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THE SUBSTANCE

de Coralie Fargeat °°

THE SUBSTANCE, Coralie Fargeat, cinéma, Demi Moore, Margaret Qualley, Dennis Quaid

Avec Demi Moore, Margaret Qualley, Dennis Quaid

LES LIGNES QUI SUIVENT SONT EXCLUSIVEMENT RÉSERVÉES À CEUX QUI ONT VU LE FILM OU N'ONT AUCUNE ENVIE DE LE VOIR (j'espère que vous serez nombreux dans cette catégorie) CAR JE CRAINS DE SPOILER ÉHONTÉMENT (le mal absolu).

Elizabeth Sparkle, ex actrice hollywoodienne oscarisée a jadis inauguré son étoile sur le Walk of fame.

Elle s'est reconvertie en reine de l'aérobic et son show télévisé hebdomadaire est un succès depuis des années. Le jour de ses cinquante ans le producteur de l'émission la convoque pour lui annoncer qu'à cinquante ans, c'est fini. Remerciée sans ménagement, Elizabeth déprime dans son appartement XXL jusqu'à ce que lui soit remis un document qui promet qu'essayer La substance lui permettra de devenir la meilleure version d'elle-même (plus jeune, plus belle, parfaite) dont elle a rêvé. Après hésitation Elizabeth appelle et se rend à l'endroit où le kit de rajeunissement lui sera livré chaque semaine. Un clic and collect plus tard, elle découvre les conditions à respecter impérativement pour que le processus fonctionne : ne pas se mouiller, ne pas s'exposer à la lumière, ne pas se nourrir après minuit...
Oops, excusez-moi je me suis emmêlé les pinceaux dans les instructions. Je reprends :  il faut impérativement rentrer avant le douzième coup de minuit sinon le charme sera rompu...
Ach, décidément je suis distraite...

J'y suis.

Les instructions livrées avec la substance sont :
VOUS ACTIVEZ une seule fois,
VOUS STABILISEZ chaque jour,
VOUS PERMUTEZ tous les sept jours sans exception.

Vous vous doutez bien que c'est la dernière directive qui va poser problème et il ne faudra pas attendre longtemps. Une seule permutation suffit à Elizabeth dans la peau idéale de Sue, pour ne plus souhaiter revenir à son état délabré et repoussant de femme de cinquante ans. Elle bidouille le processus. Cela fonctionne un temps.

Mais je vais trop vite, j'ai oublié de vous dire qu'après injection de la substance vert pisseux et fluo à la fois (une prouesse), Elizabeth accouche par le dos (il se déchire littéralement en deux) d'une créature parfaite qui est ensuite chargée de recoudre (à très très gros points) la plaie béante et sanguinolente, puis de se perfuser quotidiennement les poches de produit miracle. Gros plans insistants et répétitifs sur les aiguilles qui pénètrent la peau au cas où nous n'aurions pas compris le caractère toxico et addictif du bousin.

Nous nous retrouvons donc face à deux idiotes pour le prix d'une. On se demande laquelle est la plus narcissique, la plus stupide ? Déjà avoir une photo de soi qui couvre tout un pan de mur de son appartement démontre l'ego de la dame (si vous n'avez pas la réf. je vous file un coup de main : Dorian Gray, ça vous parle ?). Sans famille ni amis ni la moindre relation, j'ai d'abord cru qu'Elizabeth regrettait d'avoir perdu son emploi, sa raison de vivre. Il n'en est rien. N'ayant pas le commencement du début d'un centre d'intérêt autre que pour sa petite personne, elle ne fait que contempler les "dégâts" (relatifs, on est face à Demi Moore quand même) et se mettre à jalouser la perfection des traits, des formes et de la peau de celle qui n'est même pas son double, mais un autre elle-même. Incapables de cohabiter elles vont finalement s'écharper, s'entredévorer ne chercher qu'à se venger l'une de l'autre au lieu de s'unir. C'est d'une bêtise à pleurer ! Car parmi toutes les aberrations de scenario et alors que le principe de base (l'alternance) est qu'elles ne soient jamais en présence l'une de l'autre, elles le seront. 

Peu importe, on est pas à une anomalie près. J'ai trouvé ce film d'une bêtise à pleurer. La réalisatrice a d'abord cru qu'il resterait oublié sur une étagère (pensez donc, la subversion du machin, on n'est pas prêts) jusqu'à ce que ce foufou de Thierry Frémaux toujours partant pour une expérience et disposé à secouer la Croisette, s'entiche de la bestiole et lui donne une visibilité mondiale grâce au Festival de Cannes.

Ce qui me désole le plus est que la réalisatrice, elle-même comme son actrice principale très préoccupée de son physique et accro à la chirurgie esthétique (je l'ai entendue en interview, je n'invente rien) s'est beaucoup répandue avant la sortie sur le caractère hautement féministe de son film. Je suis toujours consternée de lire ou d'entendre ce genre de propos et qu'une fois encore on se serve du féminisme pour nous exhorter à apprécier le film comme un brûlot ou un manifeste ou la condamnation d'un fléau. Je suis sans doute trop premier degré et peut-être n'ai-je rien compris au message. Selon moi le film ne fait qu'exposer des faits : Elizabeth a été jeune et belle, elle veut le redevenir à n'importe quel prix mais malgré la progression dans l'horreur, jamais elle ne s'interroge. Evidemment c'est avant tout le regard des autres (le fameux regard des autres) et notamment celui des hommes qui rend ces filles dingues au point de mettre leur santé, leur équilibre mental et leur vie en danger. Il faut dire qu'ils sont gratinés ces hommes et Denis Quaid s'amuse beaucoup à jouer la caricature d'un sale type de producteur. Mais on peut regretter que de toute façon, en dehors de son physique Elizabeth n'est rien. Comme le film, elle est vide et creuse. Sa détestation d'elle-même ne provoque jamais ni l'empathie ni la compassion. On ne trouve pas une once d'humanité chez ces personnages. Et je suis vraiment consternée de découvrir deux femmes aussi bécasses qui d'ailleurs n'ont pas trois lignes de dialogues pour défendre le début du commencement d'un point de vue. C'est désolant de parler de féminisme alors que le film n'amorce pas le début d'une réflexion. On sort du film heureux de sortir de la salle et sans la moindre interrogation en tête.

Etant une femme (vieillissante certes, et pas ravie par cette perspective mais qui fait au mieux pour rester présentable (pour elle et pour les autres)) je ne me sens absolument pas représentée, défendue ou quoique ce soit d'autre par ce film et ces femmes. Et finalement la réalisatrice les punit. Mais les punir de la façon la plus horrifique qui soit, les faire disparaître, nous projeter à la face sa colère et des milliers de litres de sang, est-ce suffisant pour protéger les filles et leur expliquer comment agir contre la dictature de la beauté ?

Quant à la réalisation, elle est ostentatoire, clinquante mais moche. J'ai trouvé tous les effets plutôt laids : vues plongeantes, déformation des perspectives. Kubrick et De Palma se réjouiraient-ils des hommages appuyés et répétitifs à leurs films (2001..., Carrie, Shining) ?

Je terminerai par quelques approximations de scenario :
- une femme fait le ménage chez Elizabeth. On imagine sans peine que la star ne peut se livrer à cette tache dégradante. Dès "l'accouchement", on se demande qui peut bien nettoyer toutes les cochonneries (sang, fluide) qui traînent au sol. La femme de ménage disparaît et l'appartement reste impeccable.
- A aucun moment, il n'est question de paiement dans la transaction. La substance est-elle gratuite ?
- Dès que Sue est embauchée pour remplacer Elizabeth, elle précise qu'elle ne pourra être là qu'une semaine sur deux. Le producteur évidemment dit qu'il n'en est pas question. La première semaine où elle s'absente, personne ne s'en offusque ni ne lui demande le moindre compte. La réalisatrice impose des règles et ne les respecte pas.

La seule idée que je sauverai est cette étoile du Walk of fame qui se flétrit au fil du temps, à mesure qu'Elizabeth se transforme en monstre. Mais encore là, j'ai plutôt envie de relire Oscar Wilde (d'ailleurs tiens, oui, ça c'est une bonne idée). 

Last but not least comme dit l'autre, ce qui semble fasciner le plus la réalisatrice dans cette dégradation et cette perfection du corps, ce sont les fesses qu'elle filme avec une complaisance insistante et à de multiples reprises (permettant de constater que même avec le corps de Demi Moore, la fesse devient molle et flasque) qu'on ne pardonnerait pas à un réalisateur. Les seins ne l'intéressent qu'à deux reprises : une réplique masculine "si elle avait les seins au milieu du visage, ça irait", et lors de l'accouchement d'un sein (compliqué de vous expliquer cette horreur) et les rides encore moins. Mais le plus étrange finalement est que la réalisatrice semble considérer celles qui cèdent et abusent de la chirurgie esthétique comme de parfaites abruties, et ça c'est vraiment triste.

Je n'ai sans doute pas suffisamment de références en matière de films d'horreur pour juger celui-ci mais avec le peu que j'en connaisse (Carrie, Rosemary's baby, Les dents de la mer, La mouche... peuvent être considérés comme des chefs-d'oeuvre) je considère celui-ci comme un tout petit film d'horreur (bien gore) assez dégueulasse qui affiche beaucoup de prétention et aucun propos. L'écriture du scenario est d'une faiblesse redoutable que le prix obtenu à Cannes dans cette catégorie est une énigme.

Je ne suis pas complètement d'accord avec l'avis du Point (je n'ai pas été électrisée mais accablée par cette humanité désolante) mais il m'a amusée :

"Fargeat sature à mort la bande-son et, si vous êtes prêts et consentants à trente minutes ultimes dans le tambour de la machine à laver, le dernier virage vous électrisera autant qu'un tour de grand huit sous amphétamines. Dans le cas où, au contraire, vous seriez plutôt d'humeur Downton Abbey, un seul conseil : fuyez, pauvres fous !"

Commentaires

  • Je pense qu'on pourrait faire une lecture politique de l'engouement factice qu'a suscité ce film. Il est (un peu) à l'image de ce qu'ont proposé les démocrates à la récente présidentielle, aux États-Unis. "The Substance" est présenté comme un film féministe, alors qu'il perpétue, par sa mise en scène et ses choix scénaristiques, la domination sexiste qu'il prétend dénoncer. Il est coupé d'une partie de la réalité, comme l'ex-animatrice qui se morfond dans son luxueux appartement, pendant qu'une femme de ménage au physique moins avantageux que le sien effectue un travail beaucoup moins bien payé que celui des vedettes de télé. La réalisatrice ne fait rien de ce fossé qui sépare deux personnages féminins. (Au niveau politique, ce n'est pas tant Trump qui a gagné la présidentielle -il n'a quasiment pas progressé en voix, au niveau national- que Kamala Harris et son équipe qui ne sont pas parvenus à suffisamment motiver l'électorat populaire. Ils n'en ont pas moins été activement soutenus par la majorité des médias.)

  • Tu pousses un peu loin l'analyse mais je comprends ce que tu veux dire. Je ne mettrais pas de politique là dedans car je trouve ce film minable.
    Je suis entièrement d'accord avec ce que tu dis :
    "The Substance" est présenté comme un film féministe, alors qu'il perpétue, par sa mise en scène et ses choix scénaristiques, la domination sexiste qu'il prétend dénoncer."
    Ce film ne dénonce rien, il constate, il enfonce le clou et ce sont toujours les femmes qui trinquent. Elle est vraiment bête cette réalisatrice.

  • Je ne suis pas surprise. Je m'attendais à quelque chose de ce genre .. c'est triste de voir une jeune femme faire un cinéma aussi... aussi ... navrant est trop faible. Catastrophique et anti-feministe.

  • Moi je suis tombée de haut. Je ne pensais pas découvrir un film à ce point contre productif de ce qu'il prétend défendre (la réalisatrice se répand beaucoup sur son féminisme). Ce film est moche et con pour faire vite :-)

  • Une fois n'est pas coutume, je vais à l'encontre de ton avis... J'ai beaucoup aimé ce film, même les fesses de Demi Moore à 62 ans... Bon OK si j'avais été réalisateur, je n'aurais pas choisi cette fin, je ne serais pas aller vers le "monstre" à outrance... Je l'aurais fait différemment... Mais les deux premières heures, j'étais pris par l'histoire qui pose pas mal de questions sur le façon dont on se voit et comment on veut vivre (enfin pas tout le monde, moi par exemple, surtout pas je ne prendrais de cette substance, rajeunir non merci), non là, je ne regrette pas de mettre enfermé dans le noir d'une salle pour plonger dans cet univers certes très gore, sanguinolent à outrance, mais non dénué d'intérêt de mon misérable point de vue et personnelle opinion...

  • Tu as bien de la chance d'avoir trouvé que l'histoire posait des questions.
    Les fesses de 62 ans de Demi (qui devaient (les fesses) en avoir 3 ou 4 de moins lors du tournage car j'ai vu des masques sur des photos) sont très réalistes.

  • Il y a longtemps que tu n'avais pas mis de note aussi faible !!

  • C'est vrai. Je trouve ce film détestable. J'ai l'impression qu'aucune femme ne peut apprécier mais je me trompe sûrement.

  • Je comprends ton avis. J'ai entendu une critique ciné dire qu'elle en avait pleuré, que c'était l'inverse du féminisme. Pour autant, je ne suis pas d'accord, j'ai reçu le film complètement autrement. J'y ai vu deux monstres créés par une société patriarcale où les femmes sont perçues en termes de services offerts, notamment de sexualité. C'est du body horror de bonne facture, un film pop. Mais je comprends complètement les avis contraires. J'étais sans doute bien disposée à son égard.

  • Merci pour ta tolérance. J'ai trouvé ce film vraiment dégueulasse et moi aussi j'en aurais pleuré ou crié. Deux idiotes, victimes certes, des hommes, de la société, de tout ce qu'on veut et qui peut aliéner... mais consentantes et sans la moindre once de réflexion.

  • Pendant trois quart d'heure, j'étais prêt a batailler contre ton avis, plutôt séduit par la proposition (malgré les incohérences que tu pointes). Et puis bien vite, j'ai senti que ce film n'allait nulle part. Étais-je préparé à un tel étalage grossier de références ? Sans doute pas. Ce n'est ni féministe ni anti-féministe, c'est juste bête, creux et ennuyeux. Et alors, ça m'a semblé looooong jusqu'à la fin d'une débilité sans nom. J'aurais dû aller voir "Terrifier 3".

  • Pareil, j'ai bataillé ferme et j'ai fini par abandonner devant tant de bêtises et de grossièreté.
    En tant que femme je suis encore plus consternée devant ce spectacle. Elles ne font toutes les 3 qu'étaler ce qu'elles prétendent dénoncer. Il n'y a pas l'once d'une réflexion et encore moins d'une condamnation puisque ce sont les filles qui sont punies. La réalisatrice a peut-être des idées et des convictions mais elle me semble vraiment bête dans sa manière de nous les cracher à la gueule. Elle doit bien remercier Greta de lui avoir donné cette exposition pour que des andouilles telles que moi se déplacent.
    Terrifier ne doit pas mentir sur la marchandise mais l'intérêt de ces films m'échappent.

  • Exactement, au moins "Terrifier" ne trompe personne sur son contenu. Et puis, si on veut se faire plaisir avec un peu de gore, mieux vaut voir ou revoir la trilogie de Ti West (même si je sais que tu ne portes pas "Maxxxine" dans ton cœur non plus), autrement plus intelligente que ce salmigondis de références outrancières.
    Je ne blâme pas les actrices qui se livrent corps et âme à la réalisatrice et à ses idées farfelues.

  • Je ne risque pas de maventurer vers Terrifier et effectivement MaxXxine ne m'a pas fortement convaincue.
    Moi j'en veux aux actrices de jouer deux telles bécasses.

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