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JUSQU'À LA GARDE

de Xavier Legrand **(*)

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Avec Léa Drucker, Denis Ménochet, Thomas Gioria

Divorcé depuis environ un an le couple Besson repasse devant le juge car le père jusque là au loin emménage près de son ex femme et souhaite une garde partagée pour Julien leur fils de 11 ans.

Leur fille Joséphine ne souhaite plus voir son père et puisqu'elle a 18 ans peut effectivement faire ce choix. Malgré la lettre de Julien produite à l'audience où il affirme clairement que ni lui si sa sœur ne veulent revoir celui qu'ils appellent "l'autre" parce qu'ils en ont peur, la juge tranche et accorde au père un droit de visite classique. Sauf que vivre quelques jours régulièrement avec son père rend Julien littéralement malade. Pris entre sa mère qu'il cherche à protéger et son père qui l'utilise pour s'en rapprocher le petit garçon ment et vit un véritable cauchemar chaque fois que son père vient le chercher.

En lisant les critiques et en entendant ce que j'ai entendu je me dis que je vais me faire lyncher en place publique de ne pas crier au chef d'œuvre ou simplement au meilleur film français de (presque) tous les temps. J'avoue que je me suis souvent prise à penser pendant la projection que j'étais devant un téléfilm à thèse pour feux les Dossiers de l'Ecran. Ce n'est pas forcément péjoratif car il y a d'excellents téléfilms à thèse. Mais je me demandais si ce film avait réellement besoin du grand écran.

J'ai trouvé qu'il y avait beaucoup de répétitions (le père et le fils dans la camionnette), une scène interminable d'anniversaire où il ne se passe quasiment rien et où l'on doit subir deux Castafiore qui massacrent intégralement Proud Mary de Tina Turner, d'autres incompréhensibles ou laissées en suspens (la fille Joséphine fait manifestement un test de grossesse), on n'en entend plus parler (son histoire manque d'ailleurs d'intérêt), l'attitude mi hostile mi énigmatique du petit ami, l'interprétation catastrophique de la Présidente du Tribunal du début (peut-être pour donner un aspect documentaire au film, alors qu'on sait que Léa et Denis sont des acteurs)... tout cela m'a gênée et m'oblige à dire que niveau réalisation et cohérence je n'ai pas été satisfaite.

Deux jours plus tard et après réflexion il me semble qu'il ne faut pas confondre un film et son sujet. Je pense qu'il est urgent de ne jamais passer sous silence le drame des femmes battues. Une femme meurt en France tous les trois jours sous les coups répétés de son mari jaloux ou simplement complètement con et 225 000 sont les victimes quotidiennes de ces violences. C'est répugnant, révoltant et je n'ai pas de mots pour m'indigner et vomir ces types.

A une exception près, le réalisateur a la décence et la bonne idée de ne jamais montrer ces violences. Elles sont hors champs et Myriam n'apparaîtra jamais avec des lunettes noires pour cacher des yeux au beurre noir et on ne découvrira aucune plaie lors d'une prise de douche voyeuriste. C'est l'une des grandes délicatesses et l'intelligence du film. D'ailleurs les agressions se sont passées avant l'histoire à proprement parler du film et c'est pour cette raison que le couple est séparé.

Il y a donc d'excellentes choses et notamment la tension permanente qui va crescendo. On ne sait jamais très bien si l'homme va s'en prendre à son ex femme ou à son fils. Sa colère rentrée est impressionnante et Denis Ménochet, interprète courageusement cet homme auquel il réussit à donner malgré tout beaucoup d'humanité. Il alterne les moments de tendresse où il appelle son fils "mon cœur" et ceux où il le rudoie sans ménagement. Une scène de repas chez ses parents suffit à comprendre, sans l'excuser pour autant, de quelle tendresse il a lui-même manqué.

Comme la plupart des hommes violents il attend un pardon, une rédemption et une seconde chance qu'il n'obtiendra pas. On imagine aisément les trésors de patience que sa femme a développés avant d'avoir le courage de quitter cet homme qui lui mène une vie d'enfer depuis la séparation. Face à lui, Léa Drucker, minuscule et frêle auprès de l'ogre, ne baisse ni les bras ni les yeux alors qu'elle doit trembler à l'intérieur. Sa force douce, son énergie, sa dignité, sa volonté inspirent le respect. Et l'on tremble encore plus lorsqu'elle esquisse un geste d'apaisement et de compassion envers son bourreau devant leur fils témoin d'une scène qui fait peur...

Entre les deux adultes, il y a un petit garçon extraordinaire qui protège sa mère sans lui dire jamais. Le petit Thomas Gioria est exceptionnel. Lors de la scène de la baignoire il m'a déchiré le cœur en deux.

Et puis il y a le dernier quart d'heure qui mérite à lui seul le déplacement bien qu'il soit une épreuve exténuante dont on sort complètement rincé. Les larmes ont jailli facilement et j'ai failli démolir le bras du fauteuil en m'y aggripant. Et comme m'a dit quelqu'un récemment : "ah oui donc à la fin de cette scène tu t'aperçois que depuis un quart d'heure tu es en apnée..."

Ce que Léa Drucker et Thomas Gioria... ou plutôt leurs personnages endurent là et font passer à ce moment est incroyable.

Commentaires

  • Je comprends.

  • Je suis d'accord avec toi pour la fille Joséphine, d'ailleurs moi j'ai eu l'impression qu'elle se cassait avec son petit-ami à la fin de la fête d'anniversaire mais on ne saura jamais :). Et effectivement reprise de "Proud Mary" pas réussie. Ce qui est bien réussi aussi dans ce film, c'est qu'au début avec le passage devant le juge on ne sait pas si le père est violent ou non et si la mère ne ment pas. Enfin je trouve. Le petit garçon est effectivement excellent.

  • Il devrait planer un doute au début effectivement... mais on m'en a tellement parlé que ça a cassé l'ambiance :-)
    La Joséphine : next.
    Il est incroyable.

  • Bonjour Pascale, je suis assez avec tout ce que tu écris. Tu viens de m'éclairer sur la scène dans les toilettes avec la fille et son test de grossesse, je n'avais pas compris. Je pense que le réalisateur a justement sacrifié la fille et son petit ami car ils sont relativement peu concerné par le drame qui est en train de se jouer. Pour la scène dans la baignoire, j'ai été tétanisée. Je me suis demandée jusqu'au bout ce qui allait se passer. Bonne après-midi.

  • Bonsoir Dasola.
    Il faut deviner et ensuite il n'en est plus question... Et oui, ce qui arrive à son frère et sa mère l'intéresse peu.
    Cette scène est incroyable, terrible.

  • J'ai beaucoup aimé ce film (la fin est tellement insoutenable que j'en ai pleuré) MAIS je suis d'accord avec toi sur le personnage de la soeur. Les gens sur Twitter n'ont pas compris ma remarque mais perso j'ai trouvé l'histoire du test de grossesse trop facile et inutile (visiblement c'est pour nous dire que ca crée du poids, de la peur, blablabla... mouais pourquoi utiliser ça, franchement ?, je comprends pas), puis ouais comme tu le dis, globalement, on ne se ressert d'aucune des infos sur elle, je ne trouve pas que son personnage et ses arcs narratifs créent de la peur, contrairement au reste. DONC ca fait plaisir de voir quelqu'un d'accord sur ce point !! :D

  • J'ai pleuré aussi. Cette scène peut paraître sadique mais elle est très réussie. Bravo à la voisine et au flic. Ils m'ont épatée.
    Tout ce qui touche à l'histoire de la soeur est inintéressant au possible. Et je ne comprends pas les explications des twittos.

  • On vient de le voir et on en ressort un peu deçus. La juge m’a paru mieux que ce que tu en dis. La fille ne fait pas 18 ans, elle joue mal et son personnage n’apporte rien. Bref tres moyen. Un téléfilm de 55 minutes aurait fait l’affaire.

  • Idem. Je ne comprends pas bien cet emballement général. J'ai même entendu "génial" à propos de ce film...
    Tant mieux pour le réalisateur qui va pouvoir continuer.
    Les 3 acteurs sont très bien.
    La soeur est catastrophique.

  • Pour info la chanson n'est pas une reprise de Tina Turner mais du creadence clearwater revival.... Et ça n'a aucune importance que l'interprétation soit bonne ou pas dans le film...

  • Tu as raison.
    Ça n'a aucune importance pour le film mais ça fait saigner les oreilles ce qui est d'autant plus regrettable. Cette loooooongue scène est sans intérêt.

  • je l'ai vu hier, mais contrairement à toi, je ne m'étais pas du tout renseignée sur le sujet, donc totale découverte et pas d'attente positive (je me méfie des palmarès des césars...) Je ne savais pas si on allait parler de violence conjugale ou d'une "femme fatale manipulatrice" qui affabule. J'ai trouvé que le film était traité comme un thriller psychologique. comme toi j'étais en apnée les larmes aux yeux pour la fin, même si on s'attend à ce dénouement, pour terminer sur un gros truc de suspense effrayant et pas juste : "rien ne change, elle n'est pas écoutée, voilà au revoir merci d'être venu voir ce film". Au fond c'est une fin positive : c'est grâce à cette extrémité que la femme va pouvoir être enfin tranquille...

  • Un an a passé depuis que je l'ai vu. Je me souviens de l'interprétation et de cette scène finale suffocante mais pour moi ce n'est pas un film exceptionnel. Le thème évidemment est révoltant.

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