LA CHAMBRE DE MARIANA
d'Emmanuel Finkiel ***(*)
Avec Mélanie Thierry, Artem Kyryk, Julia Goldberg
En 1943 en Ukraine, la mère d'Hugo le confie à une amie d'enfance Mariana pour qu'il échappe à la déportation.
Mariana, prostituée vit dans une maison close dont la majorité des clients sont allemands puisque l'Ukraine est occupée. Elle cache le jeune Hugo qui a alors 12 ans dans un cagibi de 2m² qui donne directement sur sa chambre. C'est de cet endroit que le jeune garçon va imaginer ce qui se passe en écoutant les bruits et observer en lorgnant par quelques interstices. Pendant deux ans...
Le film est tiré de La Chambre de Mariana, le roman d'inspiration autobiobraphique d'Aharon Appelfeld décédé en 2018. Hugo, fils de pharmaciens aisés est complètement désemparé, on le serait à moins, autant par ses nouvelles conditions de vie que par le changement radical de situation. Régulièrement pour adoucir son quotidien, il convoque les fantômes de son passé heureux, symbolisé (jolie idée) par une chaise qu'il déplace au gré de sa volonté et de ses souvenirs. Ainsi il revoit ses parents, sa famille mais aussi sa douce amie avec qui il a échangé un baiser. Peu à peu les souvenirs s'estompent, Mariana et Hugo deviennent de plus en plus proches puis intimes.
Même si tout le film nous est conté du point de vue visuel, auditif et sensible de Hugo et que le jeune acteur Artem Kyryk (qui si j'ai bien compris est ukrainien (comme tous les autres acteurs, sauf Mélanie Thierry) et tourne ce film alors que son pays se fait envahir...) est formidable, passant de 12 à 15 ans dans une belle évolution, il "grandit" et laisse presque croire qu'ils sont deux à interpréter le rôle, c'est le personnage de Mariana qui fascine. Et surtout l'actrice qui l'interprète. Les superlatifs vont me manquer pour l'évoquer. Son incarnation de cette femme lumineuse et blessée va bien au-delà du fait qu'on oublie au bout de quelques secondes qu'elle est française tant sa maîtrise de l'ukrainien est bluffante. Elle passe constamment de la joie à la tendresse, de l'innocence à l'insouciance puis à la peur tout en gardant sa fraîcheur et sa vitalité. Elle rayonne, irradie et illumine le film.
Comme souvent dans ce genre d'histoires, nous rencontrons des "justes" qui comme Mariana risquent leur vie sans contrepartie. D'autres un peu moins justes qui font le bien par intérêt (scènes terribles où Hugo découvre les bijoux de sa mère adorée portés par une autre). Et les collabos, les traîtres, les salauds. Les russes succèderont aux allemands sans apporter l'apaisement... Avant cela et lors des rares fois où Hugo peut sortir de sa cachette, il observera par la fenêtre une rafle de juifs puis un charnier.
Le "couple" improvisé et improbable formé par cet enfant et cette femme protectrice la plupart du temps et parfois fragile parce que doublement menacée (femme et prostituée) est terriblement attachant et absolument bouleversant dans le dernier quart d'heure... Il faut toute la maîtrise d'une grande actrice exceptionnelle pour que la relation reste "pure" malgré les circonstances.
La plus belle image du film me semble être celle-ci. On dirait qu'elle lui demande pardon et que c'est finalement lui, l'enfant, qui la protège et la rassure. A vos mouchoirs !
Commentaires
J'espère y aller, malgré la longueur. Mélanie Thierry était déjà bluffante dans "la douleur", je guette ses apparitions.
C'est une actrice exceptionnelle je trouve qui choisit bien ses apparitions.
Mélanie Thierry est exceptionnelle, dans ce film.
Au moins pour elle et son engagement, un César, s'il vous plaît !
Le jeune Artem Kyryk m'a bluffé, lui aussi. Il VIT son personnage.
Je redescends tout juste de mes émotions. C'est du grand cinéma !
Et maintenant, tu devines ? J'ai envie de lire le livre, évidemment...
Elle ne devrait pas y échapper. Je trouve que c'est la meilleure actrice française actuellement.
Le petit est en effet impressionnant aussi.
Pas sûre d'avoir envie de le lire. Il faudrait que je le feuillette pour voir le style. Mais il paraît que l'auteur est (était) le plus grand écrivain en langue hébraïque.
Pour ce rôle, certains la comparent à Romy Schneider. Ou à Gena Rowlands.
J'ai entendu ça. Je trouve qu'elle a son style et sa personnalité bien à elle au contraire.
Un beau et bon drame, merveilleuse Mélanie Thierry, mais j'ai été un peu bloqué par l'enfant qui ne vieillit pas d'un iota en trois années à une péiode où les ados change le plus, et qui aurait accentué l'ambiguité de la fin
Je ne suis pas d'accord. Vers la fin j'ai cru que ce n'était plus le même acteur.
Mélanie : je n'ai pas les mots.
Je n'ai lu et entendu que des avis comme le tien. J'ai envie de le voir mais j'ai fait passer d'autres films avant donc pas sure de pouvoir le rattraper.
Un film très sombre vu par les interstices de la planque, illuminé par Mélanie.