JE SUIS TOUJOURS LÀ
de Walter Salles ****
Avec Fernanda Torres, Fernanda Montenegro, Selton Mellon, Valentina Herszage, Guilherme Silveira
Rio, 1971, sous la dictature militaire. La grande maison face à la mer des Paiva (les parents et leurs cinq enfants) abrite un bonheur séduisant et communicatif.
Malgré le régime autoritaire voire terrifiant qui sévit, les contrôles arbitraires et la surveillance permanente, Eunice et Rubens ont réussi à installer chez eux un climat d'insouciance idéal pour des enfants et des ados. La porte est toujours ouverte aux amis de toutes générations, à la famille et même à un sac à puces sans collier qui divaguait sur la plage. Chez les Paiva, on danse, on chante, on discute, on envisage l'avenir des enfants. Il n'y a que la rue à traverser pour aller se baigner dans l'océan. Seule l'ombre d'un hélicoptère vient assombrir cette douce et joyeuse légèreté.
Après une première partie où les fêtes et la joie permanentes semblent être un pied de nez au gouvernement, la police militaire fait irruption dans la maison et arrête Rubens pour un soi-disant interrogatoire de routine. L'insouciance fait place à l'inquiétude puis à la peur. Rubens ne revient pas et aucune explication n'est donnée. La vie paisible et tranquille vole en éclats. Eunice doit faire face, protéger ses plus jeunes enfants, les rassurer tous.
Le réalisateur s'inspire du livre biographique écrit par Marcelo le seul fils de la famille Paiva Je suis toujours là mais également de son rapport personnel aux évènements puisqu'il était ami avec les enfants du couple à cette époque. Rubens est donc la première personne qu'il connaissait à disparaître. Un cataclysme pour l'entourage. Il prend le point de vue d'Eunice et suit à la trace son combat des décennies durant. Avec une force de caractère exceptionnel l'admirable actrice Fernanda Torres rend cette lutte incroyablement vibrante et bouleversante. Sans jamais abdiquer, elle fait front, ne flanche jamais avec une dignité et un courage hors du commun. Tout perdre, l'homme aimé, l'aisance financière (une femme ne peut toucher à l'argent en banque sans la signature du mari), la maison du bonheur et porter une fratrie de cinq enfant à bout de bras, reprendre des études à 45 ans pour devenir avocate et défendre les opprimés... tout est admirable chez cette femme jusque dans son maintien noble et digne. Eunice est une reine et Fernanda Torres également (Golden globe 2025 mille fois mérité de la meilleure actrice pour ce rôle).
Walter Salles ne joue ni avec nos nerfs, ni avec nos émotions. Les exactions et tortures physiques restent hors champ. Eunice fera également l'objet d'une arrestation avec une de ses filles. Lors de son passage de plusieurs jours dans les geôles, ce sont les tortures psychologiques, les humiliations et le chantage à l'usure qui sont décrits.
Même si l'ombre du père absent plane sur la famille entière, je pense que le Je suis toujours là du titre représente aussi Eunice, la femme, la mère intérieurement détruite mais constamment digne, calme, sereine, douce, indestructible. Cette actrice et ce film profondément humains sont admirables pour décrire l'abjection d'un régime innommable qui laisse comme seule raison d'espérer et de sourire à nouveau, rien que l'idée d'obtenir un certificat de décès.
Glaçant et essentiel il me semble, le film est aussi incroyablement beau, avec une bande son magnifique (dont une chanson française gainsbourienne) et un casting impeccable.
3 millions de brésiliens ont fait un triomphe à ce film.
Commentaires
J'envisage d'y aller, seules les 2 h 1/4 me font un peu peur, mais je vais tenter. J'ai terriblement besoin d'une figure de femme qui lutte ces temps-ci.
Je n'ai pas vu le temps passer mais je n'ai pas tes soucis (j'en ai d'autres :-) )
Elle est très forte et très attachante Eunice.
Je ne sais pas ce que va donner la nouvelle année cinématographique mais, en tout cas, elle démarre très bien, avec ce film qui figurera sans doute dans mon (fantastique) palmarès.
La première partie est très attrayante, colorée, un peu "vintage" (dans le bon sens du terme).
La chronique familiale devient peu à peu un polar politique, très réussi.
La fin est émouvante.
Il est vrai que le film n'est pas follement trépidant, mais je suis impressionné par la diversité des styles, tous maîtrisés par W. Salles.
Le premier qui sera sans aucun doute dans le palmarès (indispensable) final. Grand et beau film.
Walter Salles devrait se faire moins discret. Je garde un grand souvenir de Carnets de voyage.
J'aimerais (re)voir Central do Brasil. Je crois que la mère de la fin y tient le rôle principal.
Pascale, pour ton info, c'est en effet Fernanda Montenegro (96 ans) qui joue dans Central do Brasil et j'ai trouvé qu'elle avait un air de famille avec Fernanda Torres. Et en effet, dans la vie, elles sont mère et fille. Je suis toujours là m'a énormément plu. Je l'ai vu trois jours avant sa sortie dans une salle complète (il y avait beaucoup de Brésiliens). Bonne journée.
Bonjour dasola, Oui j'ai fait des recherches et découvert tout ça, merci.
C'est un film dur mais formidable je comprends que les brésiliens y soient sensibles.
Je ne connaissais rien de la dictature militaire a brésil, on parle plus souvent de celle de pinochet au Chili. J'ai eu souvent les larmes aux yeux, et j'ai beaucoup d'admiration pour cette femme. Il en faut de la force pour reprendre de telles études et embrasser une carrière aussi noble avec tous ces enfants. J'ai juste trouvé ça très dur de ne pas leur dire que leur père était mort :-(
Idem pour ma connaissance des dictatures. Je me disais mais c'est Pinochet... et ensuite, mais non Pinochet c'est le Chili. On s'y perd dans les dictatures mondiales passées, présentes et à venir.
Le fait qu'elle ne le dise pas aux enfants je pense que cela tient à l'époque où on cachait les choses difficiles aux enfants (papa est en voyage d'affaires était bien commode). Cela ne m'a pas choquée mais je l'ai noté en effet. Et le poids que ça faisait peser sur les aînés qui étaient au courant...
Magnifique et dur, quelques petites longueurs mais une actrice formidable. A voir absolument pour la beauté et pour se souvenir
Je n'ai pas ressenti les longueurs même si je comprends. ça piétine un peu dans la partie centrale et la "résolution" est par contre rapide. Mais très beau film oui.
Excellent film... Qui aurait été encore plus fort s'il finissait correctement ! Cette dernière partie trop pathos est superflue, le film aurait dû terminer sur ce très beau plan de la famille dans la voiture qui quitte la maison familiale... Mais dans le genre ça reste très bon avec une actrice formidable, à l'image de son personnage.
Je suis d'accord le film aurait pu s'arrêter là mais dans ce cas on ne voyait pas la joie d'aller chercher l'acte de décès.
La scène du repas familial est de trop mais néanmoins j'étais contente de passer encore un peu de temps avec la famille.
Comme Selenie, peut-être un peu long sur la fin, sans doute un épilogue de trop malgré l'émotion évidente que procure l'apparition de Fernanda Montenegro à l'écran. Pour le reste, rien à dire si ce n'est toute mon admiration pour ce metteur en scène dont je n'ai vu que trop peu de films.
La bagarre pour l'Oscar de la meilleure actrice va être acharnée. Je propose une récompense collective (même pour Demi, allez).
Faites donc une assoc' de grincheux.
Je suis très fan de Carnet de voyages.
J'adore Demi mais remettre encore ce film à l'honneur, quelle chianlis !
Très bonne idée ! Je te propose un poste de présidente d'honneur ;-)
J'ajoute le voyage du Che à mon carnet.
D'honneur ça me va... aucune responsabilité.
J'en garde un souvenir bien précis.
Incroyable la jeunesse du Che médecin sur sa moto...
Tu n'as pas encore mon avis détaillé, mais tu sais que j'ai beaucoup aimé le film.
Je vais largement dans le sens de ta chronique et je conseille donc cette perle à quiconque me lirait ici.
Plus de détails tu-sais-où, mais pas tout de suite...
Oui j'ai vu passer ça chez notre ami Zuckerberg :-))))
Et je sais que tu prends ton temps, quand je me précipite pour donner envie avant qu'il ne soit trop tard. Avec mes 10 fidèles, je participe à la réussite du cinéma français :-)
Je connaissais bien la dictature de Pinochet et l'horrible dictature argentine mais pas trop celle-ci qui ressemble pas mal à l'argentine des généraux. Ce film est bien fait. Le bonheur de cette famille au début avec un belle reconstitution de l'époque puis l'arrivée de la noirceur du fascisme, la lutte d'Eunice et une fin plutôt optimiste. A classer dans les grands films politiques montrant la dictature dans la ligne de Z. Le prochain ce sera sur Trump.
Oui c'est d'autant mieux qu'il traite le point de vue d'une famille tout en gardant le pire hors champ. Superbe reconstitution.
Eunice et l'actrice sont merveilleuses.
Coucou Pascale
J'ai tellement aimé ce film
Cette famille emplie d'amour avec tous ses projets stoppée en plein vol
Une claque
Cela m'a permis de connaître cette dictature que l'on connaissait moins bien que celles du chili et d'argentine
Et puis les années 70
Le tourne disque
Je repense longtemps après à cette femme
Surtout que c'est tiré d'une histoire vraie
À ne louper sous aucun prétexte
Oui un grand film avec un personnage fort, attachant et magnifiquement interprété.
Cette 1ère partie est vraiment belle. On a envie de faire partie de cette famille.