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ONODA : 10 000 NUITS DANS LA JUNGLE

d'Arthur Harari ****(*)

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Avec Yûha Endô, Kanji Tsuda, Yuya Matsuura

Hiroo Onoda rêvait d'être pilote d'avion. Un vertige incontrôlable l'en a empêché. Fin 1944 une vingtaine d'hommes et lui ont été formés aux techniques de la guerilla et sont envoyés par leur supérieur le Major Taniguchi sur Lubang une île des Philippines afin de retarder le débarquement américain. Onoda n'a alors que 23 ans.

Le Major lui promet : "ça prendra le temps qu'il faudra, deux ans, trois ans, mais nous reviendrons vous chercher". Sauf que ça ne se passe pas comme prévu. Après le débarquement des américains, seuls quatre hommes restent sur l'île et apprennent à survivre les armes à la main convaincus que la guerre n'est pas finie.

Malgré son nom à consonance nippone, Arthur Harari est 100 % français et, après un premier film remarquable Diamant noir, il propose un film de guerre sans guerre. Le plus inventif des scénaristes mériterait des louanges pour son imagination, sauf que l'histoire d'Onoda est vraie. Il a véritablement existé et il est l'un des plus célèbres "soldats restants", un "traînard" comme on appelle au Japon ceux qui ont continué la guerre après la capitulation d'août 1945. Onoda est resté sur l'île jusqu'en 1974, n'acceptant de la quitter que sur ordre de son supérieur qui heureusement, devenu libraire était encore en vie.

Ce film est un choc. Par son ampleur, sa beauté, son histoire incroyable, il est envoûtant, passionnant. Après avoir une énième fois entendu au générique l'étrange chanson à qui le Major incite à appliquer les paroles qu'on souhaite, on reste quelques instants cloués au fauteuil. A se demander comment qualifier ce que l'on vient de voir, un rêve ou un cauchemar ? En tout cas le film hante durablement et j'apprécie particulièrement cette sensation.

Comment un homme a-t-il pu être convaincu de son engagement pendant plusieurs décennies, refusant d'admettre que son pays ait pu capituler même lorsque des signes lui sont envoyés ? Des journaux, une radio, son père et son frère qui se déplacent et l'exhortent à revenir... rien n'y fait. Onoda n'y voit que manipulation et complot pour le capturer lui et ses hommes. Sachant que le plus jeune des 4 n'a pas résisté à la vie dans la jungle et s'est rendu aux autorités philippines.

Les soldats japonais ont un sens de l'honneur et de l'allégeance hors du commun. Les soldats blessés ou malades intransportables préfèrent qu'on leur laisse les moyens de mettre fin à leur jour plutôt que se rendre. Onoda pousse encore plus loin les limites en résistant coûte que coûte, tenant son engagement sans jamais se soucier des difficultés d'une existence désormais très compliquée. Sans abri, sans nourriture, les 4 hommes se transforment en véritables Robinson et font face à deux saisons très longues, une très sèche, une très pluvieuse avec la mousson qui cesse aussi brutalement qu'elle a commencé. Se construire un abri de fortune, se tresser des semelles de chaussures, recoudre ses vêtements, essayer de chasser et se confronter parfois aux habitants du village voisin qui ne voient pas leur présence d'un bon oeil. D'autant que les soldats commettent parfois des exactions.

Quelques rares moments joyeux viennent adoucir ce quotidien répétitif et sans surprise comme une baignade dans la mer. La camaraderie, les chamailleries, les bagarres rythment aussi cet ordinaire de la vie où la nature hostile et protectrice prend le premier rôle. Les ellipses pour marquer le temps qui passe sont fluides et nous font ressentir l'absurdité de la situation mais surtout le négationnisme maladif d'un homme qui s'enfonce doucement dans la folie tout en restant fidèle à sa mission singulière.

Les deux acteurs qui interprètent Onoda jeune et vieux sont époustouflants, mais c'est le visage fermé du second qui reste en mémoire. On ne peut imaginer quelle tempête bat sous ce crâne.

On ne voit pas passer ce récit fleuve de 2 h 45. On s'immerge dans cette folie, cette hymne à la vie, à l'instinct de survie et on absorbe, on est ébloui par les quelques scènes d'action mais surtout par le tourbillon d'émotions que nous font ressentir ces hommes perdus, obsédés par une guerre qu'ils ne font pas. Liés par un pacte d'obéissance absurde.

Un GRAND film.

Commentaires

  • Bonsoir Pascale, je confirme, un film remarquable et j'ai vu le vrai Onoda en photo grâce à Henri Golant. L'acteur lui ressemble beaucoup. Bonne soirée.

  • Bonsoir dasola. J'ai fait des recherches et je l'ai vu. En effet, très ressemblant. J'aimerais lire le livre.

  • C'est l'un des plus beaux films de l'année, reparti inexplicablement bredouille de Cannes, où il a été présenté (cette année) dans la sélection "Un certain regard".

    Dès qu'il débarque à proximité de chez soi, il faut se précipiter, parce que le sujet comme la durée (2h45) ont tendance à décourager les spectateurs... et à écourter sa programmation.

  • Oui, c'est incompréhensible.

    Je crois que nous faisons le maximum pour donner envie... Lire aussi chez Strum.

  • Incroyable en effet et quel film !

  • Pas vu, je ne suis à Paris que pour 3 jours cette semaine et je vais faire chauffer la carte UGC mais il y a de très bons films en salle en ce moment, et je suis déchirée ! Onoda est définitivement dans ma liste, surtout que je lis ta critique (et globalement tout le monde est d'accord).

  • Ce film est immanquable. Un des meilleurs de l'année.

  • Je l'ai vu, et heureusement car gros coup de cœur. Je me rends compte qu'il m'a marquée !

  • Les cinéphiles qui le manquent n'ont plus qu'à se mordre les doigts. Quelle expérience !

  • Celui-ci, je compte bien ne pas le laisser filer. Je me fie pour l'instant à tes étoiles et me garde la lecture plus tard.

  • Celui-ci est INDISPENSABLE.
    Strum n'a pas mis d'étoiles, mais je crois qu'il en aurait mis autant que moi et Henri Golant itou.
    Go.

  • Trop prises dans nos rôles de Mamie, mais on essayera de le voir !
    Merci pour cette belle critique

  • Si vous devez choisir, choisissez plutôt La loi de Téhéran. Un autre choc. Et puis ça vous rappellera des souvenirs :-)

  • Effectivement, ça valait bien deux heures trois quarts. Maintenant je n'ai plus qu'une idée en tête : voir "Diamant Noir".

  • L'idée est excellente. Mais évidemment les deux n'ont rien à voir.

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