MARCEL ET MONSIEUR PAGNOL
de Sylvain Chomet ***
FRANCE
Voix Laurent Lafitte, Géraldine Pailhas
En panne d'inspiration devant la page blanche alors que le Magazine Elle lui a demandé d'écrire un feuilleton littéraire dans lequel il racontera son enfance, Marcel Pagnol voit apparaître le petit Marcel, l'enfant qu'il a été.
Dès lors un dialogue va s'instaurer entre l'adulte et l'enfant qui va l'aider dans sa rédaction.
Ceci est un film qui me semble tout à fait inédit et ne s'adresser qu'aux fans de la première heure. Dont je suis. J'ai tout lu, tout vu de Marcel Pagnol (ok, je me la raconte un peu). J'ai même parcouru d'Aubagne à La Treille tous les endroits emblématiques de l'oeuvre et de la vie de l'écrivain, cinéaste, académicien. Jusqu'à apercevoir avec une profonde émotion La Bastide neuve à peine dissimulée par la végétation. Il me suffit de lire ou d'entendre cette phrase : "Je suis né dans la ville d'Aubagne, sous le Garlaban couronné de chèvres, au temps des derniers chevriers", pour être instantanément plongée dans une profonde et douce mélancolie. Joie nostalgique et reconnaissante elle est prononcée dans le film ! C'est pour moi l'un des plus beaux incipit de la littérature française, bien supérieur à celui d'un autre Marcel par exemple : "Longtemps je me suis couché de bonne heure".
Le film déroule, pas forcément de façon chronologique, toute la vie, la carrière (surtout cinématographique), les amours successives, les amitiés du grand homme mais aussi développe son comportement exemplaire pendant l'occupation lorsqu'il résista à Alfred Greven. Admiratif de son travail, Président de la Continental la société de production à capitaux allemands, il voulait lui faire réaliser du cinéma de propagande nazie. La façon dont Pagnol réussit à contourner les exigences de cet homme est assez réjouissante à la fois cocasse et douloureuse.
Connaissant à peu près tout de ce que l'on peut savoir de la vie de Pagnol, je n'ai rien appris mais j'ai adoré me replonger dans toute cette période, assister à la création de ses films, apprécier la grande clairvoyance de Raimu (et ses coups de gueule aussi) qui au départ n'avait pas le rôle de César (mais celui de Panisse), sans éluder le côté séducteur de l'homme (qui aimait beaucoup ses actrices) et surtout insister toujours sur la présence essentielle, le fantôme omniprésent d'Augustine la jolie, douce et fragile maman morte alors qu'il n'avait que quinze ans.
L'image et les dessins sont magnifiques, les voix parfaites n'en font pas trop dans l'imitation (Laurent Lafitte est Marcel Pagnol) et l'idée d'intégrer des extraits de films à l'intérieur de l'animé (alors que c'est plutôt l'inverse habituellement) est vraiment formidable.
Un film où les fantômes ne sont que douceur et bienveillance. Hélas, je ne suis pas sûre que les plus jeunes se précipiteront pour le voir et "rencontrer" Pagnol car l'abondance de détails et de personnages risque de les perdre. Dommage.
Pour moi ce fut un beau voyage.
Commentaires
Voilà qui tombe à pic puisque je pars demain pour... Marseille ! Pas meilleur endroit pour voir ce film je pense.
Chomet avait célébré l'autre Marcel (dont tu parles) dans un précédent film (que je n'ai pas vu), et avant cela c'était Tati qui avait ses faveurs (je me souviens qu'il ne m'avait pas complètement conquis). Je suis moins bon connaisseur de l'oeuvre du Marcel d'Aubagne que tu ne l'es, j'espère ne pas être trop perdu (tu sembles dire que le film fourmille de références).
Si tu n'as pas de programme. Le "parcours" Marcel Pagnol est une pure joie. Et on visite des endroits inédits.
Tu risques de ne pas être perdu dans les réfs. qui sont très cinématographiques.
J'ai presque les mêmes souvenirs que vous. Les Souvenirs d'enfance, on les lisait le soir à haute voix, à tour de rôle, mon père, ma mère et moi, il y a... soixante ans (hier, ou à peu près), et bien sûr il y a des passages que je pourrais encore réciter.
"... une grosse tache d'encre. Elle éclata comme un soleil."