joue pas la facilité au contraire. Il parsème son film de scènes magnifiques comme celle où Daniel qui a vendu tous ses meubles pour toucher un peu d'argent, construit une belle étagère pour Katie. Celle où il prend une bombe de peinture pour crier que lui "Daniel Blake est un homme, pas un chien. Un citoyen. Rien de plus, mais rien de moins".

 

Frissons garantis.

 

Hayley Squires dans le rôle de Katie, sans un sourire, sans espoir, se bat pour ses enfants et garder sa dignité. Mais le pivot du film c'est lui Daniel Blake, interprété par Dave Johns que je connaissais pas. Je découvre  qu'il est un humoriste dans son pays et que c'est son premier rôle au cinéma. Avec son physique entre Michel Bouquet et Peter Mullan, son humour malvenu face aux tronches de carême implacables de l'administration, sa douce ironie, sa bonhommie, sa gentillesse, il est absolument étonnant, craquant, bouleversant.

Commentaires

  • Alors là, tu m'as donné envie comme pas possible (je me méfiais de Ken Loach dont je n'ai pas tout aimé, loin de là).

  • C'est un GRAND Ken Loach je trouve. Et j'hésitais beaucoup aussi.

  • J'aurais pu faire le même billet que toi ; encore que moi, j'y allais sans me méfier, je lui faisais confiance sur ce coup-là et j'ai été touchée par ces deux personnages qui gardent leur humanité, eux .... Ce n'est pas misérabiliste, c'est extrêmement réaliste, mais évidemment c'est une réalité pas belle à voir.

  • Je crois que lâchement, je n'avais pas la force de voir une histoire aussi triste... Mais quel film et quel acteur !

  • Bonjour Pascale, le personnage de la "chefaillonne" est en effet assez épouvantable. On aurait envie de la gifler. Bonne fin d'après-midi.

  • Bonsoir Dasola, effectivement, quelle abrutie. Hélas ce personnage existe dans la vraie vie !

  • J'ai adoré ce film très juste et poignant (pour moi une belle Palme d'or) , un des plus sombres de Loach, qui n'a rien de mineur (selon moi) dans sa filmo. Je suis un peu étonnée qu'on lui reproche d'être manichéen, c'est pas vraiment nouveau et chez lui, je ne trouve pas que ce soit un défaut, au contraire je trouve qu'il arrive à en tirer quelque chose de plus fort et pertinent.

  • Tout à fait d'accord.
    Pour le manichéisme aussi. C'est pas comme si ces gens stupidement bornés n'existaient pas. On est d'accord que des démunis très cons ça existe aussi. Mais oui ce que Loach en fait est fort.

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