Meurtrières de Patrick Grandperret***
Le premier quart d’heure sonne faux : situations, dialogues et personnages sont à la fois obscurs et insignifiants. Et puis tout s’arrange lorsqu’au bout de ce quart d’heure lourdingue Nina et Lizzy (équipées des mêmes désillusions) se rencontrent à l’hôpital psychiatrique où elles cherchent à sécher leurs larmes et d’où elles s’échappent.
Elles se rencontrent parce qu’elles se « reconnaissent » alors qu’elles sont à la fois si différentes et si complémentaires. Ce sont avant tout deux actrices Hande Kodja et Céline Sallette, deux beautés, deux tempéraments, deux révélations qui portent et élèvent le film vers des sommets d’authenticité et d’émotivité. Elles ont une vivacité, une énergie, une fougue et une vitalité qui explosent à chaque instant. Elles ne sont pas forcément sympathiques mais on les aime d’emblée car dans leur cavale improvisée, sans argent, par une accumulation de poisse inconcevable, toutes les portes vont une à une se claquer violemment devant elles. On ressent leur faim, leur désillusion et on perçoit la tension qui évolue en rage et qui vont les conduire au pire. Dès la scène d’ouverture, on sait qu’il y a meurtre, puisque le film est un long flash-back, mais on ne sait lequel des personnages rencontrés en route les y conduira. La victime sera leur bourreau aussi.
Il n’y a ni justification, ni plaidoyer en faveur de leur acte, juste sans doute l’évocation que nous sommes dans un monde où les filles ont toujours à se justifier d’être libres et jolies et qu’elles doivent constamment en payer le prix en n’étant, encore et toujours, qu’objets de désir et d’assouvissement de ce désir. Effrayant, pitoyable et écoeurant.
Soudées, unies, inséparables, leurs silhouettes menues et énergiques s’éloignent dans la nuit, elles n’ont toujours pas mangé et ça crève le cœur.