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LE PROCÈS GOLDMAN

de Cédric Kahn ***(*)

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Avec Arieh Worthalter, Arthur Harari, Jeremy Lewyn, Nicolas Briançon, Stéphan Guérin Tillié Jerzy Radziwilovicz

Novembre 1975 en France se tient le second procès de Pierre Goldman. Ce militant d'extrême gauche est soupçonné d'avoir tué deux pharmaciennes lors d'un braquage.

Il reconnaît le braquage mais nie le meurtre. L'affaire suscite la mobilisation de nombreuses figures médiatiques.

Excepté la première scène où l'on fait la connaissance de Georges Kiejman dans son bureau (excellemment interprété par Arthur Harari qui n'est donc pas "que" le réalisateur de l'excellent Diamant noir, du renversant Onoda : 10 000 nuits dans la jungle, scénariste de la Palme d'Or 2023 Anatomie d'une chute, mais aussi un merveilleux acteur), on ne quittera plus la salle du Tribunal. Dans cette première scène, on apprend de la bouche d'un ami avocat de l'accusé Goldman, que ce dernier entend se débarrasser de Kiejman qu'il juge très apte à la tâche de le défendre mais insupportable humainement et intellectuellement. Kiejman refuse et la suite montrera de façon parfois presque comique comment une personne dans le boxe des accusés peut devenir le pire ennemi de lui-même et de son avocat, constamment obligé de "recadrer" son client.

Cédric Kahn choisit la sobriété et l'enceinte même de ce théâtre humain où se joue la vie d'un homme pour relater cette histoire un peu dingue compte tenu de la personnalité, de l'issue du procès et du destin de Pierre Goldman, mais chut, je ne dirai rien. Si l'accusé (frère de Jean-Jacques Goldman pour la partie people) reconnaît bien trois braquages, il nie en bloc celui où deux femmes ont trouvé la mort et un policier a été blessé. "Jamais je ne tirerai sur deux femmes désarmées qui ne m'ont rien fait" clame-t-il sans fin ainsi que son innocence qu'il a relatée dans un livre devenu best-seller (Souvenirs obscurs d'un juif polonais dans lequel il retrace sa vie tumultueuse avant et pendant son incarcération) et qu'il a eu le temps de rédiger en prison où il se trouve depuis 6 ans. L'ouvrage lui vaut la sympathie de sympathisants d'ultra gauche présents au procès et qui ne cessent de manifester leur encouragement ou leur indignation tout au long des séances aux cris de "Goldman innocent !". C'est d'ailleurs une vraie surprise de constater que chacun, témoins, accusé, jurés, public, intervenait presque à sa guise au cours des audiences sans être invité à prendre la parole et sans que le Président ne fasse jamais évacuer la salle.

Sans musique, sans flash-backs mais avec une minutie remarquable Cédric Kahn donne à ses personnages, témoins, policiers, amis, le soin de décrire les évènements avec une précision telle qu'on a l'impression d'avoir vu la scène. L'austérité du dispositif est largement compensé par une écriture au cordeau des interventions de chacun. Et en particulier celles de Goldman lui-même, orateur hors pair qui ne cesse d'interrompre les débats pour s'exprimer, contrariant ainsi régulièrement ses trois avocats et jetant son mantra implacable : "Je suis innocent parce que je suis innocent".

Et Goldman n'en démord pas, tout dans son procès, ses accusations, le comportement de la police à son égard sont pour lui le fruit de l'antisémitisme français. Et le film pointe également la fragilité du témoignage humain, la lenteur et la lourdeur de la justice qui s'étonne qu'en six ans les témoignages peuvent changer, être plus précis ou complètement contradictoires et offre, sans sortir quasiment de l'enceinte du tribunal une photographie de la France de ces années là.

Inutile de vous dire que c'est absolument passionnant. Qu'Arieh Worthalter incarne un Pierre Goldman incroyable, charmeur, irritant, tantôt plein d'assurance et provocateur, tantôt se posant en victime écrasé qu'il est par la figure héroïque de ses parents qui se sont distingués par leurs actions dans la Résistance au cours de la seconde guerre mondiale.

En cette année 1976, la peine de mort n'était pas encore abolie en France et sans quitter la salle du Tribunal le film rend parfaitement compte de l'atmosphère so seventies.

Coupable ou innocent ? La justice a rendu son verdict.

P.S. : ce film de procès est mille fois supérieur à un autre film de procès palmé. Les deux films ont en commun également Arthur Harari, co-scénariste de l'un, excellent comédien dans l'autre.

Commentaires

  • Bonsoir dasola.
    C'est LE film de la semaine.

  • Oui, très prenant ce film.

  • Ah, j'ai déjà beaucoup aimé anatomie d'une chute, alors hâte de voir celui-ci. Et merci pour toutes ces précisions, notamment sur l'un des acteurs qui est le réal de l'un des films les plus marquants que j'ai pu voir (Onoda) ! J'y vais ce soir !

  • Pour moi c'est bien meilleur que l'anatomie que je ne reverrai pas alors que j'ai très envie de revoir celui-ci que j'avais vu en juin.
    Ce personnage de Goldman est passionnant.
    Il est beau, il joue très bien Arthur, c'est un réalisateur formidable. J'ai hâte qu'il fasse son prochain film. Je l'ai entendu dire à France inter que ce n'était pas un film de procès.

  • Un film de procès trop focus sur le procès, c'est à dire qu'au vu du film autant voir un documentaire, je me suis cru dans un épisode longue durée de l'ancienne série tv "Tribunal" (1989-1994), seul point ça reste un miroir sociologique intéressant sur la France des années 68-75

  • Oui un film de procès focus sur le procès.
    C'était le but je pense.

  • Bonjour Pascale, peut-être en attendais-je trop mais j'ai trouvé le film un peu long et pas si passionnant que ça. Les acteurs sont bien mais ce n'est pas suffisant. Et quel est l'intérêt de mettre des "sosies" de Signoret et Debray dans la salle puisqu'ils ne jouent aucun rôle. Bonne journée.

  • Bonjour dasola.
    Oui ce n'est pas un film distrayant.
    Peut-être pour qu'on les reconnaisse. Il y a même le jeune Jean Jacques.

  • Encore un film porté par un acteur de talent, ici Arieh Worthalter. Quel contraste avec la prestation d'Arthur Harari, que j'ai trouvé assez mauvais en Georges Kiejman. (La scène du début est de loin la plus mauvaise du film.) Heureusement qu'il y a les seconds rôles pour relever le niveau.

    Sur le fond, c'est quand même plus un film de propagande qu'une œuvre historique. Cette fiction, tout comme l'engouement que suscite la sortie du film dans certains milieux de gauche, sont surtout révélateurs de l'aveuglement d'une partie de notre "élite" face à certaines postures révolutionnaires.

  • Arieh est formisable.
    Mais j'ai trouvé Arthur vraiment excellent, tellement bourgeois à côté de son client et toujours obligé de le recadrer comme un gosse. J'ai adoré.

    La révolution organisée par Goldman était quand même plutôt minable. C'était surtout un petit malfrat.
    En tout cas, cela m'a donné envie de lire son bouquin qui parait il est très bien écrit.

  • On suit le procès avec attention.. J'ai trouvé tous les personnages, des témoins aux différents avocats superbes.. Très beau travail de casting.. Ai pensé aussi aux familles des 2 pharmaciennes qui pour le moment ne connaissent pas encore la vérité !

  • Oui c'est très prenant et très réussi, ambiance, casting. Et ce doit être terrible de ne jamais connaître la vérité.

  • Une fois de encore, la vérité éclate au fil de ton article : ce film est très bon. Et pas seulement par la grâce de ses interprètes (Arieh Worthalter en tête, largement, avec la jeune femme "émotionnée" bousculée dans la rue si sûre d'elle quand elle désigne le coupable), mais aussi par l'apparente véracité de son dispositif de mise en scène. Le verdict étant connu, la vérité importe peu, et c'est peut-être tout le cirque autour qui intéresse Cédric Kahn avant tout. Et la manière dont les arguments se font face dans tout ce décorum improbable (ce public "participatif" qui hurle à tout bout de chant comme dans un spectacle de Robert Hossein). Et puis je n'ai pu me sortir de l'idée que tous ces déguisements seventies dissimulaient en réalité des problématiques bien actuelles.
    Tu ne m'as pas donné envie d'aller prolonger les débats chez Madame Triet.

  • Merci.
    C'est sûr que le gros barnum de ce procès a dû plaire au réalisateur. Pour avoir été jurée dans une cours d'assise, c'est saisissant de voir comment "l'ambiance" a changé. J'imagine qu'aujourd'hui la moindre manifestation est sanctionnée.
    Ah bon ? Tu n'as pas pas vu l'incontournable Palme ? Plus j'y pense plus je trouve ce film anecdotique dont le gros (seul ?) intérêt reste les scènes de tribunal. En même temps pour se faire une opinion, il vaut mieux l'avoir vu. Mais comme la réalisation l'apparente plus au téléfilm, cela peut attendre !

    P.S : et pendant que je te tiens, pourquoi as tu mis -chez dasola je crois, Niels Schneider dans le même panier de butors (voire plus) que Garrel le père, Depardieu le père aussi etc...
    Et quand je parlais d'acteurs que j'ai du mal à supporter je ne parlais pas de leur comportement avec les filles en général mais du fait qu'ils ou elles soient surestimé(e)s et que je trouve qu'ils ou elles jouent vraiment, mais alors VRAIMENT très mal (Olivia, William, Sandra... et celle que tu n'as pas trouvée A.... J....)

  • Je crois avoir vu passer une plainte à son encontre également, un de plus sur la liste. ça devient sacrément dangereux d'être acteur désormais. Et comment faire le tri dans toutes ces accusations dont certaines (Gégé, si tu m'entends) me semblent plus crédibles que d'autres.

    Ici aussi ça aurait pu faire téléfilm mais jamais on se le dit en voyant "le procès Goldman". Même le côté amateur des manifestants dans le public, assez grotesque il faut bien le dire, aurait pu faire toc mais ça ne m'a pas gêné (ma femme ne les a pas supportés par contre, ça lui a gâché le film). Je trouve qu'il y a un côté pittoresque assumé.
    En tout cas, Cédric Kahn sait y faire avec les affaires criminelles, après "Roberto Succo", déjà très bon, ce "Procès Goldman" ajoute sa pierre à son appareil judiciaire.

  • Il faudrait vérifier tes sources avant d'accuser. Je n'ai rien trouvé et je serais surprise de la part de Niels...
    Gégé par contre ne se rend même pas compte de ce qu'il fait. Sexuellement je pense qu'il ne peut plus faire grand mal à personne... mais ses mains baladeuses et ses exigences me paraissent réalistes et INSUPPORTABLES.

    J'ai beaucoup aimé cette "ambiance". ça m'a rappelé le Danton de Chéreau.
    L'aspect grisouille téléfilm eighties moustaches pattes d'éph' et gros foutoir dans l'enceinte du tribunal me semble voulu.
    Ce doit être compliqué les after séances de ciné chez vous :-) M'étonnerait aussi que Madame apprécie les filles qui se font torturer dans des châteaux.
    Dans l'Anatomie, les gros plans sur un robinet, une table, une chaise... me semblent beaucoup plus travaillés et donc l'aspect téléfilm totalement involontaire.

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