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Les herbes folles d’Alain Resnais *****

Les Herbes follesLes Herbes follesLes Herbes folles

Marguerite s’achète de nouvelles chaussures mais se fait voler son sac à la sortie du magasin. Georges trouve le portefeuille de Marguerite que le voleur a jeté dans un parking sous terrain. Il hésite puis le ramasse et après avoir comparé la photo sur la carte d’identité puis celle sur une licence de pilote d’avion, et en avoir tiré conclusions et analyses… il se met à fantasmer sur sa propriétaire. De retour chez lui, il trouve le numéro de Marguerite dans l’annuaire, essaie de lui téléphoner et décide finalement de porter l’objet au commissariat. Plus tard, Marguerite cherche à remercier Georges d'avoir rapporté son portefeuille…

Ce qui suit tient de l’improbable, de l’invraisemblable, du magique, du farfelu et du bonheur de tous les (im)possibles !

Comment faire pour vous envoyer, toutes affaires cessantes, voir ce bijou ? Le meilleur Resnais depuis « On connaît la chanson » quoique très très différent. De la première à la dernière seconde, j’ai été embarquée par cette histoire exaltante, angoissante et drôle, dont on a du mal à percevoir de quel côté elle va nous pousser et nous emmener.

Pour une fois, je ne me suis pas précipitée pour écrire cette note pour savoir quelle impression subsisterait après une nuit ! Y aurait-il une sensation persistante de bien-être ou au contraire l’effet soufflet qui retombe « tout ça pour ça ? ». Et non, ce film est de cette espèce délectable : encore meilleur quand on y repense, de celle qui donne envie de retourner le voir pour en saisir toutes les nuances, toutes les subtilités… et à quels moments l’entourloupe finale, réjouissante et facétieuse aurait pu être visible.

Ce film est exaltant, vertigineux, on retient son souffle en permanence alors qu’assez paradoxalement un sourire persistant reste accroché au visage. Jusqu’où, jusqu’à quelle folie irrémédiable les personnages vont-ils aller ? Vont-ils résister, céder, hésiter encore, se perdre, se calmer ?

Comment puis-je m’y prendre pour que, comme moi, vous vous jetiez dans les bras de ce film qui ne ressemble à aucun autre, heureux, différent, jouissif, grave, espiègle ? Un film dont l’écran devient noir tout à coup, comme pour laisser au spectateur le temps de reprendre son souffle, de rassembler ses émotions en lisant la phrase de Flaubert :

 « N’importe, nous nous serons bien aimés » !..

 

J’espère que comme moi vous éprouverez le bonheur d’être face à un film qui frôle la perfection où tout est accompli, en harmonie : les couleurs, la lumière, la musique, les dialogues et… évidemment l’interprétation haut de gamme.

C’est Edouard Baer qui se charge de la narration en voix off. Et sa voix a le charme suranné, désuet le second degré qui convient à ce texte décalé.

Quelques seconds rôles de choix complètent avec bonheur l’équipe du duo de tête, Emmanuelle Devos de plus en plus déroutée par sa meilleure amie, Roger Pierre en vieux monsieur dragueur, Anne Consigny en femme (presque…) trompée et compréhensive (et chuchotante, oui Gaël J ), Sarah Forestier, Nicolas Duvauchelle, Annie Cordy, Michel Vuillermoz et surtout Mathieu Amalric, absolument hilarant en flic compatissant.

Mais évidemment, ce sont les deux stars, devenus pratiquement indissociables des films de Resnais depuis de longues années, qui sont ici en Majestés. Sabine Azéma, hélas toujours affublée de sa coiffure tête de loup mais qui ici, exceptionnellement, convient parfaitement au rôle et surtout au titre échevelé, est plus sobre et profonde qu’elle ne l’a plus été depuis bien longtemps.

Quant à André Dussolier, que dire sinon qu’il est au top du sommet. D’une classe insensée… un peu moins (mais hilarant) la braguette ouverte ! Qu’il est drôle tout en ayant perdu ses tics de bon gars un peu lunaire, un peu farfelu. Bien qu’on ne sache pas grand-chose de lui, sinon qu’il a perdu ses droits civiques (ce qui ne le contrarie guère), qu’il est peut-être au chômage… on est sûr d'une chose, il est « border line », constamment inquiet et parfois, parce que cela arrive aussi brutalement qu’il était calme et doux l’instant d’avant, inquiétant, menaçant avec les drôles d’idées de meurtres qui lui passent par la tête. Son inquiétude permanente, son impatience et ses obsessions installent un malaise et une vive appréhension : quand va-t-il passer à l’acte ?

Mais ce qui le rend absolument fabuleux c’est son charme dévastateur, sa voix, sa diction, son pouvoir de séduction, son élégance. Lorsqu’enfin il croise Marguerite en vrai, son regard, les mots qu’il prononce… (j’ai failli les écrire, et puis non, je vous laisse découvrir !!!) le rendent à jamais inoubliable !

Etourdissant, chaleureux et déroutant, ce film libre, léger et fou comme les herbes de son titre vous enverra en l'air... car il est MERVEILLEUX !

 

Pour vous donner une idée du ton inédit, je vous invite à découvrir les premières pages du roman dont il est tiré en cliquant sur « L’incident ». N’entendez-vous pas la voix d’Edouard Baer qui vous appelle ???

Commentaires

  • Oh que je suis d'accord, ces herbes folles frôlent bien le chef-d'œuvre!

  • Hébé !!!

  • Ouf ! Et d'un.
    :-))

  • j'ai été très surprise et en colère des réactions des autres spectateurs sur le looping final (parce que c'est ça en fait), de la voltige! Je me suis dit la même chose que toi, comment envoyer les gens voir Resnais sans qu'après ils me tombent dessus en me disant "c'est pas logique je n'ai pas compris" surtout si leurs gouts naturels s'ils les assumaient les pousseraient à voir des gros gateaux à la crême comme Le Concert! Voilà ce que je me suis dit: Resnais est victime d'un malentendu, parce qu'il a travaillé un temps avec Bacri et jaoui certains ont cru qu'il était populaire et non élitiste: bref si vous aimez David Lynch vous aimerez Resnais, voilà ce qu'il faut dire, il faut approcher un film de Resnais comme un film de David Lynch! Se laisser porter comme dans un rêve et ne pas chercher à comprendre!

  • Ce film c'est plus et mieux qu'un rêve, c'est un rêve de cinéma... S'envoler !

  • Je n'aurais pas fait le parallèle entre Lynch et Resnais (plutôt entre Resnais et Godard, surtout dans ce dernier film exhibant son amour du texte), mais c'est vrai qu'il est tout à fait possible. Par contre il faut chercher à comprendre, et surtout chez Lynch dont les films ne sont certainement pas des rêves qui ne disent rien...

  • Constructif et interessant mon comm en comparaison , non ? ;-))))))

  • pL : la comparaison avec Lynch m'échappe totalement, et je n'ai pas faite celle avec Godard non plus, tant je trouve que ce film lumineux et aérien... est unique et ne ressemble à aucun autre. D'ailleurs, je crois que ce blog prouve que je ne considère pas qu'il y a un "bon" cinéma intello et un "mauvais"cinéma populaire.
    Les références à Lynch et Godard risquent simplement d'en faire fuir plus d'un alors qu'il s'agit d'un film exigeant mais simple où il n'est pas besoin de se faire des noeuds au cerveau mais simplement se laisser porter.

    La Pyrénéenne : là je crois que tu as bien fait avancer le débat. Merci.

  • Resnais fait un cinéma exigent mais ce dernier film est effectivement très accessible. Je ferai une comparaison avec les premiers Godard pour l'amour du texte, les jeux de mots... Mais c'est vrai que Les Herbes folles, c'est un OVNI. Complètement original et imprévisible.

  • Sabime Azéma sobre ?
    bon, j'ai encore peur, là... j'aime pas très beaucoup Azéma...

  • Un oFni... entièrement d'accord :-)

  • Je sais... moi non plus ; elle a fini par m'épuiser avec sa folle jeunesse, son énergie étou étou... Mais là, franchement, elle semble "cadrée".
    Tu vas aimer je te le PROMETS. J'en suis encore toute frémissante de bonheur.

  • bon déjà ce soir, "Ailleurs nous allons" :)
    je verrai ça la semaine prochaine.
    ZûbitChou

  • Je te soupçonne un peu d'avoir été fortement influencée par le charme d'un certain André auquel tu sembles avoir succombé ( pas de dénégations inutiles, on connaît ton faible fort pour les acteurs:-)). Pourtant moi ce sont les réalisateurs pour lesquels j'ai un faible et les films de celui-là me font toujours craquer mais là je suis totalement restée à distance, peut-être aussi en raison de l'attente suscitée à Cannes et du contexte exceptionnel qui chamboule parfois les perceptions donc le mieux je pense est que je retourne le voir. Sinon, depuis "On connaît la chanson", il y a quand même eu le très beau "Coeurs" (tu reconnaîtras là mon goût pour les films humoristiques:-)).

  • T'avais pas toute ta raison à Cannes.
    Les réalisateurs c'est chouette ; sans eux je me pendrais.
    Mais ce qui est bien à l'écran, oui ce sont les acteurs !!! Et surtout les Dussolier quand y 'en a.
    Ce film est bien au dessus de Coeurs. Mais il est vrai que tu préfères les films où ça rigole tout le temps !

  • J'y vais là ! viens enfin d'émerger...
    Mon Dussosso dévore-t-il encore des crevettes ? c'est mon gars d'la semaine ! défense, pas touche, et l'Mathieu non plus ! ou yé vé té touer ! Prépares-toi à suuuuuffrir !
    @ Jordane/Jochu, qui que tu sois, tu peux te servir d'Azéma... ah ah ah

  • Je te laisse les crevettes je prends le Dussosso ! Je sais même plus ce qu'il mange là. Du rôti je crois. Pis il boit du ouiski.

  • Un bon cru que ce Resnais et même si la fin déçoit quelque peu on peut dire qu'avec ces herbes folles le bonheur est dans le pré!

  • Yep ! mais moi j'préfèrerais avoir du mou si c'était dieudesminous possible

  • Vu cet après midi. Un régal en effet. Juste un sourire de bonheur qui s'accentue au fur et à mesure ! (et je n'aime pas franchement Azéma ni d'ordinaire ni totalement ici même si cela ne nuit pas au plaisir !)


    PS - La fin est allée trop vite pour moi, je n'ai pas compris... Bon, vu le peu de temps dispo pour le ciné je n'irais sûrement pas vérifier de sitôt. Mais peu importe, avec ou sans fin, j'ai beaucoup apprécié !

  • Oui Azéma ne nuit pas... Pour la fin, imagine et c'est tout :-)

  • Une nouvelle paire de chaussures peut mener très loin, même à la mort, mais cette dernière n'est pas essentielle dans le film où elle est juste survolée... Dans cette étrange histoire à deux fins, je retiens la première, déroutante et heureuse, au détour d'escaliers métalliques dans un lieu aérien ! L'amour triomphe de la mort tout comme dans un certain film de Joseph L. Mankiewicz réalisé en 1947, "L'aventure de Madame Muir" : Lucy Muir, jeune femme de caractère, s'installe dans une villa hantée, et s'éprend du revenant des lieux, le défunt capitaine Gregg... Au terme d'une relation houleuse et passionnée, ce dernier vient chercher l'élue de son coeur qui a fermé les yeux... La Marguerite d'Alain Resnais est-elle le fantôme de Madame Muir ? Si oui, quelle belle réincarnation...!

  • Une nouvelle paire de chaussures peut mener très loin, même à la mort, mais cette dernière n'est pas essentielle dans le film où elle est juste survolée... Dans cette étrange histoire à deux fins, je retiens la première, déroutante et heureuse, au détour d'escaliers métalliques dans un lieu aérien ! L'amour triomphe de la mort tout comme dans un certain film de Joseph L. Mankiewicz réalisé en 1947, "L'aventure de Madame Muir" : Lucy Muir, jeune femme de caractère, s'installe dans une villa hantée, et s'éprend du revenant des lieux, le défunt capitaine Gregg... Au terme d'une relation houleuse et passionnée, ce dernier vient chercher l'élue de son coeur qui a fermé les yeux... La Marguerite d'Alain Resnais est-elle le fantôme de Madame Muir ? Si oui, quelle belle réincarnation...!

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