Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

le chanteur d'à côté

  • Alain Souchon ****

    Pour comprendre un peu d’où la peine d’Alain Souchon vient, il faut écouter son dernier album petite merveille plus « souchonienne » et mélancolique que jamais, mais il fallait aussi regarder l’excellent documentaire tout à fait inédit de Laurent Thessier diffusé sur France 3 : « Alain Souchon, le chanteur d’à côté ». « La Souche » s’y livre comme jamais et ce portrait très très intime qui fouille au plus profond des secrets enfouis et jamais révélés mais toujours évoqués dans ses chansons, révèle et confirme ce que je pense de lui depuis plusieurs décennies : au-delà des chansons qui bercent ou accompagnent le quotidien depuis longtemps c’est un type bien. Mais les fêlures qu’il confesse sont plus profondes et tenaces qu’on ne pouvait l’imaginer. D’une enfance étrange d’abord protégée auprès d’un homme qu’il appelle papa en toute sincérité, il se retrouvera à 7 ans rapproché de son « vrai » père qu’on lui avait toujours caché. Etrange façon dans une époque très « doltoïste » de traiter un enfant. Ce père il le perdra quelques années plus tard dans un violent accident de voiture ce qui le rendra « absent, ça m’a duré toute ma vie ». Et soudain des textes tel que « 18 ans que je t’ai à l’œil… t’es à Bagneux sous les feuilles… J’vais jamais t’voir, j’aime pas ça, mais j’te joue d’'lharmonicatu m’as manqué bien des fois, mais aujour’hui y’a chez moi, une petite boule blonde qui s’appelle comme toi ». Cette boule blonde, c’est Pierre, l’un des fils qu’on rencontre avec son frère Charles, tous deux en admiration devant leur père surdoué. Car c’est un surdoué Souchon. Il a un don, il écrit parfois en quelques minutes des textes que tout le monde connaît et où la « foule sentimentale » se reconnaît et entonne ces paroles lors des concerts où chacun est en harmonie avec cet homme charmant, charmeur, qui parle de toi, de moi, entre dans les maisons pour parler du quotidien.

    Mais aujourd’hui « Abandonné… le rêve de Martin Luther King, le monde a sorti ses revolvers et tout le vieux matériel de guerre » et c’est ce qui fait entre autre, pleurer Alain Souchon. Mais pas seulement, le temps qui passe, trop vite, les rides venues, la fatigue, le manque d’énergie « La vie est-ce que c’est con ou lourd » la vie qui va et la mort qui se rapproche toujours inéluctable, ça fait peur à Souchon. Mais il continue, solitaire, à marcher pendant des heures à la montagne cherchant ce qui peut se cacher derrière un sommet, parfois rien, ou au bord de la mer à Belle Isle où de jolies filles se baignent l’été et de vieux pêcheurs grognent de froid l’hiver, ou dans les bois à réfléchir aux mots et aux phrases qui lui viennent comme ça : « je n’ai pas mérité de savoir faire ça, je sais le faire ».

    Dans ce documentaire on voit ses fils, sa femme depuis toujours et parfois aussi il met la larme à l’oeil de le voir lui, si triste, si lucide, si inconscient, si spontanément et simplement surpris de son succès. Un homme sincère, cultivé et infinimement drôle même lorsqu’il parle de la pluie et du beau temps. Un homme qui nous ressemble et nous comprend.

    Mais les grands moments d’une intensité et d’une émotion sans pareil c’est Laurent Voulzy qui les procure ou plutôt cette relation qui les rapproche, les lie, les font fusionner, cette connivence, cette complicité au-delà des sentiments et de l’admiration, quelque chose d’énigmatique, d’insaisissable qui n’appartient qu’à eux. Plus qu’amis, plus que frères, une sorte d’union, un sentiment rare qu'ils ont inventés, qui n'appartiennent qu'à eux seuls, qui les élèvent l’un et l’autre, l’un avec l’autre et ces moments uniques et beaux étaient un épisode de télévision incomparable.