NOTHING PERSONAL de Ursula Antoniak ****
Film en compétition - Pays-Bas/Irlande
Festival International du Premier Film d'Annonay.
Une jeune femme triste vide son appartement en Hollande et part seule sur les routes d'Irlande et plus particulièrement dans le quasi désert du Connemara. Au hasard de son errance elle s'arrête chez un homme beaucoup plus âgé qu'elle, qui vit seul au milieu de nulle part. Il lui propose de la nourrir en échange de quelques travaux de jardinage et de ménage. Elle accepte à condition qu'il ne lui pose aucune question et qu'il n'y ait entre eux aucune conversation d'ordre personnel. Elle refuse même de lui révéler son prénom. L'homme accepte le "deal". La cohabition, l'intimité puis la complicité vont avoir raison des résolutions de ces deux solitaires misanthropes, excessifs mais brisés.
Dans une première partie quasi silencieuse mais stupéfiante de beauté en partie grâce aux paysages arides de la lande irlandaise incessamment balayée par le vent, on suit le parcours de cette sauvage qui semble ne rien craindre et n'avoir ni rien à perdre ni à espérer. On est "into the wild" en compagnie d'une fille d'une beauté renversante bien que sans artifice, mal coiffée, habillée de couches successives pour se protéger du froid, de l'humidité et sale, elle fouille les poubelles pour se nourrir.
La rencontre avec l'homme va encore ajouter du mystère à cette histoire qui en recèle déjà beaucoup. Car la réalisatrice non contente de nous plonger au coeur d'une étrange histoire avec deux personnages énigmatiques mais séduisants nous égare en chapitrant son film de titres qui n'ont pas forcément de rapport direct avec ce qui se passe sur l'écran : solitude, la fin d'une relation, mariage, le début d'une relation et seule.
Comme il n'est pas (toujours) nécessaire de comprendre tout d'un film pour l'aimer, de résoudre les énigmes pour en goûter le mystère, ce film s'inscrit au plus profond de soi. On le regarde le coeur serré sur ce qui est en train de naître à l'écran, qu'on imagine, qu'on anticipe, qu'on prévoit et qu'on finit par souhaiter... Les yeux sont grands ouverts sur la splendeur des paysages mais aussi goûtent la délicatesse et la sensualité de scènes de repas essentielles, d'une scène de danse et de beuverie inoubliable. Et la musique par intermittence vient remplir l'espace.
Ce "Nothing personal" est littéralement illuminé par deux acteurs absolument fascinants. D'abord Stephen Rea accomplit des merveilles en vieil ermite au charme démesuré. Mais surtout l'inconnue Lotte Verbeek qui ne se contente pas d'être d'une fraîcheur et d'une beauté rares, idéales mais compose un personnage d'une spontanétié, d'un naturel et d'une évidence folle qui la rendent irrésistible.
Un film d'amour hors norme et hors du commun.