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ben kingley

  • HUGO CABRET de Martin Scorsese

    Hugo Cabret : photo Asa Butterfield, Martin Scorsese

    Hugo Cabret : photo Asa Butterfield, Martin Scorsese

    Hugo Cabret : photo Martin Scorsese

    Hugo Cabret a 12 ans et est orphelin depuis que son père est mort dans un incendie. Son seul héritage est un automate cassé. Recueilli à contre coeur par son oncle, un alcoolique qui vit dans les appartements de la gare Montparnasse qui étaient réservés aux employés et que tout le monde a oubliés, il devient son apprenti et répare toutes les horloges de la gare. Hugo suit du haut de ses observatoires la vie de la gare. Il aimerait pouvoir réparer son automate mais il lui manque une clé en forme de coeur. Il rencontre Isabelle, la fille adoptive du marchand de jouets de la gare qui justement possède une clé en forme de coeur. Isabelle est fantasque et rêve de vivre une aventure comme dans les livres romantiques qu'elle dévore. Hugo va lui en donner l'occasion en lui faisant découvrir le monde du cinéma.

    Dit comme ça j'ai l'impression que ça a l'air drôlement beau et tentant sauf que ça ne l'est pas. Il faut attendre plus d'une heure avant que l'histoire de Georges Méliès intervienne mais avant cela il faut se farcir celle d'Hugo dont on se fiche un peu, sa rencontre avec cette bêcheuse d'Isabelle et aussi pas mal de digressions répétitives sur quelques personnages sans couleur ni saveur qui peuplent la gare. Qu'a t'on à faire de cette dame qui passe sa vie au café avec son infernal chien ? De cette fleuriste qui n'a jamais un seul client et un étalage toujours plein à craquer ? De ce gros bonhomme idiot qui aimerait bien approcher la dame au chien ? Du flic qui fut orphelin et entend débarrasser la gare de cette vermine de petits moutards abandonnés ? Franchement : RIEN. Quant au vieux monsieur dont on saura rapidement qu'il est Georges Méliès, il est grincheux, injuste et pas attirant pour deux sous ! Tout comme sa femme !

    Que dire de la 3D ! Définitivement, je n'aime pas, même si c'est la première fois que j'ai l'impression de voir un film intégralement en 3D. Dans les autres films vus jusque là, il n'y avait que quelques passages "3déisés" qui n'apportaient strictement rien à l'affaire. Ici, j'ai d'ailleurs plutôt l'impression qu'elle dessert le film qui est du coup totalement dépourvu de passion et d'émotion et n'est qu'un empilement et une accumulation d'effets plus ou moins spéciaux (relief en premier plan, flou en arrière plan !). Evidemment, c'est rigolo lorsque la tête de Sacha Baron Cohen semble sortir de l'écran, c'est très joli de voir tous ces engrenages et ces mécanismes d'horlogerie, de les gravir à en avoir le vertige. Mais quand on a parcouru plusieurs fois les couloirs et divers passages secrets de la gare à toute berzingue sans qu'il y ait réellement de but et aucun suspens que reste t'il ? Pas grand chose. Comme a dit mon voisin de droite, on s'attend à tout moment à ce que Marty sorte un panneau : "regardez comme elle est belle ma 3D !"  Un mix entre l'univers de Tim Burton et Jean-Pierre Jeunet. Un Paris de carton pâte illuminé comme un sapin de Noël avec une musique omniprésente, envahissante et pourtant totalement dépourvue de lyrisme. En se concentrant sur son nouveau joujou et ses gadgets, il me semble que Scorsese en a complètement oublié son histoire et ses acteurs. Hugo/Asa Butterfield est insignifiant, Isabelle/Chloé Moretz exaspérante et Ben Kingley complètement absent. On en est d'ailleurs arrivé à se demander de quoi était constituée la carrière de cet acteur. La réponse a fusé : "Gandhi" et basta.

    Et pourtant, le réalisateur nous le répète à plusieurs reprises : "le cinéma est une fabrique de rêves qui se nourrit de nos rêves", et à ce moment là, on ne demande que cela, rêver ! Se souvenir pourquoi on aime tant le cinéma ! Et ça marche quelques minutes par ci par là, lorsque la vie de Méliès est évoquée en flash back. Comment il est devenu le premier grand réalisateur français alors que les Frères Lumière pensaient que le cinéma n'était qu'une invention sans avenir. Comment il a bricolé ses films dans son château au mille fenêtres. Comment il a inventé les effets spéciaux avec trois bouts de ficelle et ses talents de magicien. Comment il a conçu et réalisé son chef d'oeuvre "le voyage dans la lune". Comment la "grande" guerre a tout anéanti. Comment il s'est retrouvé ruiné et commerçant. C'est lorsque le film devient documentaire, que se succèdent les extraits des films de Max Linder, Buster Keaton, Charlie Chaplin, Douglas Fairbanks... que le coeur se met à palpiter en songeant à tous ces sorciers qui ont traversé le siècle pour nous éblouir et qu'on se prend à regretter qu'on ne vivra jamais assez longtemps pour voir tous les films. On est émerveillé, impressionné, enchanté que ce soit un américain qui se donne la peine de rendre un hommage à ce réalisateur français. On peut imaginer en Hugo Cabret le double du petit Martin Scorsese qui découvre le cinéma et que ça va bouleverser sa vie à tout jamais... mais il faut creuser !

    Au final, j'imagine que les enfants ne seront pas très emballés par les pas très trépidantes aventures d'Hugo et que leurs aînés cinéphiles resteront sur leur fin...

    Si malgré tout vous vous laissez tenter... essayez de retrouver Michaël Pitt et Johnny Depp qui apparaissent dans le film. Moi, je ne les ai pas vus. Par contre j'ai bien vu Marty Himself.

    A ceux qui ne l'ont pas vu à la télé, je recommande mille fois plus le magnifique et passionnant documentaire de Serge Bromberg qui passe dans quelques salles"Le Voyage extraordinaire" suivi de "Le Voyage dans la lune". Cet infatigable restaurateur d'images qui réalise des miracles nous avait déjà éblouis avec "L'enfer d'Henri-Georges Clouzot"

  • SHUTTER ISLAND de Martin Scorsese *****

    Shutter IslandShutter Island

    Le marshal Teddy Daniels débarque avec son nouveau coéquipier Chuck Aule sur Shutter Island qui abrite un hôpital psychiatrique pour dangereux criminels. Ils sont chargés d'enquêter sur la disparition d'une patiente, Rachel Solando enfermée pour avoir tué ses trois enfants, ce qu'elle nie. Quelques mots et des chiffres griffonnés sur un bout de papier sont les seuls indices qu'ils retrouvent dans sa chambre/cellule qui était verrouillée lorsqu'elle s'est échappée... Contraints de rester sur l'île car une violente tempête empêche tout bateau de les ramener sur le continent, Teddy va plonger au coeur d'une enquête qui va réveiller en lui un passé douloureux.

    Comment parler d'un film dont j'ai absolument tout aimé, sans l'abîmer, le trahir, n'en rien révéler, ne pas en dire trop mais suffisamment pour me libérer un peu de son emprise envahissante, exigeante ? Car oui, ce film est un film qui hante, envoûte, ensorcelle. C'est au-delà de la leçon de cinéma, bien plus et bien autre chose que cela. Il est un peu comme il arrive parfois, la justification ou l'illustration même qui fait que ma passion pour cet art qui fascine, trouble et protège ne faiblira pas.

    Dès la scène d'ouverture, il est impossible de ne pas être pris du même mal de mer que Teddy qui supporte difficilement la traversée mouvementée en raison de la tempête qui se prépare. En tentant de se raisonner lui-même "ce n'est que de l'eau... beaucoup d'eau", on comprend queTeddy est un homme fort, pour qui se maîtriser est essentiel.  Mais on comprendra encore bien mieux plus tard pourquoi l'eau l'effraie tant. Au début Teddy affiche une belle assurance, ainsi qu'une certaine prestance vestimentaire, exceptée une hideuse cravate (seule note "légère" de cette histoire) curieusement barriolée qui dépare un peu avec l'austérité et la fonction du bonhomme.

    L'arrivée sur l'île ne laisse pas l'ombre d'un doute : rien ne sera simple sur cette île. L'accueil tendu des gardiens armes aux poings, celui distant du directeur, la découverte de patients enchaînés qui se promènent, puis celle des bâtiments austères et imposants, tout sur l'île semble hostile. L'un des bâtiments est réservé aux femmes, un autre aux hommes, un troisième, juché sur une colline, le bâtiment C (un ancien fort de la guerre de sécession) auquel on ne peut avoir accès qu'avec une autorisation spéciale, aux malades particulièrement dangereux, et au loin un phare ! Le tout baigné d'une lumière grise, brune, verdâtre.

    Le marshal et son coéquipier vont rencontrer les dirigeants de l'établissement dont un mystérieux docteur allemand (Max Von Sidow), les soignants dont l'énigmatique psychiatre chef (Ben Kingsley calme et glaçant), les gardiens mais aussi certains patients suffisamment lucides pour être interrogés. Et cette affaire étrange de disparition inexplicable va faire ressurgir chez Teddy les souvenirs les plus traumatisants de son passé. Ancien GI (nous sommes en 54), il a participé à la libération du camp de Dachau en 1945. Les barbelés électrifiés tout autour de l'hôpital lui évoquent ceux des camps, la présence du docteur allemand le mène à la piste d'expérimentations médicales sur des êtres humains comme les pratiquaient les nazis. Des images insoutenables vont revenir lui marteler la tête de migraines insupportables.

    Le souvenir de sa femme tant aimée, morte dans un incendie, qui l'obsède et dévore ses nuits de cauchemars va encore ajouter au tumulte qui vrille son crâne et à celui qui s'abat au dehors sous forme d'incessantes trombes d'eau. Car la tempête se joue autant dans les esprits qu'au travers des éléments déchaînés.

    Je n'en dirai pas davantage car le Maître Scorsese nous embarque, nous manoeuvre et nous remue jusqu'à plus soif, nous inondant d'un flot incessant d'informations, d'événements et de rebondissements jusqu'à la dernière seconde de la dernière réplique.

    Alors laissez-vous gagner, emporter aussi. C'est tout le mal que je vous souhaite, car ce film est un torrent qui à la fois dévaste et comble l'appétit cinéphile. C'est de la maestria à l'état pur. On en rêve, Scorsese le fait. Ce film est une merveille incontestable et si je ne devais en retenir qu'une scène, je parlerai de celle incomparable où la caméra magistrale tourne autour d'un couple enlacé et en larmes peu à peu recouverts d'une pluie de cendres jusqu'à ce que la femme en feu disparaisse, se consume, laissant l'homme à jamais inconsolable. Une scène d'amour comme on n'en voit peu. INOUBLIABLE.

    Cet homme, cet acteur, ce prodige c'est Leonardo di Caprio qui souffre, s'enfièvre et s'affaiblit comme personne et comme jamais dans ce film, dans cette interprétation exemplaire qu'il porte haut, si haut, qu'on souffre, s'enfièvre et s'affaiblit avec et pour lui, jusqu'à la réplique finale. Un acteur prodigieux, remarquable dans un film exceptionnel.