Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

PEACOCK

de Bernhard Wenger ***(*)

peacock,cinéma,bernhard wanger,albrecht shuch,julia franz richter,anton noori

Avec Albrecht Shuch, Julia Franz Richter, Anton Noori

Matthias a une personnalité aussi lisse que son doux visage sans aspérités éclairé de jolis yeux bleus.

Ce qui a rendu Mathias aussi vide et creux, incapable d'avoir un avis personnel, c'est son étonnant métier. Il est l'employé modèle d'une agence qui ne loue pas des services ou des prestations mais des personnes idéales dans le but d'impressionner l'entourage des clients. Mathias peut donc être tour à tour un petit ami cultivé qui brille dans une soirée mondaine, un papa idéal au métier qui fait rêver les autres enfants, un fils admiratif qui déclame un discours très gratifiant pour son papa mais aussi permettre à une femme trop réservée de tenir tête à son mari. La liste des occasions dans lesquelles un ami parfait est nécessaire est infinie. Le problème est que la personnalité de Mathias finit par complètement disparaître sous celles de tous les personnages qu'il incarne. La femme avec qui il vit finit par ne plus le reconnaître et n'obtient comme réponse à ses questions qu'une autre question. Bref, Mathias est toujours de l'avis du dernier qui a parlé et c'est fatigant. Sans compter que parfois un client peut être insatisfait de la prestation et devenir menaçant...

Cette obsession du paraître et de la perfection m'a évoqué l'excellent I'm your man de Maria Schrader (où il était question de louer des robots pour vivre le grand amour) alors que d'autres parlent de Heureux comme Lazzaro d'Alice Rohwarcher. Le réalisateur dit s'inspirer également de Tati. En tout cas difficile de ne pas penser au dérangeant The square de Ruben Östlund notamment lors de l'étonnant, incroyable, drôle et inconfortable happening final...

Nous assistons à la lente dégringolade d'un homme qui perd peu à peu son identité à mesure que des "objets" de son quotidien se détraquent (sa chaudière, le toit ouvrant de sa voiture). La surface se craquèle et il commence à rater ses missions. Le jeune homme qui l'a loué pour qu'il obtienne l'appartement de ses rêves ne l'acquiert pas. Les commentaires négatifs sur la toile commencent à ternir le vernis de surface pas bien sec. Sa compagne essaie de le faire réagir, rien n'y fait. Mathias est devenu transparent, plus gentil que gentil, sans épaisseur et sans intérêt. Elle le quitte.

Seul et sans ami, Matthias loue un chien qui finit noyé dans la piscine. Aucune réaction, il en louera un autre. 

Tout se détraque dans cette société aseptisée où la quête de bonheur passe par la perfection mais aussi par les faux-semblants telle que la tentative de reconquête de son amoureuse en faisant croire qu'il est un héros après avoir loué des acteurs qui simulent une agression à laquelle Mathias met fin. C'est le summum du pathétique. Tout semble illusoire et ce film drôle et angoissant nous le suggère. Mais aussi nous bouleverse lorsque Matthias est saisi d'une crise de larmes incontrôlable face au spectacle d'un homme nu couvert de peinture qui se jette sur des toiles blanches pour composer une oeuvre...

La réalisation est d'une grande beauté. Chaque plan semble avoir été étudié et il faut regarder partout sur l'écran pour ne rien rater. La critique de l'art contemporain est évidente (réjouissante) comme chez Östlund. Matthias s'offre un ours blanc en céramique qu'il dépose dans l'entrée "pour épater les visiteurs", mais manifestement personne ne lui rend visite, une femme essaie d'accrocher son manteau à des patères mais peut-être sont-elles décoratives..? Les tenues de Matthias se colorent à mesure qu'il prend conscience de sa vanité. Est-il le peacock du titre ?

Pour interpréter cet homme transparent, aussi pathétique que touchant et attachant, le réalisateur autrichien a trouvé la perle rare avec l'excellent acteur Albrecht Shuch et sa moustache ridicule. Il était déjà le merveilleux Mika de la merveilleuse Benni dans le film (déchirant) du même nom.

Écrire un commentaire

Optionnel