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UN HOMME INTÈGRE

de Mohammad Rassoulof ***

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Avec Reza Akhlaghirad, Soudabeh Beizaee, Nasime Adabi

Synopsis : Reza, installé en pleine nature avec sa femme et son fils, mène une vie retirée et se consacre à l’élevage de poissons d’eau douce. Une compagnie privée qui a des visées sur son terrain est prête à tout pour le contraindre à vendre. Mais peut-on lutter contre la corruption sans se salir les mains ?

L'histoire de Reza est d'un pessimisme noir. Sous prétexte que le beau et grand terrain qu'il occupe avec sa famille est convoité par La Compagnie, sa vie devient un enfer. Comme il refuse de le quitter, tous les moyens sont bons. Mais Reza décide de résister et la grande force du réalisateur est de ne pas en faire pour autant une victime innocente quoique déterminée, plein de principes et incorruptible. Reza ne cède ni au chantage ni aux menaces. Pas plus qu'aux demandes de rançon que la banque lui propose parce qu'il ne parvient plus à rembourser son prêt. Et lorsque l'on s'en prend à son élevage de poissons, il réagit violemment. Cela lui vaut une incarcération immédiate dans des conditions immondes alors qu'on apprend que l'homme avec qui il s'est battu n'est absolument pas blessé. Tout n'est que mensonges. Sa femme, directrice d'école, le soutient, même si elle l'encourage plutôt à rentrer dans le rang, convaincue que face à un système aussi corrompu, ils n'auront jamais gain de cause.

Saluons le courage de Mohammad Rasoulof qui se retrouve aujourd'hui privé de liberté à cause de son film interdit en Iran évidemment. Ce qu'il faut de courage et de passion pour continuer à produire des films alors que les salles de cinéma accablées par la censure ferment. Il faut dire qu'il n'y va pas de main morte pour dresser le portrait d'un pays où ne règnent que la corruption, le mensonge, les bassesses et l'injustice. Cela ne donne guère envie de visiter le pays... Vu comme ça, tout le monde semble "normal" et mener une vie correcte, en ville en tout cas. Mais en fait tout ne fonctionne que sur la peur. Les individus n'ont que deux options : se soumettre en payant tous les pots-de-vin nécessaires à tous les niveaux ou faire partie du système en utilisant à son tour la corruption. Reza va choisir une troisième voie en résistant. Mais est-ce possible longtemps ? C'est ce que nous démontre le film de façon implacable jusqu'à un final complètement stupéfiant et terrifiant.

Pour la petite histoire, il faut savoir que les poissons rouges que Reza élève dans le film sont le symbole de la vitalité et de la chance durant les fêtes du Nouvel An en Iran. Je me demandais en effet quel était l'intérêt de cet élevage auquel il accorde tant de soin.

Malgré les conditions sans doute pas idéales dans lesquelles ce genre de film doit être tourné, le réalisateur réussit quand même à faire des images d'une grande beauté. Chaque fois qu'il montre au loin la maison de Reza éclairée le soir, j'avais l'impression de voir ce tableau de Magritte que j'aime tant :

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Quant à l'histoire on la suit sans un instant de répit, la peur au ventre. On tremble beaucoup pour Reza car il s'engage dans une spirale qui semble ne pas pouvoir s'arrêter. Régulièrement il va se ressourcer dans un endroit très mystérieux. Sans doute une source d'eau chaude dans laquelle il se baigne seul en sirotant un étrange alcool de pastèque qu'il confectionne lui-même. Lorsque son fils commettra une grosse bêtise, il l'obligera également à se laver très vigoureusement. Apparemment l'eau est un élément purificateur. Mais je n'en sais pas plus.

On tremblera encore plus lorsque sa femme, croyant bien faire, menace une enfant d'une dizaine d'années dont le père serait impliqué dans les déboires de son mari. Jusqu'à ce qu'elle apprenne qu'elle a menacé l'enfant du type le plus taré et dangereux de la région.

Le basculement n'est pas limpide pour moi mais l'épilogue laisse sans voix.

Petite note à propos du réalisateur :

Le réalisateur a été arrêté en 2009 et condamné à une peine de prison de six ans, réduite à un an en appel. Mais celle-ci n'a toujours pas été exécutée, sans doute en raison de la mobilisation internationale qui a suivi l'annonce de cette peine. Une situation qui angoisse le cinéaste : "J’ai été libéré sous caution, mais je ne me sens pas libre. Je bénéficie d’un fantôme de liberté. Je vis avec la peur, je suis constamment aux aguets. Chaque fois que je veux quitter le pays, je crains qu’on ne m’en empêche et j’ai peur dès que je reviens. Mais c’est ma vie, et je dois profiter de chaque petite ouverture, chaque interstice pour échapper à la censure et être créatif. Je ne sais pas combien de temps je parviendrai à faire des films."

Commentaires

  • Rebonsoir Pascale, un des très bons films de 2017. Les critiques sont bonnes. J'espère que le public suit. Bonne soirée.

  • Je n'en avais pas entendu parler mais ton article me donne envie de le voir. Quel courage a ce réalisateur !

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