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VERS UN AVENIR RADIEUX

de Nanni Moretti ****

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Avec Nanni Moretti, Margherita Buy, Silvio Orlando, Mathieu Amalric, Barbara Bobulova, Valentina Romani

Sur le tournage de son prochain film Nanni.... pardon Giovanni est confronté à de multiples problèmes.

Il ignore (mais va apprendre) que Paola sa femme (et productrice depuis 40 ans) voit un psychanalyste depuis plusieurs mois dans l'objectif de l'aider à le quitter, sa fille renonce à voir en boucle avec lui les films qui faisaient jusque là partie d'un rituel familial (Lola de Jacques Demy devant un bol de glace), son actrice principale ne cesse de remettre en cause les intentions de son personnage (elle est persuadée qu'il s'agit d'un film d'amour alors que Giovanni tourne un film politique), son producteur français lui cache qu'il n'a en fait plus d'argent, l'inculture de ses collaborateurs sur le tournage le navre. Pour surmonter ces crises, Giovanni va devoir sérieusement remettre en question sa vison des choses, son intolérance et sa façon de se comporter avec tout son entourage.

A l'instar de certains de ses collègues récemment (Spielberg, Gray) Nanni Moretti vient nous clamer son amour du cinéma, tout en mélancolie, en musique et en chansons parfois. Il nous immerge dans le tournage d'un film dans le film, nous montre l'envers du décor, l'avant et l'après tournage d'une scène et tout le mécanisme implacable de la fabrication d'un film comme une entreprise à gérer et où le patron-réalisateur, maître incontestable de l'entreprise doit répondre à la moindre question, trouver l'argent, tout en s'inquiétant de l'avenir de son couple et de sa fille. Vies privée et professionnelle sont incontestablement intriquées.

Le réalisateur n'essaie pas de se faire pardonner ses offenses mais semble réellement prendre conscience de l'attitude tyrannique et du climat de tension qu'il fait régner autour de lui, au boulot comme à la maison. Personne jusque là n'a osé lui révéler quel être despotique il est, pourtant accro aux anti-dépresseurs et aux somnifères, ce dont personne ne se doute. Alors narcissisme, nombrilisme, auto-promotion ou congratulation, si ce cinéma auto-fictionnel vous déplaît, passez votre chemin car Nanni Moretti se met en scène presque comme jamais et se filme dans moult situations où son air égaré, totalement abasourdi fait pour moi merveille mais pourrait en irriter certains. Je pourrais passer des heures à le contempler jouer et encore plus à l'écouter parler. De sa voix éraillée et parfois tonitruante il assène de façon dictatoriale en appuyant sur chaque syllabe la moindre de ses volontés. Et la langue italienne sonne parfaitement à mes oreilles pour éructer sa vision du monde comme sa détestation totalement irrationnelle des sabots (en gros, si un pied est couvert devant, si l'on ne voit pas les orteils, il doit être couvert derrière).

Mais sous couvert de farce parfois mais aussi de moments que j'ai trouvés magiques : chanter Freedom d'Aretha Franklin (la seule qu'il tolère pouvoir découvrir ses pieds !) en voiture, embarquer son équipe dans une sorte de sama (la danse des dervish tourneurs (qu'il a reprise sur les marches du Palais des festivals à Cannes)), marcher en groupe triomphalement et en souriant, le réalisateur se souvient de l'Italie communiste de sa jeunesse, des chars russes en Hongrie. Il invite pour l'évoquer un cirque de Budapest qui se mettra en grève pendant le tournage par solidarité avec son peuple qui souffre, se désole encore en découvrant que la jeunesse italienne actuelle pense qu'il n'y a eu de communistes qu'en Union Soviétique. Il convoque aussi ses fidèles acteurs, le génial Silvio Orlando (notamment cardinal terrible de la série (que je vous recommande) The young pope), la merveilleuse Margherita Buy. En invite de nouveaux tels que Mathieu Amalric (rôle pas indispensable) et Valentina Romani très très bien dans le rôle de sa fille qui présente son amoureux et bientôt futur époux à ses parents (scène hilarante). Il convoque également Renzo Piano qui vient à son secours pour lui expliquer certains ressorts de la violence au cinéma. Et au cours d'une scène incroyable Nanni intervient sur le tournage d'un autre film réalisé par un jeunot qui s'écoute penser et que sa femme produit. Il interrompt le tournage pour tenter de comprendre la valeur morale d'une séquence de meurtre dans un film. C'est tordant. Il évoque Kieslowski, Cassavetes et passe un coup de film à Marty Scorsese... Alors, trop de name-drooping pour certains ? Hommage et respect pour moi.

En en guise de pepperoni sur la pizza, une balade nocturne à trottinette dans les rues de sa Rome adorée pour aller en repérage d'un quartier qui ressemblerait à Budapest.

L'imagination et la démonstration ne s'arrêtent pas là. Au volant de sa voiture il souffle les répliques à un jeune couple au bord de la rupture qui se dispute, il joue au foot et nous emporte dans son joyeux bric à brac plein d'humour et d'autodérision que certains appelleront sans doute narcissisme. Il se moque de Netflix et ridiculise ses représentants présentés comme des commerciaux débiles. Follement drôle et mélancolique, Nanni Moretti n'a pas fini de m'enchanter et je suis sortie de la séance joyeuse comme si j'avais participé à la belle parade finale car peut-être que c'est finalement la joie qui va l'emporter, on peut rêver.

Contrairement à nombre de films actuels, celui-ci m'inspire un seul reproche : il est beaucoup trop court. Comme dans une vieille pub de 1979, j'ai juste envie de dire à Nanni :

"ils sont bons tes films Monsieur Moretti, tu pourrais pas les faire un peu plus longs !"

Commentaires

  • Je ne serais pas aussi dithyrambique (mon article à suivre) mais je suis d'accord avec toi sur les arguments. Un film plein d'amour, de cinéma surtout, forcément avec un plaisir non feint. C'est assez inégal mais on passe un vrai très bon moment.

  • C'est un film formidable de bout en bout.

  • Rebonsoir Pascale, j'ai vu ce film hier soir. Je ne savais pas ce que j'allais voir. L'histoire n'est pas facile à raconter. Cela part dans tous les sens. Moretti a une manière de marteler ses phrases parfois crispante. Margherita Buy est vraiment (comme souvent). Il y a des moments irrésistibles comme la rencontre de Giovanni avec son futur gendre. Amalric en fait des tonnes. Des films dans le film, pourquoi pas? La charge contre Netflix est assez savoureuse. On a bien compris que cette chaîne est présente dans 190 pays. Après, le film est court et ce n'est pas plus mal. Bonne soirée.

  • Bonsoir dasola.
    J'entends tes réserves.
    Je suis "morettophile" depuis longtemps. Je suis fan du bonhomme, de sa voix, de son humour, de son autodérision.
    Amalric m'a agacée. Je crois que je n'en peux plus de ses dents jaunes et de sa voix.
    La présentation du futur gendre est un savoureux moment.

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