MA SEMAINE AU CINEMA
I LOVE YOU PHILLIP MORRIS de Glenn Ficarra et John Requa ****
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I LOVE YOU PHILLIP MORRIS de Glenn Ficarra et John Requa ****
Anna et Vassili s'appliquent plusieurs fois par jour à essayer de faire un enfant. Elle est médecin dans un hôpital de Moscou, il est physicien. Tout serait relativement ordinaire pour ce couple amoureux si l'on n'était pas en 1952 et si Anna n'avait ce talent de magnétiseuse pour soulager ses patients de la douleur. Staline, malade, quasi mourant fait appeler Anna auprès de lui pour qu'elle le soigne. Comme un dernier tour de piste il va exercer sur elle son "pouvoir", s'appliquer consciencieusement à détruire sa vie...
Le tableau est assez fascinant mais hélas plutôt froid. Pourtant le parti pris de nous "montrer" la terreur exercée uniquement sur deux personnages et toujours dans l'intimité quasi claustrophobe d'un bureau ou d'un minuscule appartement est audacieux. Mais bizarrement on reste constamment à l'extérieur en contemplant les dégâts qu'un monstre abominable est capable de concevoir et de mettre à exécution sur deux êtres résignés par la force des choses. Evidemment au travers de ce couple il s'agit de l'expression de ce que ce "petit père du peuple" a pu infliger à tout un peuple mais on est quand même au cinéma et j'aurais aimé pouvoir m'attacher davantage à Vassili et Anna et détester encore plus Staline.
Alors, je vais me concentrer sur l'interprétation irréprochable de l'ensemble du judicieux casting. Les acteurs sont parfaits :
- Denis Podalydès en concierge veule et jaloux qui épie sa jolie voisine. Il met toujours ce qu'il faut de mollesse et d'obséquiosité pour rendre ses personnages grotesques, minables et antipathiques ;
- Edouard Baer en intellectuel dépressif, fataliste, un peu absent au monde qui survit uniquement grâce à l'amour qu'il partage avec Anna ;
- Marina Hands victime touchante et déconcertante, forte et fragile. Scrupuleuse et intègre dans son métier. Capable d'affronter seule l'ogre cannibale et d'envisager le pire pour y échapper ;
- et surtout évidemment André Dussollier époustouflant sous les traits et la carapace qui se fissure de Staline. Il livre ici une composition toute en finesse sans jamais rien forcer. Il joue uniquement de sa voix pour énoncer les pires horreurs parfois avec délectation. Lorsqu'il lit sans émotion à Anna le rapport qui détaille les conditions de détention et de torture de son mari, il semble y prendre un plaisir sadique. Lorsqu'il lui annonce avec malice qu'il a trouvé une solution pour qu'elle garde son logement... on croit réellement qu'il est capable d'humanité tant il se montre rassurant (je vous laisse découvrir et apprécier...). Lorsqu'il dit que toutes les personnes qui se prétendaient indispensables et dont il s'est débarrassé, ont prouvé depuis qu'elles n'étaient pas indispensables, on dirait qu'il jouit, mais sans plaisir ni même satisfaction. C'est ainsi. Pour lui, le peuple a besoin d'être aveuglé par des actions fortes.
Jamais il n'y aura la moindre complicité entre le tyran et ce médecin malgré elle. Il l'utilisera, la manipulera parfaitement conscient qu'elle n'a ni choix, ni alternative. Les dialogues admirablement écrits démontrent la folie, la démesure de ce despote qui faisait trembler tout le monde autour de lui. Anna lui dira timidement mais bravement qu'elle a envisagé de se suicider pour échapper à la torture ou à son exécution sachant que sa logique n'est compréhensible que de lui seul...
Rien que cette phrase : "Une seule mort est une tragédie ; un million de morts est une statistique" proférée par Staline prouve la barbarie du bonhomme. Mais j'aurais aimé "trembler" davantage...