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La raison du plus fort de Lucas Belvaux ****

Quel casse-tête de parler de ce film dérangeant, dérangé qui tombe dans le vide comme son héros stoppé net dans son élan, son envol !

Lucas Belvaux a dit : « j’aime l’idée que les gens parlent en sortant de la salle »… pari gagné, ce film ne vous lâche pas facilement.

Je dirai qu’il y a un Ken Loach de ce côté du Channel, ne le boudez pas, il s’appelle Lucas Belvaux, il est belge et son film est un coup de poing qui frappe fort. Après sa sublime trilogie (« Un couple épatant » « Cavale » « Après la vie »), il nous embarque dans le milieu prolétaire de la banlieue liégeoise où ferment toutes les usines qui faisaient vivre la région et surtout ses habitants à qui l’on a fait croire qu’ils étaient « l’aristocratie du prolétariat » pour mieux les dégager ensuite. Certains y ont laissé la vie, d’autres leurs jambes, tous sont oubliés. Ils sont parqués dans des cités HLM inhumaines où ils ont en commun la solitude, la pauvreté mais aussi une solidarité et une entraide admirables. La première image du film est saisissante : tous ces ouvriers chômeurs regardent derrière une grille leur usine en train de se détruire, le regard fixe, plein de doute et de terreur, on dirait des prisonniers dans un camp ! Et c’est vrai que les plans aériens (sublimes) de la ville ressemblent plus à une vision concentrationnaire qu’à un endroit où il fait bon vivre.

Malgré cela, ce film fort, intense et dense peut-être drôle avec des dialogues (pas un mot de trop cependant) savoureux :

« - T’es con.

-         Oui, je sais tu me l’as déjà dit.

-         Oui, mais t’es tellement con que ça vaut le coup de te le dire deux fois ! ».

Vers le milieu du film, Lucas Belvaux nous embarque dans un polar noir, noir avec un côté pieds nickelés réjouissant par instants. Pour aider un copain (bac + 6 au chômage) à offrir une mobylette à sa femme, trois amis décident de jouer au loto. Quand il ne reste plus que ce moyen pour essayer que les choses aillent un peu mieux, c’est que tout va vraiment mal… Là encore, les dialogues sont exquis :

        « Il faudrait gagner 100 000 euros.

         - Non, 1 million ce serait mieux. On peut rêver quand même.

     - Ben, c’est pas parce qu’on rêve qu’il faut pas être raisonnable.

Lorsqu’ils perdent, ils décident de passer à la vitesse supérieure en tentant un casse, aidé par Marc (Lucas Belvaux) ex-taulard en liberté très surveillée et nouvellement arrivé dans la cité. Pour cela il faut des armes. Les apprentis truands rassemblent leurs maigres économies pour les payer et Marc leur dit « Vous êtes sûrs de vouloir aller plus loin parce que là, il y a assez pour payer une mobylette ». Glaçant.

Ils iront au bout et en paieront le prix fort.

C’est magistral, captivant, d’une pureté (pas austérité), d’une simplicité et d’une maîtrise absolues. Lucas Belvaux réalisateur-acteur engagé et enragé s’est entouré de deux comédiens belges époustouflants qui s’installent petit à petit dans notre tête. Pas forcément ni immédiatement sympathiques au début, leur visage, leur personnage ne vous quittent pas de sitôt. Ils sont l’expression même de ce que peuvent être l’amitié, le partage, la compréhension. Quant à Gilbert Melki, compagnon de route de Belvaux, en deux scènes et en trois mots, il est magistral.

Malgré toutes ces qualités, au-dessus de la mêlée plane néanmoins Lucas Belvaux himself, acteur prodigieux et singulier, doux et en colère permanente, truand romantique qui traîne, mains dans les poches, cigarette vissée à la lippe boudeuse, sa carcasse, ses remords, ses regrets et sa solitude.

Il s’offre un final digne d’Hollywood, plus seul, plus beau, plus fort : le choc final.

Commentaires

  • I - Je ne sais pas quoi dire : personne n'a commenté ? ! ? ! ?
    II - Bon.
    III - Une communication s.p.é.c.i.a.l.e. : parce que je viens de le voir à l'instant a.n.n.o.n.c.é. - "Un couple épatant" le 11 septembre sur Arte à 20H40 [Tu pourras pas m'a.c.c.u.s.e.r., comme pour le B.o.s.s.u., d'avoir gardé ça pour m.é.s.i.g.u.e.s...]

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