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WINTER SLEEP

de Nuri Bilge Ceylan ****

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Aydin est propriétaire d'un hôtel troglodyte en Anatolie. Ancien comédien désormais retraité, il a baptisé l'endroit Othello. Il y vit avec sa très jeune épouse Nihal et sa sœur Necla, fraîchement divorcée.

Entouré des affiches des pièces auxquelles il a participé, il se consacre désormais à l'écriture d'un ouvrage sur le Théâtre en Turquie et publie des articles hebdomadaires dans un journal local. Inconsciemment (ou pas) convaincu de son intelligence, de son sens moral et de sa supériorité en quelque sorte, il s'est peu à peu, et sans s'en apercevoir, éloigné de ses proches. Toutes les taches quotidiennes et bassement matérielles, comme le fait de récupérer le loyer des logements qu'il possède, le dépassent et semblent ne pas le concerner. Toutes ces besognes, il les laisse à Hidayet, son fidèle et imperturbable homme à tout faire. Jusqu'au jour où le fils d'un de ses créanciers chez qui il a envoyé les huissiers, lance une pierre sur sa voiture et brise la vitre au risque de provoquer un accident. De cet incident, apparemment sans conséquences, va pourtant découler toute une succession de faits, de prises de conscience et de mises au point.


Installé dans son luxe intellectuel, dans ses certitudes de posséder un savoir et une vue panoramique sur l'âme humaine, Aydin en a oublié les êtres humains qui l'entourent. Mais lorsque les deux femmes avec qui il vit, son épouse et sa sœur, vont au cours de longues conversations, voire d'interminables monologues vindicatifs énumérer toutes leurs rancoeurs, tous les reproches qu'elles ont accumulés envers lui, on se demande comme Aydin qu'elle est sa véritable "faute". Car il est question ici de fautes, de morale et de conscience. Termes qu'Aydin emploient à l'envi, sans jamais les justifier. Mais a t'il réellement fait du mal à quelqu'un ? En tout cas pas consciemment. 

L'une comme l'autre, la femme comme la soeur l'accablent alors de leur dégoût, de leur mépris et l'on assiste inquiet et parfois terrifié à un règlement de comptes fait de critiques, de jugements et de condamnations. C'est terrible tous ces mots qui sortent de la bouche des uns et des autres. La dureté du climat hivernal, l'éloignement, l'isolement semblent avoir enfermé chacun dans sa solitude. C'est comme s'il ne leur restait que le reproche et les récriminations pour sortir de l'ennui et de l'autarcie dans laquelle ils se sont claquemurés. Chacun revendique sa liberté et reproche à l'autre de la lui avoir ôtée. C'est d'une cruauté et d'une crudité hallucinantes. On reste suspendu aux lèvres des personnages se demandant jusqu'où ils vont aller dans l'hostilité et la dureté.

Face à cette famille bourgeoise, uniquement préoccupée de son bien-être, de sa quête du bonheur, où chacun cherche à s'épanouir, la famille de l'Imam du village tente de survivre, ne sachant même plus comment payer son loyer. Et c'est un petit garçon qui essaie de laver l'honneur souillé de son père qui lui, choisit de sombrer dans l'alcool, mais accomplit un acte désespéré, provocant, incompréhensible...

Alors oui, c'est intello. A mort ! Cela dure 3 h 18 ! Mais on ne les voit pas passer. Et les dialogues sont d'une richesse, d'une profondeur, d'une intensité exceptionnelles. Quant aux paysages, aux intérieurs... on reste sans voix, devant ces longs plans silencieux de l'Anatolie, devant les intérieurs de l'hôtel (le bureau, le salon...), devant ces plaines désertiques balayées par les vents, devant ce village troglodyte creusé dans la roche. C'est tellement sublime que ça donne envie de prendre un aller pour visiter l'endroit (bien couvert... l'Anatolie est un endroit où l'hiver, on garde son manteau même à l'intérieur...).

Nuri Bilge Ceylan creuse jusqu'à l'os les états d'âme et les tourments humains et c'est passionnant, inquiétant, douloureux. Et je vous l'assure, il n'est pas besoin d'avoir lu Tchékov, Dostoïevski, de connaître tout son Bergman par cœur (c'est pénible ces comparaisons)... Winter Sleep est un film unique en son genre, sublime, le meilleur, le plus long (certes), mais aussi le plus passionnant, le plus abouti et pourtant le plus accessible de toute la filmographie géniale de son réalisateur.

Et pratiquement pour conclure son film grandiose, Palme d'Or d'exception, Ceylan nous offre une scène d'anthologie entre trois pochtrons qui rien qu'à elle seule mériterait la Palme...

Commentaires

  • ah ben ça tombe bien. J'ai lu Dosto.

  • Oui je sais, dans le blanc des yeux !!!

  • Et pour rester dans la magie ou le génie, il faut aller sur le site officiel de NBC où il publie les photos magnifiques qu'il fait de son pays. Celles de son père sont particulièrement émouvantes :
    http://www.nuribilgeceylan.com/photography/gallery.php?mid=3

  • Bonjour Pascale,

    Pour compléter la magie et/ou le génie, il faut aller sur le site de NBC où il publie les magnifiques photos qu'il fait sur son pays. Celles de son père sont particulièrement émouvantes.
    http://www.nuribilgeceylan.com/photography/gallery.php?mid=3

  • En effet c'est sublime.
    Je trouve ses nus particulièrement moches,

    mais le reste est vraiment superbe.
    Quelle lumière, quelles couleurs !!

  • oui les nus sont débiles mais ce sont des photos de jeunesse, on peut lui pardonner.

  • Ah je comprends mieux, les hormones tout ça... :-)

    Mais le reste... poulala !!!

  • Winter Sleep, le film turc palmé d'or à Cannes, est du sous-Bergman.qui a le mérite de ne pas sombrer dans un sinistre vaudeville grâce à des astuces que le réalisateur doit à sa culture cinématographique.
    La conversion du méchant dans les dernières minutes relève d'un miracle qui vous rend agnostique ou mécréant le temps d'un faux happy-end. Quant à la prétendue beauté des paysages il faut avoir le souffle court pour en suffoquer de bonheur. Ces bavardages en pleine Anatolie sont non seulement anachroniques mais géographiquement déplacés et sociologiquement incongrus.
    Guy Vogelweith
    guyvogelweith@aol.fr

  • OK.

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