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LES FEUILLES MORTES

de Aki Kaurismäki ***(*)

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Avec Alma Pöysti, Jussi Vatanen

Les regards timides et introvertis d'Ansa et Holappa se croisent lors d'une soirée karaoké dans un bar. Est-ce le début d'une grande histoire d'amour ?

Pas sûr car la vie imprévisible, les maladresses et les contretemps se chargent de mettre des obstacles sur la route de ces deux solitaires perdus dans Helsinki. Et puis, pas sûr que ces deux invisibles, abandonnés à leur morne et banale existence croient encore à la possibilité d'un amour. On sent bien qu'ils ont renoncé à la moindre éclaircie.

Ansa est hôtesse de caisse dans un supermarché. Elle trie également les produits périmés puis les jette ou permet à un passant d'en récupérer quelques-uns. Pour avoir subtilisé un hamburger périmé, elle est renvoyée et se retrouve en usine. Dans la dureté de son existence elle a hérité d'un minuscule appartement au mobilier spartiate où elle vit seule. Holappa travaille également dur en usine et vit en foyer. Mais il comble sa solitude et son ennui en buvant plus que de raison même sur son lieu de travail, ce qui n'est pas une bonne idée. Il est également renvoyé et trouve un autre poste tout aussi harassant.

Lorsqu'Ansa et Holappa se retrouvent au cinéma, ils regardent l'écran sans réaction. A la sortie, Ansa l'assure : "je n'ai jamais autant ri". Ils ont vu The dead don't die de Jim Jarmusch et Ansa n'a pas bronché. Mais l'humour de Kaurismäki est ainsi. Ses personnages lunaires, statiques ont son humour et rient à l'intérieur. Et les répliques un peu surréalistes de cet humour pince sans rire abondent. J'ai particulièrement apprécié cet échange :

Holappa à un collègue : un deuxième verre ?

Le collègue : c'est le sixième.

Ansa donne son numéro de téléphone à Holappa qui le perd quasi immédiatement en prenant son paquet de cigarettes dans la poche même où il a mis le précieux papier. Animés du même désir de se revoir, ils seront aidés par leur volonté et un peu le hasard. Ils se retrouveront autour d'un repas bien qu'Ansa soit une bien piètre cuisinière. Cette fois c'est l'alcoolisme du garçon qui est un frein. Vont-ils renoncer pour autant ? A défaut d'homme, Ansa va-t-elle prendre un chien ? 

Les Feuilles mortes : photo

Vous le découvrirez en allant voir ce petit bijou de comédie (romantique) tendre et cruelle qui dure 1 h 21 et semble s'éloigner sur la pointe des pieds comme pour ne pas nous importuner. Pendant ces 81 minutes, nous accompagnons deux personnages et deux comédiens merveilleux. L'histoire dans un environnement gris et terne des usines, des chantiers et des supermarchés, on aperçoit au loin la ville grouillante, se situe bien de nos jours. On le comprend parce qu'aujourd'hui même les gens qui travaillent sont à la limite de la précarité et aussi la radio souvent allumée nous rappelle qu'un conflit de plus se déroule à nos portes. Les sinistres nouvelles de l'Ukraine sont égrenées continuellement.

Kaurismäki, épris de cinéma et de musique parsème son film de références. Les deux amoureux échangent quelques mots sous une affiche de Brève rencontre et de nombreuses séquences sont illustrées en arrière plan par des affiches de cinéma : Rocco et ses frères, Le Mépris... Godard, Bresson, ses "divinités domestiques" comme il les appelle, ne sont jamais loin. Le cinéma comme un refuge pour les âmes en peine. Je comprends tellement ! Et la musique aussi comme un rempart à la morosité ou pour rallumer les coeurs éteints avec, comme souvent chez le réalisateur, des scènes de karaoké ou de concert.

Et l'amour pour essayer de croire encore aux lendemains qui chantent. Avec au plus torride de la relation, une poignée de mains, un baiser sur la joue, un autre sur le front. Kaurismäki a reçu le Prix du jury au dernier Festival de Cannes. Tant mieux. Dans ce film saltimbanque, humain et solidaire, Chaplin, dans la dernière image, n'est pas loin... C'est beau.

Quelques mots de ce réalisateur pas comme les autres :

"Même si j’ai acquis aujourd’hui une notoriété douteuse grâce à des films plutôt violents et inutiles, mon angoisse face à des guerres vaines et criminelles m’a enfin conduit à écrire une histoire sur ce qui pourrait offrir un avenir à l’humanité : le désir d’amour, la solidarité, le respect et l’espoir en l’autre, en la nature et dans tout ce qui est vivant ou mort et qui le mérite."

Commentaires

  • Bonjour Pascale, on se rejoint pour dire beaucoup de bien de ce film court mais tellement riche. J'ai bien aimé le toutou qui est aussi calme que sa maîtresse. Bon dimanche.

  • Bonjour dasola, un film qui change de l'ordinaire.
    Les toutous me laissent plutôt de marbre, et je te parle pas des chats...

  • Je n'étais peut-être pas dans de bonnes dispositions quand je l'ai vu, mais j'ai surtout ressenti de la tristesse à voir leur vie, si pénible à l'un et à l'autre. Je m'attendais à plus de fantaisie, même s'il y a effectivement des bonnes répliques, mais trop rares. Et ils s'en vont tous les deux certes, mais vers la même vie de misère ... bref, le romantisme n'a pas marché sur moi.

  • Ah mais moi aussi je préfère l'amour un peu plus joyeux.
    Je ne sais s'il s'agit du tempérament finlandais mais la fantaisie est davantage dans les situations que dans les répliques.
    Je crois qu'ils seront mieux à deux :-)

  • Cela fait une éternité que je n'ai pas regardé un Kaurismäki (bon, je n'en ai pas vu tout de même un paquet non plus)... Et je me demandais si j'étais encore prêt à regarder sa loufoquerie dans un film. Je me dis que c'est plus pour moi, mais tu en parles si bien que tu me donnes envie, de replonger dedans. The Dead don't die, ai-je ri, intérieurement... Il faut que je me le refasses, j'ai oublié...

  • La loufoquerie n'explose jamais. Elle est dans les détails. Il faut voir Ansa se faire réchauffer un plat au micro ondes (et le résultat). Les chanteurs de karaoké qui sont persuadés d'être des futures stars (mais aucun producteur ne les remarque), ça m'amuse etc...
    On ne se tape pas sur les cuisses mais on sourit.
    Et puis des petits moments tellement forts et tendres. Elle invite Holoppa à manger. Elle va acheter UNE assiette, UN couteau et UNE fourchette, ça suffit pour donner une idée des finances. Et le repas fini... elle jette l'assiette, le couteau et la fourchette. Ce film c'est une infinité de détails. Mais il faut accepter ces plans fixes, cette lenteur. On peut prendre son temps pour contempler la multitude d'affiches de films.
    The dead don't die je m'en souviens peu sauf qu'il était plutôt décevant.

  • Je ne commente pas souvent ici, mais je viens de chez Dasola/ta d loi du ciné, et j'en profite pour dire que je lis souvent ici les billets sur les films que je vois, et que je suis souvent sur la même longueur d'onde que vous. Encore cette fois avec ce film que j'ai adoré : cet humour si particulier, ces couleurs, cette lumière, ces acteurs : j'ai tout aimé !

  • Ces personnages sans émotion apparente permettent des scènes d'une grande drôlerie. J'ai vraiment bien aimé ce petit film très bien filmé, réalisé, et mis en scène. Mais alors, je l'ai trouvé un peu long pour ses 1h20 ! Il a un petit ventre mou !

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