CHICO ET RITA de Fernando Trueba et Javier Mariscal ***
A Cuba, la Havane un vieux cireur de chaussures rentre chez lui après une journée de travail dans les rues de sa ville. De sa radio qu'il allume immédiatement s'échappe les notes d'une chanson qui le ramène 60 ans en arrière. En 1948, Chico a remporté un concours en formant un duo avec Rita, lui au piano, elle au chant. Il se souvient. De sa rencontre avec la sublime et libre jeune femme. Les deux jeunes gens s'aiment dès le premier regard. Mais entre Chico, séducteur aux multiples conquêtes et la volcanique Rita, tout va rapidement se compliquer et malgré l'amour de la musique qui les rapproche un temps, ils vont passer leur vie à se perdre, à se retrouver pour s'éloigner encore. Rita devient une star à New-York puis à Hollywood tandis que Chico accompagne les plus grands artistes de jazz dans les clubs de Manhattan.
Baigné de musique au rythme latino, de grands classiques du jazz et du swing, ce film donne l'occasion de croiser Charlie Parker et Dizzie Gillepsie, l'envie de se trémousser sur un air de mambo, de samba ou de conga et de rêvasser en écoutant Rita nous sussurer ses langoureux refrains. Mais il s'agit aussi ou surtout d'un vrai mélo puissant et profond qui évoque l'amour unique de toute une vie mais parle également de racisme, de gloire, de solitude, et donne en 1 h 30 une véritable leçon : "Comment bien rater sa vie avec application". Car en effet, on peut dire que Rita et Chico ne sont pas très doués pour le bonheur et que malgré leur amour exclusif, sensuel et passionné, leur existence ne sera qu'une quête éperdue de la jeunesse et de l'amour.
Ce film est un pur bijou qui évoque à travers deux amoureux un peu maudit, l'évolution de la musique cubaine dont les grands musiciens ont quitté l'île pour venir jouer aux Etats-Unis et révolutionner ainsi le jazz. Les reconstitutions de La Havane et de New-York sont d'une beauté sidérante et la richesse des deux personnages principaux les rend inoubliables.
Un film d'animation d'une telle beauté et d'une telle tristesse est rare. Il est pour moi de la trempe de "Valse avec Bachir" et "Persépolis".