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le deuxième souffle - cinéma

  • Le Deuxième souffle d’Alain Corneau ***(*)

    Le Deuxième souffle - Daniel Auteuil

    Gustave Menda dit Gu, dangereux gangster s’évade après 10 années de prison. Il retrouve la femme qu’il aime et qui l’aime Manouche, certains anciens complices et avant de disparaître se laisse embarquer dans un dernier coup qui le mettra à l’abri du besoin. Ce dernier hold-up est une réussite mais les flics qui sont évidemment à ses trousses lui jouent un sale tour, le faisant passer pour une balance auprès de ses associés.

    Je commencerai par l’aspect le plus étrange du film… Le couple vedette n’est pas crédible. Non que Daniel Auteuil soit moins bon ou qu’il ne soutienne pas la comparaison avec Lino Ventura, il est même plutôt bon au contraire. Mais c’est insuffisant car il lui manque ce petit quelque chose inexplicable qui aurait fait de lui un bandit d’envergure, comme s’il n’avait pas le sacro-saint code de l’honneur du truand gravé dans l’ADN. Malgré toute l’application qu’il met à orchestrer devant nos yeux ébahis son suicide, qu’il tente de laver son honneur sali par la police et alors que dans ce genre de film on est sans hésitation du côté des truands, on n’arrive jamais à oublier quel salaud il est.

    Quant à Manouche interprétée par Monica Belluci, c’est vraiment la grosse erreur de casting. Dès qu’elle apparaît en caissière de restaurant, on n’y croit pas. Il aurait fallu une actrice qui ait ce mélange de gouaille, de classe et de fragilité que Monica n’a pas. Elle est trop forte, trop terrienne. Quant à son interprétation œil humide et diction approximative, on a souvent du mal à comprendre ce qu’elle dit. Pour finir, les voies de la décoloration m’étant impénétrables… je me demande quel est l’intérêt de se mettre un casque blond platine peroxydé sur la tête si c’est pour se laisser trois centimètres de racines noir corbeau. Jean-Louis David n’était pas libre ?

    Ces réserves qui auraient sans doute pu être rédhibitoires pour d’autres films n’empêchent pas celui-ci d’être une vraie réussite car il fait ressurgir toute cette époque du film noir et les silhouettes de ces héros perdus et magnifiques. Corneau la fait revivre en lui insufflant une étonnante modernité et en convoquant le savoir-faire, le lyrisme et l’emphase d’un John Woo (il ne manque que l’envolée de colombes…) lors de scènes admirables ; celle de l’évasion au ralenti, celle du casse millimétré, celle de fusillades où les personnages se jettent par terre, flingue tendu et meurent criblés de balles. La reconstitution d’un Paris de carton pâte aux rues pavées et humides, les éclairages aux néons vert, rouge ou jaune puis le ciel plombé et lourd de Marseille en hiver, les rendez-vous dans des endroits déserts, les planques sordides, les imperméables à ceinture et les feutres mous qu’on n’enlève que pour dormir achèvent de re-créer l’ambiance. La musique omniprésente colle aux images et mieux que des dialogues, les acteurs ont une véritable partition à se mettre en bouche et à nous restituer.

    Quant au reste du casting, c’est un sans faute et Alain Corneau a invité ici ce que le cinéma français a de « gueules » incontournables. Michel Blanc en flic obstiné et malin s’impose d’emblée dans sa première scène où il fait une présentation à la fois précise et hilarante des personnages en présence. Son admiration pour Gu, son attirance pour Manouche, ne l’empêcheront pas de mener à bien son enquête, imperturbablement. Eric Cantona, géant tout doux avec les amis, violent sans état d’âme avec les ennemis, parvient à être juste et touchant. Daniel Duval est évidemment plus que crédible en gangster à costume trois pièces. Philippe Nahon se régale une nouvelle fois en flic sadique aux méthodes de nazi. Nicolas Duvauchelle m’a fait penser au tout jeune Delon, chien fou parfois incontrôlable de « Mélodie en sous-sol ». Gilbert Melki semble savourer son rôle de trouillard et faux-cul. Quant à Jacques Dutronc, tout comme son personnage d’ex pointure du grand banditisme, il impose le respect malgré (ou grâce à) son jeu tout en retenue qu’il répercute avec grande classe, froideur et autorité. C’est lui qui, finalement, emporte le gros lot…

    Qu’on ne me dise pas que le cinéma français manque de souffle.