TANT MIEUX
d'Amélie Nothomb
« Tant mieux : la version joyeuse du sang-froid »
Amélie Nothomb
Voilà, c'est fait. Je l'ai lu englouti, dévoré comme chaque année depuis... 33 ans !
On retrouve la plume délicate, incisive, précise d'Amélie.
Sa faculté (facilité ?) à aller droit à l'essentiel (d'où la brièveté de ses romans ?).
Sans descriptions interminables et fastidieuses, elle plante un décor, un personnage, une ambiance en quelques mots, en phrases courtes.
Tout y est, la cruauté atténuée par cette aptitude remarquable à être simplement, précisément factuelle, l'humour, même dans les situations les plus cruelles, les tournures de phrases admirables, le vocabulaire riche et érudit sans ostentation.
Et bien sûr le mot "pneu" indispensable et un autre tout aussi pittoresque : "maïzena".
Amélie est sans doute l'une des rares autrices (et j'inclus les auteurs), la seule peut-être, à écrire comme elle parle, si bien qu'en la lisant j'ai la sensation qu'elle me lit l'ouvrage à l'oreille.
Je le lui avais signalé un jour. Elle m'avait répondu : "cela prouve que c'est bien moi qui écris mes livres". Aucun doute.
Ce page turner ravira les fidèles et c'est "tant mieux" pour les autres, et bien tant pis...
L'histoire de cette mère adorée (que j'ai croisée sans savoir évidemment qu'il ne lui restait que quelques mois à vivre) est incroyable, parfois absurde, souvent effrayante. Amélie la déploie et nous laisse entendre que cette vie a réellement commencé lorsqu'elle a rencontré le père adoré.
Jusqu'à ce jour béni où il lui annonça :
"- Ma chérie, nous n'allons pas prendre tes parents pour modèle conjugal. Le mariage n'est pas la guerre. Nous allons être heureux.
Il tint parole".
J'ai adoré ce roman qui se situe néanmoins dans la veine autobiographique (celle que les "fans" préfèrent je crois) et j'ai trouvé les trente dernières pages absolument bouleversantes, peut-être parce que davantage universelles, qu'elles ont réveillé d'authentiques émotions...
Je me demande pourquoi j'ai retenu les larmes qui baignaient mes yeux à la lecture de ces phrases :
"Mon amour pour ma mère est de l'ordre du ravage : il n'y a pas de frein, pas de sagesse, pas d'équilibre."
"Je vis le lot commun, me voici orpheline".
Quelques autres citations :
"La haine ce n’est pas mon genre. J’ai essayé de tout mon cœur. Je n’y suis pas arrivée et je ne le regrette pas. Haïr sa famille ne résout rien et ne peut que porter préjudice à soi-même. Celui qui hait sa famille même pour les meilleurs motifs, finira par se haïr".
"Mes parents recevaient mille personnes par mois. Ce simple chiffre me rend malade. Moi qui ne reçois pas même une personne par an, je ne supporterais pas de subir l'invasion de mon périmètre par qui que ce soit".
"En 1992, j’ai publié mon premier roman. Les familles paternelle et maternelle se sont indignées. Mes parents, qui adoraient ce que j’écrivais, ont reçu des invectives du ban et de l’arrière-ban. On leur signifiait qu’il fallait qu’ils règlent ce terrible problème.
Mon père répondait qu’il m’admirait et qu’il était hors de question qu’il restreigne ma liberté d’expression.
La réponse de ma mère sidérait :
– Vous n’aimez pas Hygiène de l’assassin ? Je vous comprends. Personne ne voudrait avoir un Caravage chez soi.
Elle trouvait le moyen de se montrer conciliante envers nos détracteurs, tout en adressant à sa fille un éloge somptueux".