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AU VIOL !

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J'ai hésité à mettre ce titre un peu moche et provocateur ou plutôt provocant, mais le point commun de ces films est le viol. Alors, soyons fous et appelons les choses par leur nom !

OUTRAGE (1950) d'Ida Lupino ***

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Avec Mala Powers, Robert Clarke, Tod Andrews

Dans une petite ville américaine, Ann Walton, une jeune comptable, doit épouser Jim Owens. Elle est alors victime d’un viol et sa vie tourne au cauchemar. Ne supportant plus la sollicitude des uns ou la curiosité des autres, elle décide de changer radicalement de vie.

C'est l'article d'un récent Télérama qui m'a donné envie de voir ce film d'Ida Lupino. J'avais déjà découvert il y a quelques années, lors d'une rétrospective à Lyon, une autre réalisatrice américaine pratiquement inconnue, Dorothy Azner qui bravait en 1932  le code Hays pour parler de féminisme, homosexualité, domination masculine. Son film (renversant) dont je vous parle régulièrement, Merrily we go to hell (titre subtil qui chagrinait M. Hays...) évoquait l'alcoolisme et la description amère d'un mariage désastreux que les protagonistes voulaient et prétendaient libre.

La réalisatrice Ida Lupino cumule la double peine d'être une femme et une actrice glamour. Avec cette double étiquette comment la prendre au sérieux ? Comment peut-on être une femme belle et une réalisatrice talentueuse ? Très vite la jeune actrice s'ennuie sur les tournages alors que, dit-elle "quelqu'un d'autre semblait faire tout le travail intéressant". C'est ainsi que dès 1949 elle est devenue la réalisatrice de 6 films passés inaperçus. Quel dommage et quelle bêtise ! Devant la qualité de cet Outrage, je vais tacher de m'intéresser aux autres films d'Ida Lupino.

A la veille de son mariage avec l'homme qui l'aime et qu'elle aime, Jim, la joyeuse et délicieuse Ann (Mala Powers, sensible et expressive) est victime d'un viol. La longue scène éprouvante de la traque de la jeune femme dans les rues vides et sombres m'a évoqué une certaine errance nocturne du Troisième Homme de Carol Reed, pas moins. Le beau noir et blanc contrasté du film est une réussite. On tremble pour Ann qui se cogne aux portes sans obtenir ni aide ni réponse.

Outrage traite de façon absolument audacieuse pour l'époque, du viol d'une jeune femme. Son but est de montrer les ravages d'une telle souffrance sur celle qui l'a subie et la lente reconstruction de la victime. Pour ne pas heurter la sensibilité de M. Hays, le mot "viol" ne sera jamais employé dans le film. La réalisatrice n'en stigmatise pas pour autant la gent masculine car c'est son père et non sa mère qui regrette qu'elle veuille à tout prix se marier au lieu de continuer à travailler. Et ce sont majoritairement des hommes qui lui viendront en aide, notamment un pasteur qui la recueillera après l'avoir découverte blessée et inconsciente au bord de la route et tentera de lui redonner goût à la vie. Car après cet outrage, Ann essaie de reprendre une vie normale, d'aller au travail. Mais les regards qui se posent désormais sur elle pèsent lourd, et de victime, elle se sent coupable. Elle préfère fuir. Partie à pied, au hasard, elle va tenter de se reconstruire mais la vision de son bourreau la hante.

Beaucoup de choses sont très intéressantes dans ce film où la parole de la victime par exemple est entendue par la police à une époque où elle devait  l'être beaucoup moins qu'aujourd'hui. Bien que féministe, le film et le propos ne présentent pas les hommes comme des ennemis et certains personnages expriment d'ailleurs des propos et ont des comportements hautement féministes.

Condensé sur 1 h 20, le film d'Ida Lupino (seule femme réalisatrice de cette époque) va frontalement et brillamment à l'essentiel. Elle n'a rien à envier à ses collègues masculins.

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ANTEBELLUM de Gérard Bush et Christopher Lenz ***

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Avec Janelle Monae, Jena Malone, Kiersey Clemons

Cet Antebellum est le film le plus surprenant et original que j'ai vu ces derniers mois. Je ne sais pourquoi (l'affiche sans doute), je pensais avoir affaire à un petit film d'horreur vide neurones. Il n'en est rien, même si ce qui est décrit ici est absolument horrible et qu'on peut le classer dans la catégorie des thrillers horrifiques. Ce film, plusieurs jours après l'avoir vu, laisse une trace.

La très longue première scène, un plan séquence époustouflant de plusieurs minutes au son d'une musique exaltée, nous plonge dans les Etats-Unis au temps de Scarlett O'hara, quand ils étaient racistes... Les blancs possédaient de superbes plantations et les noirs y ramassaient le coton en chantant du gospel. Sauf qu'ici le coton sitôt récolté est brûlé et plus encore que dans la réalité les noirs sont esclaves certes mais aussi prisonniers sur place, soumis à la violence des soldats qui les malmènent, les torturent ou les abattent froidement. Eden sert aussi silencieusement d'esclave sexuelle à l'un d'entre eux tout en préparant secrètement une rébellion. On est en plein cauchemar ségrégationniste juste avant la guerre de sécession et soudain un téléphone portable sonne...

On retrouve le même personnage qui cette fois s'appelle Veronica. C'est une bourgeoise, auteure à succès et militante des droits civiques qui partage également sa vie entre son bonheur familial (un mari, une petite fille) et ses copines. Cette partie est la moins réussie voire franchement ratée. Même si l'actrice, Janelle Monae vraiment excellente, se transforme de façon incroyable d'une époque à l'autre, les réalisateurs se plantent totalement dans la description de sa vie dorée. Tout ce bling-bling n'était pas forcément utile pour opposer les deux époques. La faute également au mari interprété  par un acteur qui semble croire qu'il joue dans un sketche comique,  à la gamine insupportable et à l'actrice Gabourey Sibide qui tente de tirer la couverture à elle avec une vulgarité de chaque instant.

Mais lorsque l'on revient à la fin du XIXème, l'intérêt ressurgit. De toute façon, on ne sait toujours pas quel est le lien entre les deux époques. Malgré "l'intermède" raté, la curiosité, l'intérêt et l'envie de savoir sont intacts. Evidemment, je ne vous en dirai rien. Et ce n'est qu'à la toute dernière image que l'on sait, que l'on découvre, que l'on comprend. Et c'est sidérant.

Plus que pour son discours militant je trouve le film surtout intéressant par son originalité. Un twist en plein milieu et une "résolution" surprenante le placent vraiment haut.

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STRIPPED de Yaron Shani ***

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avec Laliv Sivan, Bar Gottfried, Elad Shniderman

Alice et Ziv sont voisins dans un quartier de Tel-Aviv. Alice vient de publier un premier roman particulièrement remarqué. Ziv est un adolescent passionné de musique, mal à l’aise avec l'expression de ses sentiments. Alice pense que Ziv pourrait être le cœur d’un projet documentaire mais leur rencontre va prendre un tournant inattendu.

Ce film est le dernier volet du triptyque sur l'amour, après le très réussi Chained et le très décevant Beloved. Les 3 films peuvent être je pense vus indépendamment les uns des autres et même dans n'importe quel ordre puisqu'il semble que celui-ci soit le premier tourné et le dernier sorti en France... Je vous recommande donc particulièrement Chained et Stripped, Beloved étant pour moi une déconstruction de Chained voire même en totale contradiction. Ici, à part une scène où l'on retrouve un personnage clé de Beloved mais qui n'a aucune incidence sur l'histoire, le reste a pour seuls points communs de se dérouler à Tel Aviv et de traiter des violences sexuelles faites aux femmes.

Il s'agit cette fois du portrait croisé d'une auteure à succès et d'un jeune homme passionné de musique (guitariste classique et chanteur). Ils finiront par se rencontrer et leur destin par basculer. On les suit d'abord alternativement et on comprend peu à peu ce qui va les rassembler.

Alice habite avec trois horribles chiens et vit une relation harmonieuse avec un homme. Elle se réveille difficilement un matin sans se souvenir de ce qui s'est passé la nuit précédente. La construction déstructurée du récit nous fait découvrir le personnage avant et après le traumatisme que l'on comprendra tardivement même s'il est question aux infos d'un homme qui pénètre dans des appartements et violent des femmes, et sa chute brutale vers la dépression. Quant à Ziv, il espère poursuivre des études supérieures musicales mais se heurtent à ses parents qui ne voient l'avenir que dans le service militaire obligatoire de 36 mois. Le jeune homme est comme ses amis fascinés par la pornographie. Toutes les séquences pornos sont floutées même lorsque le réalisateur au cours d'une scène triste à pleurer utilise les services de véritables prostituées.

Il semble que là-bas comme partout dans le monde, Internet permette aux jeunes d'avoir très rapidement accès aux contenus pornographiques. Les rapports entre hommes et femmes en sont totalement faussés.

Le réalisateur semble très pessimiste sur l'avenir de la société dans laquelle émergent les pires instincts en partie dus à une forte injonction de masculinité, à la militarisation de la jeunesse. J'espère que son discours de constat sans solution ne signifie pas qu'il explique et pardonne les comportements douteux et monstrueux de certains sous prétexte que la jeunesse baigne dans la pornographie.

Les acteurs sont épatants.

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BILLIE de James Erskine ***

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Linda Lipnack Kuehl est une journaliste new-yorkaise qui a rassemblé 200 heures de témoignages sur la vie et la carrière de la chanteuse de jazz Billie Holiday. Charlie Mingus, Tony Bennett, Sylvia Syms, Count Basie, ses amis, ses amants, ses proxénètes se succèdent au micro. Elle voulait, jusqu'à l'obsession, écrire une biographie. On apprend dès la première scène du film que son projet n'a jamais pu aboutir car la journaliste est morte dans des circonstances que sa famille trouve étranges. Les doutes quant à un suicide ne sont toujours clairement pas élucidés. C'est donc le réalisateur James Erskine qui a retrouvé les cassettes enregistrées chez un collectionneur et a entrepris le travail de titan d'en faire un film.

On la surnommait la Ladie et BILLIE est l'histoire de cette chanteuse qui a changé le visage de la musique américaine mais aussi de la journaliste qui est morte en essayant de raconter son histoire.

Pour moi Billie Holiday est la plus grande, la plus belle et la plus exceptionnelle chanteuse de jazz de tous les temps. Sa voix extraordinaire, légèrement voilée, son doux vibrato, son phrasé  traînant et sa diction m'ont toujours fascinée. Je savais que sa vie avait été une vie de tourments jusqu'à sa crise cardiaque à seulement 44 ans et le film démontre que son ascension tient du miracle. Délaissée par sa mère alors que son père ne l'a pas reconnue, elle est ballottée d'une maison à l'autre et parfois en maison de redressement. Dès son plus jeune âge elle est violée et vers 13 ans elle se prostitue. C'est parce qu'elle va travailler dans la restauration et se mettre à chanter que sa voix va être remarquée et qu'elle va rapidement gravir les sommets jusqu'aux cabarets et salles mythiques (Cotton Club, Carnegie Hall, l'Olympia...).

Son succès ne la mettra pas à l'abri. Elle va avec une constance quasi méthodique ne s'entourer que de personnes, d'hommes surtout, parfois des proxénètes, malveillants qui profiteront d'elles jusqu'à la ruiner. Elle dit elle-même : "Je suis rapidement devenue une des esclaves les mieux payées de la région, je gagnais mille dollars par semaine, mais je n'avais pas plus de liberté que si j'avais cueilli le coton en Virginie". Elle finit sa vie avec 750 dollars. Son appétit sexuel frénétique la fait passer de main en main. Un psychiatre interviewé parlera d'elle comme d'une psychopathe masochiste qui aimait souffrir.

Vous l'avez compris, le film et l'histoire ne sont pas gais. Billie ne cessera de se mettre en danger abusant de l'alcool et de la drogue, passant même par la prison, faisant subir à son corps et à sa voix des transformations dangereuses. La voir très amaigrie quelques semaines avant sa mort interpréter la chanson mythique Strange fruit, métaphore du lynchage des Noirs dans la brise du Sud est un moment très fort et bouleversant. L'entendre et la voir chanter sont toujours pour moi un enchantement. Je la trouve exceptionnelle.

Billie Holiday to return to Apollo Theatre - as hologram

Commentaires

  • Il va falloir s’accrocher, rien de bien gai dans votre choix, mais apparemment de la qualité.

  • Forcément avec un tel thème ça rigole pas. Mais en effet de bons films.

  • Rebonjour Pascale, j'ai trouvé très bien la construction de Stripped avec les deux acteurs principaux remarquables en effet. Peut-être parce que j'ai vu Beloved en premier, je ne l'ai pas trouvé décevant mais c'est vrai que Chained est très au-dessous. Concernant Antebellum et Billie, je compte bien aller les voir. Bonne après-midi.

  • Bonjour Dasola. Chained est de loin le meilleur des 3. Le réalisateur a le chic pour déconstruire ses récits.
    Hâte d'avoir ton avis.
    Bonne soirée.

  • Je retiens le doc sur BILLIE. Quelques degrés au-dessus de la légende, un mythe.
    Et quelle histoire que celle de ce documentaire !

  • J'avais zappé "Outrage" de la grande Ida. Actrice que j'ai adoré dans les films de Walsh ("une femme dangereuse", "la grande évasion", pas celle avec Steve, l'autre...), vue aussi dans "le démon de l'or" et dans "Junior Bonner" de Peckinpah (avec Steve ce coup-ci) et aussi dans un excellent épisode entre "Sunset Bvd" et "Rose pourpre du Caire" de la Quatrième Dimension. Parmi ses réalisations, je n'ai vu que "the Hitch-hiker" mais j'ai lu beaucoup de bonnes choses sur cet "Outrage" que tu évoques en termes élogieux. Raison de plus pour moi de m'y intéresser.

  • Les 2 destins mêlés sont assez exceptionnels.
    Il manque parfois des images donc on se retrouve devant des plans d'un magnéto qui tourne mais ça ne gâche rien.
    Je ne parle pas du racisme dont Billie était l'objet : obligée de se noircir le visage parce que trop pâle pour les blancs qui se rendaient dans les clubs, obligée de dormir dans le bus de tournée alors que son équipe dormait à l'hôtel.
    Et son autodestruction... tabac, drogue, alcool. Lors des dernières interviews elle avait la voix d'une vieille femme épuisée. J'en revenais pas qu'elle n'ait que 44 ans. Un doc passionnant.

  • Et bien tu connais bien mieux Ida que moi.
    A Paris plusieurs films sont programmés actuellement. Dans ma région il n'y a eu que celui ci, c'est déjà pas mal.

  • Antebellum me disait bien, mais il faudra que je vois s'il passe encore. Peut-être, maintenant que les gros films sont reportés les uns après les autres ...!

  • Oui ça va être difficile de trouver quoi voir.
    Antebellum est étonnant.

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