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POULET FRITES

de Jean Libon et Yves Hinant ****

poulet frites jean libon et yves hinant,cinéma

Synopsis : Striptease n’est pas mort ! Pour son retour, un polar noir. Un vrai meurtre et la pièce à conviction ? Une frite !

Striptease est une émission de documentaire belge qui avait pour principe d'abandonner tout commentaire et de laisser toute la place aux protagonistes de l'affaire traitée. En 2004, un des ses créateurs, Jean Libon, disait : « Nous avons parié sur l'intelligence du téléspectateur. Et puis nous avons conçu un emballage : musique, générique, etc. qui donne un minimum de pistes et un ton. L'ambiguïté en définitive ne dure qu'une heure. Une fois qu'on a vu Strip-tease, on sait de quoi ça parle. Mais c'est vrai que le titre a beaucoup déplu, au départ. Avec des journalistes qui écrivaient : “Cette émission qui vaut mieux que son titre” ou “Strip-tease, la meilleure émission de la télévision actuelle, hélas !"

Dès le générique cultissime, toute la belgitude semble être convoquée dans ce bastringue nonchalant.

Les deux vétérans Jean Libon et Yves Hinant s'en tiennent à leur formule : ni commentaire, ni voix off. C'est la deuxième fois qu'ils adaptent un documentaire sur grand écran après Ni juge, ni soumise en 2018 (que je n'ai pas vu mais que j'espère voir car l'inénarrable juge Anne Gruwez objet/sujet du documentaire est aussi la juge de Poulet frites, 20 ans plus tôt).

Ici, nous entrons sans préambule dans l'appartement minable d'une femme assassinée (gorge tranchée jusqu'à l'os avec un couteau à pain). "Oh la la, c'est petit !" dit l'impayable juge. Cela se passe à Bruxelles dans un quartier "chaud" où le trafic de drogues en tout genre est banal. Le compagnon de la défunte vit à l'étage supérieur et devient immédiatement le premier et principal suspect. Tellement défoncé le soir du meurtre qu'il ne se souvient de rien mais par contre très bien de ce qu'il a mangé : exactement les mêmes frites qui se trouvent dans le bol alimentaire après autopsie de sa compagne.

On assiste médusé aux nombreux interrogatoires que le jeune homme subi et malgré l'incohérence et la banalité de ses propos parfois, il s'en tient toujours à cette évidence : "si j'avais fait ça, je m'en souviendrais quand même !" Il pleure, se désole devant l'horreur, reste calme mais incapable de se forger un alibi présentable.

Face à lui des flics incroyables qui ne lâchent rien mais restent sereins, évitent les menaces ou intimidations auxquelles on pourrait s'attendre. Le commissaire c'est Jean-Michel Lemoine qui mène son enquête et ses interrogatoires de façon impressionnante, ne laissant aucun petit détail lui échapper. Quitte à avoir ce genre d'échanges surréalistes avec Alain, principal suspect :

« – J’essaye de comprendre, je t’écoute, je constate, j’entends les autres, et je suis obligé de mettre les choses les unes derrière les autres et comprendre ce qui s’est passé cette nuit-là. Dans le bol alimentaire de la victime, il y a des frites dont certaines sont pratiquement intactes.

– Si elle a des frites, je lui ai donné des frites, alors.

 – La Belgique est le pays de la frite, je ne vais pas me satisfaire d’une déclaration comme ça. Elle a tes frites dans son ventre.

 – Ah d’accord.

– Elle n’a pas de frites chez elle, pas une seule frite. Ce qui m’a frappé, c’est le calibre de la frite, ce sont précisément les mêmes, à l’autopsie, ça m’a crevé l’œil. »

C'est drôle parfois. Involontairement ou volontairement ? Les protagonistes savent qu'ils sont filmés. Mais les flics hallucinent littéralement quand ils apprennent qu'Alain a déjà passé 16 ans de ses 37 années de vie en prison ! Car on est aussi ici confronté à la misère humaine. L'état des appartements, les dents pourries d'Alain, la victime qui se livrait à la prostitution pour se fournir de la drogue, les migrants, les marginaux tout converge vers ce monde de rejetés à la périphérie des grandes villes. C'est glaçant et le documentaire valorise la ténacité des flics dans leur enquête, évoque leurs relations entre collègues, leurs repas vite pris sur leur bureau, les heures tardives à veiller pour continuer à chercher. C'est passionnant et on est plein d'admiration pour ces hommes qui font leur boulot avec tant d'implication et d'application, ne laissant rien au hasard. Le travail de fourmis de décryptages des fadettes m'a vivement impressionnée. Nos téléphones sont des mines de renseignements.

Près d'eux la juge star Anne Gruwez qui déroute parfois avec ses interventions : "là il va falloir faire intervenir Sainte Rita. Je suis juge mais avant tout catholique".

Dans le cahier des charges de Strip-tease on peut lire cette contrainte : « Un court poème lu à la fin ». Ici, Jean-Michel Lemoine l'incroyable commissaire devenu par la suite patron de la crim' sort un petit papier et lit :

«Ceux qui vivent sont ceux qui luttent. Les autres, je les plains.» Victor Hugo

Je vous encourage mille fois à courir voir ce film s'il passe dans votre coin.

C'est un vrai polar passionnant et l'enquête est résolue à la fin..

Commentaires

  • Il était dans mon programme. Ton billet conforte mon envie...

  • N'hésite pas.

  • J'avais adoré "ni juge ni soumise", avec pas mal d'étonnement quand même sur certains comportements de la juge. Je compte bien aller voir celui-ci.

  • J'aimerais le voir.
    Je comprends ton étonnement. Parfois je me demandais si elle avait fait du droit :-) et à d'autres j'étais impressionnée par sa force de travail, ses questions, ses remarques, son implication.

  • J'ai déjà goûté au "poulet au vinaigre" mais cette friterie m'est encore inconnue. Vieux souvenir que cette "émission qui vous déshabille", mais bon souvenir. Le film semble avoir un côté "p'tit quinquin" non ? Tout ce qui me plaît mon commandant.

  • J'adore le ptit Quinquin Parmentchier mais non... ici on flirte avec l'intelligence et (attention je lâche le mot) la bienveillance.
    Il faut foncer voir cet effeuillage.

  • Ce fabuleux documentaire à suspens n'est malheureusement sorti que dans une combinaison très restreinte de salles. C'est à voir absolument.

  • Petit retour dans le passé quand je regardais les émissions sur FR3..
    Beau film. Personnages attachants et beaucoup de détail sur le travail de fourmis. En effet le travail sur les FActures DETaillees ( fameuses FADET est ahurissant).
    Hélas la bonne volonté de chacun ne suffit pas toujours...

  • Ah merci, je me demandais d'où venait l'acronyme FADET :-)
    C'est vraiment passionnant ce film.

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