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LA COUR DE BABEL de Julie Bertuccelli ***(*)

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Ils portent des prénoms aux consonances exotiques, ils sont jaunes, blancs, noirs, ils ont les cheveux blonds, bruns, lisses ou crépus,  ils viennent de Serbie, de Chine, de Roumanie, de Tunisie, du Sénégal, du Brésil, d'ailleurs et d'autre part, et ont au moins deux points communs : ils sont en France depuis peu et sont les collégiens d'une classe d'accueil, classe intermédiaire qui doit les aider à maîtriser le français avant d'intégrer le système scolaire classique.

Pendant un an la réalisatrice les a filmés avec le parti pris de ne le faire que dans le milieu scolaire sans jamais s'immiscer dans l'intimité de leur famille. Nous découvrirons néanmoins les raisons plus ou moins dramatiques du déracinement de ces adolescents parfois séparés depuis ou pendant de longues années de leurs parents. Si une telle cherche à échapper à l'excision et à un mariage forcé, un autre aux persécutions de groupes néo nazis parce qu'il est juif, un autre au régime dictatorial de son pays... il y a aussi un jeune brésilien violoncelliste qui souhaite entrer au conservatoire ! Mais tous ont le même désir et la même volonté d'accéder à une vie meilleure et de se construire un avenir.

Dans cette optique, ils possèdent l'atout considérable d'être les élèves de Brigitte Cervoni, le genre de prof que l'on rencontre une seule fois dans toute sa scolarité pour les plus chanceux. Celle qui constamment écoute, comprend, encourage, négocie. Calme, douce, fine psychologue, elle impressionne par son intelligence, son ouverture d'esprit, son humanité. Elle ne fait pas qu'écouter d'ailleurs. Elle tient compte de ce qu'elle entend, ce qui est une qualité rare. Dans une des scènes exceptionnelles du film, face à une jeune fille qui conteste avec virulence son redoublement, elle parvient à négocier un compromis avec une délicatesse et une clairvoyance impressionnantes. Un personnage qui pourrait paraître trop beau pour être vrai si nous étions face à une fiction.

Avec leurs différences et leur objectif commun, ces adolescents déracinés vont former un groupe que l'on découvre soudé. Ils sont attentifs les uns aux autres. Face aux révélations de la jeune chinoise qui n'a pas vu sa mère pendant des années, a été élevée par sa grand-mère et finalement avoue n'être pas plus heureuse en France qu'en Chine parce que finalement sa mère travaille tellement qu'elle est bien souvent seule, sa camarade africaine sanglote en disant : "elle est trop triste ton histoire !" Le film est parsemé de scènes tristes, sérieuses, profondes et gaies, d'instants de grâce tel celui où un garçon joue du violoncelle à l'ensemble de la classe (certains sourient embarrassés, d'autres écoutent quasi religieusement), ou celui où une fille chante dans sa langue et les autres découvrent quelle voix ravissante elle a.

Les esprits chagrins y verront peut-être un éloge trop positif de l'intégration. C'est justement ce qui est bon ici. Cette chaleur, cette fraternité, cette énergie et l'ambition aussi qui anime tous ces jeunes. A l'inverse de la punition de Dieu qui selon le mythe de la Tour de Babel interrompt la construction d'une tour permettant aux hommes d'atteindre le ciel et les fait parler chacun une langue différente pour qu'ils ne puissent se comprendre, dans cette Cour de Babel, tout le monde arrive avec son langage et lors de la première scène, magnifique, la prof invite chaque élève à écrire "bonjour" dans sa langue maternelle au tableau. Et ils finiront de toute façon tous par se comprendre et parler le même langage. 

On n'est guère surpris que Julie Bertuccelli se soit intéressée à cette classe très particulière. Dans son précédent film de fiction L'arbre, porté par la grâce d'une écriture sensible, elle nous avait hypnotisés avec l'histoire d'une petite fille très convaincante qui retrouvait son papa récemment décédé dans les branches d'un arbre puissant et mystérieux...

Inutile de dire que ce documentaire sur des adolescents lumineux et volontaires mais que la vie a déjà pas mal secoués, est d'utilité publique et devrait faire l'objet d'une sortie scolaire pour tous les collèges !

Commentaires

  • Oh oui, ce film a illuminé ma journée de jeudi, bien pourrie :)

  • Y'a des films qui font cet effet :-)

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