LAISSER ALLER de Aurélien Dauge
Vous le savez ô vous mes fidèles que j'aime les courts métrages. Il est loin le temps où le passage d'un court métrage était obligatoire en début de séance. Et puisqu'il est hélas relativement rare et difficile de pouvoir les découvrir en salles (en dehors des festivals qui s'y intéressent énormément), c'est le seul format de film que je consents à regarger sur l'écran de mon ordinateur. Il est évident que parmi les réalisateurs de courts métrages se trouvent les réalisateurs de demain, car c'est ainsi que la plupart ont commencé.
Et pourtant un court métrage exige les mêmes qualités, les mêmes exigences et la même énergie qu'il faut concentrer en moins de temps.
Celui que je vous propose aujourd'hui m'est arrivé tout simplement dans ma boîte mails et je l'ai déjà regardé deux fois. Pour être sûre que je m'étais pas trompée et à ma grande surprise je l'ai encore davantage apprécié à la deuxième vision. L'argument est simple : Karim revient chez lui à Caen après avoir passé deux ans avec l'armée française en Afghanistan. Il est très fraîchement accueilli puis chassé par les amis avec qui il partageait un logement. Il est également éconduit par la fille dont il était amoureux avant son départ. En retournant chez ses parents, une autre mauvaise surprise l'attend...
Réussir à construire en 13 minutes un film de cette force et de cette intensité est un véritable exploit. Je ne m'éternise pas sur l'interprétation très approximative des trois copains qui jouent à la console vidéo au début (la demoiselle est beaucoup plus convaincante)... car le reste est tellement excellent qu'il est inutile d'insister sur le seul point négatif.
Il y a le thème d'abord, le retour de l'enfer de ce garçon dans le quartier sinistre et pluvieux d'une ville de province. Il n'est pas accueilli comme un héros bien au contraire et on en comprendra rapidement la raison. Loin de rentrer auréolé de gloire, c'est la peine et la honte qu'il trimballe.
Le montage astucieux des scènes réelles et des scènes virtuelles du jeu de guerre auquel les copains sont en train de jouer est tellement subtil qu'on ne voit parfois pas le passage entre la réalité et la fiction. Les deux mondes, les deux "réalités" finissent par se confondre. La grisaille qui enveloppe la ville, les sons amplifiés des trains qui passent font déjà ressembler ce retour à un cauchemar.
Et puis, il y a Redha Djafer qui interprète Karim avec beaucoup d'intensité. Massif, accablé, seul, il n'extériorise pas ses sentiments et impose sa carcasse brisée avec beaucoup de sobriété et de dignité.
Enfin, il y a la très belle chanson du générique de fin de Marcus Gram "La lettre du combattant" qui fout le frisson.
Bien que réalisé avec peu de moyens et des acteurs amateurs, dont je le répète Redha Djafer sort du lot avec infiniment de présence, il est à noter la participation de l'acteur professionnel Milan Mauger lors d'une très belle scène.
Je vous invite et vous recommande donc de regarder ce film et de ne pas hésiter à dire dans les commentaires ce que vous en pensez ou sur la page du film ici.
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Je vous abandonne jusqu'à samedi ou dimanche car je pars aujourd'hui pour un "genre de... mission, quête, chose ?" que je vous raconterai à mon retour. Vous voulez un indice ?
Allez je suis bonne : "Je vous aurais suivi mon frère... mon capitaine... mon roi..."
En (m')attendant allez voir "L'Illusionniste" et ne lachez rien.