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THE SQUARE

 

de Ruben Östlund ****

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Avec Claes Bang, Elisabeth Moss, Dominic West, Terry Notary

Synopsis : Christian est un père divorcé qui aime consacrer du temps à ses deux enfants. Conservateur apprécié d’un musée d’art contemporain, il fait aussi partie de ces gens qui roulent en voiture électrique et soutiennent les grandes causes humanitaires.

Il prépare sa prochaine exposition, intitulée « The Square », autour d’une installation incitant les visiteurs à l’altruisme et leur rappelant leur devoir à l’égard de leurs prochains. Mais il est parfois difficile de vivre en accord avec ses valeurs : quand Christian se fait voler son téléphone portable, sa réaction ne l’honore guère… Au même moment, l’agence de communication du musée lance une campagne surprenante pour The Square : l’accueil est totalement inattendu et plonge Christian dans une crise existentielle.

On pourra reprocher mille choses à ce film, qu'il est une démonstration de ce qu'il prétend dénoncer, qu'il est froid et sentencieux, que le réalisateur est prétentieux et qu'il déteste l'humanité et ses personnages. Je comprends ces remarques et réserves mais ne les partage pas. J'ai la chance d'avoir adoré ce film qui m'a fait rire et parfois dérangée. Je trouve que Pedro Almodovar et son jury cannois ont parfaitement compris qu'une Palme d'Or, récompense suprême en matière de cinéma mondial, devait être décernée à un film différent, original, audacieux, singulier. Et celui-ci réunit toutes ces attentes. Un film qui sans doute aussi divisera. Car on ne peut être tiède en voyant ce Square. On va l'adorer ou le détester. Je suis vraiment heureuse de faire partie de la première catégorie.

Christian est un Conservateur qui cherche à mettre en place un dispositif innovant dans son Musée d'Art Contemporain. Il compte inviter les visiteurs à laisser au centre d'un carré à l'entrée de l'exposition, leurs portables et leurs portefeuilles avec l'espoir que chacun les retrouve à la sortie... Le "slogan" de cette exposition est simple : "Le Square est un sanctuaire où règnent confiance et altruisme. Dedans, nous sommes tous égaux en droits et en devoirs". Or, les idéaux humanistes de Christian ne vont cesser de se heurter à la réalité mais aussi à son individualisme.

Et le réalisateur n'y va pas de main morte pour faire dégringoler Christian de son piédestal et le mettre à mal dans ses certitudes. Lors de l'interview qui ouvre le film, par une journaliste américaine, Christian parvient à retourner la situation en sa faveur alors qu'elle lui demande des explications sur des phrases qu'il a dites absolument hermétiques. Tout et son contraire dans la même phrase. La scène suivante il assiste en pleine rue à l'agression d'une jeune femme. Alors que personne ne réagit, il s'interpose pour la protéger et se montre parfaitement satisfait de son héroïsme. La réalité de ce qui vient de se passer est tout autre et c'est le grain de sable qui va enrayer la belle mécanique. La réaction étrange qu'il va avoir suite à une mésaventure va entraîner contretemps et malentendus et peut-être amener Christian à une prise de conscience par l'intermédiaire également d'un étonnant et obstiné petit garçon. 

Ruben Östlund porte un regard impitoyable sur la société suédoise, mais elle pourrait je pense, tout aussi bien être parisienne ou londonienne. Il nous renvoie à nos propres réactions face notamment à la misère humaine, et à notre culpabilité. Comme tous ces gens pressés de Stockholm, les yeux rivés sur leurs portables, prête-t-on encore attention à tous ces "petits tas tombés... (au pied du piéton, une âme est sous les cartons)" ? Ne dit-on pas régulièrement à ceux qui tendent la main que nous n'avons pas de monnaie ? Mais il pousse le bouchon encore plus loin en nous montrant Christian offrir un repas à une mendiante qui se montre particulièrement désagréable, sans la moindre reconnaissance. On veut bien être généreux, encore faut-il que le bénéficiaire de notre générosité montre quelque gratitude. C'est cruel mais réaliste non ?

Nous suivons Christian à la trace. Il s'occupe de ses filles, entame une relation avec la journaliste, prépare son exposition et cherche à résoudre le problème du départ qui lui a fait commettre un acte insensé, mais drôle. Car oui, ici tout est drôle et également à peu près tout met mal à l'aise. Christian se promet de ne pas coucher avec la journaliste mais apparemment, incorrigible séducteur, il ne tient pas parole. Cette jeune femme héberge chez elle un drôle de locataire... Après avoir fait l'amour, Christian et elle entament un dialogue proprement hilarant à propos du préservatif qui vient d'être utilisé. Cette fille fait vraiment flipper. Mais ce n'est rien à côté de ce qu'elle va lui faire endurer le lendemain. On rit, un peu jaune et j'ai aimé que le réalisateur étire justement ces scènes surréalistes jusqu'au malaise.

Mais les surprises n'ont pas fini d'abonder et de surgir, provoquant une hilarité inhabituelle. Dans le Musée, un dispositif d'art consiste en plusieurs tas de cailloux qu'un homme d'entretien va malencontreusement en partie aspirer en faisant le ménage. J'ai pensé à cette pub récente où on voit une vieille dame à la fois ravie et moqueuse devant une toile blanche : "c'est beau, rien". La charge contre l'art contemporain auquel je ne comprends strictement rien non plus ne m'a pas gênée car je ne suis pas attirée par ces machins abscons, du coup, je me suis sans doute beaucoup plus amusée que ceux qui en sont friands. Le réalisateur ne s'arrête pas là. Il montre des pique-assiettes plus intéressés par le buffet qu'on leur propose que par l'art qu'on leur présente. Des publicitaires ridicules mais d'une prétention sans nom qui vont "commettre" une vidéo nauséabonde à l'insu de Christian qui donne son accord sans le savoir. Oui, je sais, ça paraît compliqué. A l'écran c'est limpide malgré toute la glauquitude de l'ensemble.

Et puis il y a ce happening qui fait l'objet de l'affiche du film, où lors d'une soirée de l'ambassadeur la bourgeoisie locale, sans doute les généreux donateurs du Musée, est réunie. Avant même l'arrivée du premier plat, un étrange personnage (Terry Notary absolument génial) mi-homme mi-singe fait irruption et bouscule au propre comme au figuré certaines personnes de l'assemblée. Où la lâcheté d'un homme (être humain) s'arrête-t-elle ? Jusqu'où faut-il aller dans l'horreur avant de venir en aide à son prochain ? Cette longue scène violente et dérangeante le serait sans doute moins si elle n'était pas si longue justement. On s'agite de malaise sur son fauteuil...

On voit que chaque plan est soigné, que tous les tons neutres (blanc, gris, beige) sont volontaires. C'est froid, c'est glacial, c'est une comédie sombre et hilarante comme je n'en ai jamais vue.

Dominic West a deux scènes au cours desquelles il se montre parfait. Elisabeth Moss est absolument tordante surtout quand elle est ridicule lorsqu'elle tente d'imiter un homme atteint du Syndrome de la Tourette. Mais la révélation du film est cet inconnu beau comme un astre Claes Bang, sorte de James Bond impassible avec la classe de Gregory Peck. Il traverse le film avec un flegme impressionnant.

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Commentaires

  • Voilà un film qui me fait envie et dont tu ne fais qu'accentuer ce désir. J'ai tendance à me contenter du cinéma suédois sur Arte...

  • J'ai bien envie de le voir,et ce que je viens de lire dans ton article me conforte dans cette envie ! J'espère ce weekend, mais il est long et il faut caser ça dans le planning (vie d’effervescence permanente ... ) !

  • Tu vas aimer :-)
    Et c'est bien d'avoir une vie remplie.

  • Je l'ai vu ce dimanche finalement, et j'en suis sortie sans trop savoir ce que j'en avais pensé,mais je suis un peu mitigée :(

  • Oh zut !

  • Je trouve que tu en parles bien, que ce soit du contenu ou du ressenti qu'on peut avoir. J'ai adoré ce film ! :D

  • Claes Bang est vraiment bon... dans un rôle horripilant. J'ai déjà croisé ce genre de type... et j'aime pas. Par contre, j'aime ce film, brillant. C'est une oeuvre d'art sur la création artistique ET une critique sociale. Un bon choix du jury cannois.

  • J'ai passé un bon moment (quoique ce fut un peu long) mais je n'ai rien trouvé de novateur dans ce film, sauf les deux scènes fortes pour moi, celle du dîner bien sûr et celle du préservatif.

  • Oui il y a ces deux scènes, mais je trouve que le mélange drame/comédie est particulièrement bien dosé.

  • Comme discuté, j'ai plusieurs réserves sur le film. Comme toi, j'ai bien aimé la critique de l'art contemporain, bien vue, mais le regard clinique et assez misanthrope du réalisateur sur ses personnages ne leur laisse aucune échappatoire. Et le côté retors du film m'a gêné. D'un côté, il souligne l'écart entre les discours abstraits sur la bienveillance dans le carré et le fait qu'en déhors des migrants dorment dans la rue, de l'autre, quand Christian décide d'aider une femme qui a l'air de se faire agresser, les ennuis commencent pour lui...

  • Oui ce n'est pas un film qui se laisse gober facilement.
    Mais je trouve ça vraiment bien vu l'écart qu'il y a souvent entre le discours et les actes.

  • "J'ai la chance d'avoir adoré ce film qui m'a fait (sou)rire et parfois dérangée."
    Hé ben, moi aussi !
    Je viens enfin de le voir, de relire du coup ta chronique, et je partage tes avis. Je l'ai trouvé fascinant et dérangeant. Ne sachant pas jusqu'où le réalisateur - ou le "beau" Christian - allait m'emporter.
    Il a un truc ce film qui me donne même envie de le revoir, pour me déranger, me perturber encore plus, comme savent le faire certaines palmes d'or...

  • Et oui tu me donnes aussi envie de le revoir ce film qui a pas mal divisé. Le réalisateur est de nouveau sur la croisette et j'ai hâte de découvrir sa nouvelle folie.

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