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LES CHOSES HUMAINES

de Yvan Attal ***

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Avec Ben Attal, Suzanne Jouannet, Charlotte Gainsbourg, Matthieu Kassovitz, Benjamin Lavernhe, Pierre Arditi, Audrey Dana, Judith Chemla

Ce film est l'adaptation du roman éponyme de Karine Tuil, lauréate du Prix Interallié et Prix Goncourt des lycéens 2019 qui a fortement ému Yvan Attal, lui-même père d'enfants d'à peu près le même âge que les deux protagonistes de l'histoire.

D'un côté il y a Alexandre, jeune homme brillant de 21 ans qui effectue ses études à Standford en Californie, une des plus prestigieuses universités au monde. Il est le fils unique d'un père présentateur vedette de la télé et d'une mère, Claire, essayiste à succès et féministe. De l'autre Mila, 17 ans en terminale rêve d'entreprendre des études de cinéma. Sa mère, juive pratiquante fervente et son père Jean, dont j'ai oublié la profession (car ils sont un peu en retrait). Dès lors on voit deux mondes, deux milieux en présence. Les deux familles sont recomposées, Claire est désormais la compagne heureuse de Jean et Mila vit avec eux. C'est lors d'un repas où Claire présente Jean à son fils que les deux jeunes gens se rencontrent. Alexandre est rentré en France pour assister à la remise de la Légion d'Honneur à son père. Devant l'insistance de leurs parents, Alexandre et Mila se rendent à une soirée des "anciens" du Lycée Henri IV. C'est cette nuit là que leur destin va basculer puisque Mila va accuser Alexandre de l'avoir violée.

Le film se scinde en trois parties. Le point de vue d'Alexandre, celui de Mila et le procès au Tribunal. Au centre du "débat" il y a donc ces affaires qui se multiplient dans cette époque post #metoo qui permet aux filles abusées de "libérer leur parole" et la question capitale du consentement. Consentement de la fille évidemment. J'aurais envie de dire que cette question me paraît toujours aussi incompréhensible et presque simple à résoudre. Les garçons, si une fille est passive, mal à l'aise voire terrorisée, qu'elle reste stoïque en attendant que ça passe... c'est que peut-être il est temps de vous y mettre et de penser à des choses simples : "je ne te sens pas prête là... on peut remettre à plus tard", et terminez vous à la main. Je sais je suis naïve et il n'est certes pas simple d'éprouver ce que l'autre ressent. Mais se préoccuper du bien-être de l'autre fait aussi partie de la beauté de l'acte qui devrait être un éblouissement pour les deux partenaires Maïa Mazaurette sort de mon corps.

Qui ne dit mot consent ou qui se tait subit ? Voilà ce qui sera au centre des débats en plus de savoir qui dit la vérité, car les deux personnages auront des zones d'ombre, ils reviendront sur leurs déclarations, les complèteront, les modifieront. Et nous serons en tant que spectateur à tour de rôle placé dans la situation inconfortable des jurés de comprendre et d'interpréter les deux versions et d'avoir à décider si le coupable l'est vraiment sans pour autant placer celle qui est la victime dans la position du coupable... ce qui arrive parfois. Et Pierre Arditi, ici le père d'Alexandre, endosse le rôle délicat d'avoir à proférer toutes les horreurs imaginables dans ce genre d'affaire avec pour objectif bien sûr de défendre son fils : il n'a pas besoin de forcer les filles pour séduire, elle l'a bien cherché, elle l'a provoqué, elle est jalouse, pauvre, juive,... avec un point culminant : "tout ce tintouin pour vingt petites minutes !" Etait-il indispensable d'ajouter à l'histoire de ce vieux beau qui refuse de vieillir et de cesser de séduire le récit annexe de son aventure avec une stagiaire dont il pourrait être le grand-père et qui aura un enfant de lui... ? Alexandre affirme de son côté que selon lui Mila était consentante.

Face à cette attitude arrogante et méprisante, il y a Mila (Suzanne Jouannet est épatante) qui au bout de trente mois d'instruction semble détruite, avoir régressé, physiquement on dirait une gamine et maintient ses accusations tout en se sentant coupable, sale, souillée, honteuse. Comme le dit son avocate (Judith Chemla, vibrante et autoritaire), raconter une fois encore la scène devant le tribunal, c'est une fois encore revivre l'acte. Alors que la Présidente affirme : ce ne sont que des questions mademoiselle.

La partie prétoire est la plus intéressante, passionnante même. Le réalisateur ne laisse rien à l'écart et démontre à quel point il est impossible de passer à autre chose. Tout le monde est détruit, les dommages collatéraux sont colossaux sur les "acteurs" du drame mais aussi sur leurs familles. Plus rien ni personne n'est comme avant. Les plaidoiries sont admirables. Benjamin Lavernhe est impeccable en avocat de l'accusé.

Je regrette qu'Yvan Attal (peut-être pour être fidèle au livre que je ne connais pas) ne laisse aucun doute sur ce qui s'est passé avec une dernière scène et une dernière image convaincantes. Cela dit c'était peut-être cruel de laisser le spectateur innocent dans la position délicate du juré qui doit trancher.

A noter à la marge de l'histoire principale, celle émouvante du beau couple formé par Mathieu Kassovitz et Charlotte Gainsbourg qui s'est séparé, s'aime mais ne le peut plus...

Commentaires

  • Encore ce sujet pour surfer sur la vague de #metoo ? Non, parce qu'il reste encore pas mal de progrès à faire pour certains hommes. D'ailleurs vous l'avez fort bien dit !
    Nous avons lu le livre et comme nous avons l'apprécié, nous irons voir le film.

  • Leur marteler que l'acte qu'ils transforment en violence doit être consenti par les deux finira bien par leur entrer dans le crâne...
    N'oubliez pas non plus de voire le magnifique Madres paralelas et l'indispensable Le diable n'existe pas.

  • Le sujet est brûlant et Yvan Attal propose un film beau et délicat, porté par une interprétation haut-de-gamme. Un film trop beau et subtil peut-être pour celles et ceux qui n 'aiment que les positions bien tranchées.

  • Oui c'est un film incroyable et je trouve que les scènes de prétoire sont les plus réussies jamais vues. Qu'en penses-tu ?

  • Je manque de recul concernant les films juridiques... et je suis certain de n'avoir vu qu'une partie des œuvres de ce genre. Mais le souci de restituer la procédure est ici exemplaire, tout comme la performance des acteurs incarnant les avocats, au service il est vrai de plaidoiries très bien écrites.

  • Je suis loin de connaître tous les films de prétoire mais on voit régulièrement, souvent des scènes de tribunal. Je trouve qu'ici on est vraiment immergé. Et on apprend plein de choses sur la garde à vue et autres subtilités de procédure.

  • Sur la procédure policière, "L627" (de Bertrand Tavernier) était très bon. Mais l'intrigue portait sur le trafic de drogue, pas sur un viol. Je trouve que la procédure judiciaire était bien rendue dans "Présumé coupable" (avec Philippe Torreton), notamment la garde à vue et la détention provisoire.

  • Voilà il y a quelques exemples ou on apprend des choses.
    Mais là, les explications sont limpides. Non, on ne sort pas d'une garde à vue comme aux Etats Unis en payant une caution par exemple.

  • J'ai lu le livre qui ne m'avait pas emballée. Du coup, je n'ai pas envie d'aller voir le film.

  • Je n'ai pas envie de lire le livre mais le film est vraiment bien.

  • Je n'avais pas prévu de le voir mais j'en ai entendu une très belle critique. Et à te lire, il mérite peut être d'y consacrer une séance. A voir la semaine prochaine si d'ici là d'autres incroyables films ne sont pas à l'affiche ! Il y en a tant !

  • Il faut faire des choix en effet. Les distributeurs sont vraiment à côté de la plaque.

  • Il est possible que certains distributeurs se dépêchent de "vider les cartons" pour profiter du regain d'entrées de la fin d'année... et de crainte de voir 2022 commencer par un rebond épidémique et un nouveau contingentement des places dans les salles.

  • J'en ai entendu un l'autre jour sur France Inter très fier de lui et de ses confrères qui prétendait qu'ils s'étaient entendus entre eux pour qu'il n'y ait pas d'embouteillage... Or, moi qui vais quand même au cinéma plus que la moyenne, je ne peux tout voir ce que j'ai envie de voir (j'exclus d'emblée les Tuche et les Bodins).
    Par contre, il disait que les films restaient un peu plus longtemps à l'affiche, ce qui semble vrai.

  • Pou ma part je suis ravie, j'ai vu des films merveilleux cette année. C'est surtout ma situation (2/3 jours max à paris et encore pas toutes les semaines) qui fait que j'en rate certains. J'ai entendu aussi pas mal parler de comment les distrib gèrent la crise et c'est pas à l'avantage des petits films. Moi je vais au ciné à Paris, et les parisiens vont beaucoup au ciné donc j'ai l'impression qu'ils sont très fréquentés mais je ne sais pas comment c'est ailleurs.

  • Je rattrape mon retard. Je n'ai pas lu le roman de Karin Tuil, peut-être un jour, mais du coup je me concentre sur le film d'Yvan Attal que j'aime beaucoup, l'acteur, le réalisateur (bon ok, il parait que son dernier n'était pas terrible).
    Le film est très prenant, le scénario aussi, et j'ai aimé voir ces différents points de vue qui interrogent et font se poser les bonnes questions que tu répètes. Et le procès, l'impossible continuité de ces vies bouleversées à jamais.
    Un très beau et bon film, à voir au moins une fois...

  • Oui son dernier film est mauvais, risible involontairement.
    Mais sinon, comme toi, j'aime le bonhomme multitâches.
    Les scènes de tribunal sont formidables dans mon souvenir. Ben Attal est bien courageux de jouer ce rôle.
    Je le reverrai bien ce film qu'on ne voit qu'une fois. Je crois qu'il est passé dans le poste la semaine dernière. J'irai peut-être le chercher.

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