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LA MAUVAISE RÉPUTATION

de Iram Haq ***

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Avec Maria Mozhdah, Adil Hussain, Rohit Sarf

Synopsis : Nisha est une jeune fille de seize ans qui mène une double vie. À la maison avec sa famille, elle est la parfaite petite fille pakistanaise. Dehors, avec ses amis, c’est une adolescente norvégienne ordinaire. Lorsque son père la surprend dans sa chambre avec son petit ami, la vie de Nisha dérape.

Et davantage que la vie de Nisha, c'est plutôt son père qui dérape. Cet homme calme et doux, prompt à inviter sa femme à danser le soir de son anniversaire (ce qui ne se fait pas, pour une femme évidemment, devant des invités), qui borde ses trois enfants, même le plus grand, chaque soir avant d'aller lui-même se coucher, se transforme brusquement en tyran violent et borné. Le petit ami est battu violemment et Nisha a beau se défendre et jurer qu'il ne s'est rien passé (la réalité), elle n'aura désormais plus droit à la parole. Le cauchemar de Nisha commence.

Tout s'arrangerait à peu près si les deux jeunes gens (le garçon est norvégien) acceptaient de se marier, ce qu'évidemment ils refusent. Ils ont 16 ans !!! Prise en charge un temps par les services sociaux, Nisha retourne finalement dans sa famille suite à l'appel rassurant et mielleux de sa mère qui lui dit de revenir. Sa famille lui manque et elle n'hésite pas un instant à y retourner, confiante.

Sans même qu'elle revoie sa mère, son père et son frère aîné l'emmènent en voiture, ne répondent pas à ses questions. Elle tente de s'échapper. Elle est vite rattrapée et sa stupeur est grande lorsqu'à l'aéroport, sans un mot, au bord de l'évanouissement elle découvre sur le panneau d'affichage "Islamabad"... Son père fait le voyage avec elle et la dépose dans sa famille qu'elle ne connaît pas, dans une petite ville perdue au fin fond du Pakistan. L'enfer continue.

Je n'ai eu aucune empathie ni la moindre indulgence pour tous les adultes de cette histoire effrayante. Même si dans la dernière image, la réalisatrice indulgente donne une image du père un peu moins détestable. Comment des êtres dotés d'intelligence et d'un embryon de cerveau peuvent-ils sombrer dans un tel obscurantisme et s'accrocher à des traditions ou coutumes d'un autre âge et qui n'ont pas la moindre justification ? Le plus souvent à l'encontre des femmes évidemment. Ma colère ne s'est pas calmée lorsque j'ai entendu un couple à la sortie de la séance dont l'homme disait que finalement les garçons étaient logés à la même enseigne !!! Il faut vraiment avoir de la boue (restons poli) dans les yeux pour dire de telles âneries. A un moment un jeune homme est présenté à une jeune fille via internet pour conclure un mariage arrangé. Evidemment les deux jeunes gens sont sous la coupe de leur famille respective, SAUF que le garçon sera médecin comme ses études pratiquement terminées le suggèrent, tandis que la fille devra arrêter ses brillantes études entamées car s'occuper du ménage et des enfants l'occupera suffisamment. No comment.

Vous l'avez compris, ce film est un cri de colère et de survie auxquelles la jeune actrice Maria Mozdah prête une rage tranquille mais obstinée. Comme vous pouvez le constater, il peut également mettre en colère de l'autre côté de l'écran. On en oublie presque la raison pour laquelle tout cela a commencé (autant dire aucune) tant l'horreur vécue par Nisha est insoutenable, malgré (bel effort) quelques tentatives de douceur, notamment avec des cerfs-volants.

Les amis de son père lui conseillent avec calme et douceur d'infliger à Nisha une peine exemplaire pour que l'envie passe à toutes les autres jeunes pakistanaises nées en Norvège mais de familles émigrées de se comporter comme elle. Il écoute ces doctes conseillers sans réfléchir un instant.

La famille de Nisha est écrasée, anéantie par la honte. Son honneur est perdu. Le titre original du film signifie "Que vont dire les gens". Et c'est bien cela et rien d'autre qui les torture. A ce titre la mère est encore plus intégriste : "on n'est même plus invités aux mariages !" Cette femme, encore plus rigide et fanatique que son mari, ira jusqu'à dire à sa fille "pourquoi n'es-tu pas morte à la naissance".

Au Pakistan, Nisha s'adapte par la force mais une fois encore, un flirt innocent donnera lieu à l'une des scènes les plus terribles du film (qui en comporte pas mal...). Nisha et son cousin sont contraints par des flics corrompus qui vont monnayer une vidéo, de se dévêtir complètement et de faire devant le smartphone ce qu'ils n'ont pas fait... Le père, de nouveau sollicité débarquera, son honneur de plus en plus souillé en bandoulière, pour remettre sa fille dans le droit chemin. Il lui proposera le suicide tant cette traînée lui a gâché la vie... ! Retour en Norvège. Le cauchemar n'est pas terminé.

Je vous laisse découvrir... Je suis sortie complètement sonnée, choquée, désolée de la séance, très impressionnée par ce film choc.

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Quelques mots de la réalisatrice qui explique qu'elle est issue d'une culture obsédée par l'avis des autres, où la tradition et le sens de l'honneur sont prédominants : "J’espère que le film permettra de comprendre le dilemme auxquels sont confrontés parents et enfants lorsqu’ils n’ont pas le sentiment d’appartenir au même monde. Je ne cherche pas à provoquer, mais à montrer une réalité. Je veux dire aux jeunes qu’ils ont le droit de conquérir leur liberté. Et dire aux parents qu’ils doivent entamer le dialogue."

La mauvaise réputation est directement inspiré du parcours de la réalisatrice qui, à l'instar de son héroïne, a été kidnappée par ses parents pour être envoyée au Pakistan à l'âge de 14 ans : "je n’ai quasiment jamais revu mes parents durant 26 ans. Ce n’est que lorsque mon père m’a contactée, parce qu’il était gravement malade, que j’ai pu renouer avec lui. Il m’a demandé pardon, ce à quoi je ne m’attendais absolument pas. Il a su que je faisais un film d’après mon expérience, et il m’a encouragée à le faire. On a renoué un vrai rapport. J’ai pu lui pardonner. Nous sommes vite redevenus très proches. Hélas, il est décédé avant que le film ne soit terminé."

Commentaires

  • Je n'aurai pas le courage d'y aller ; je n'en peux plus de voir ou lire l'ampleur des mauvais traitements réservés aux femmes. La réalisatrice a été bien bonne d'accepter de revoir son père ... bon, tant mieux si le père s'est rendu compte de sa cruauté et encore, j'aurais des choses à dire là-dessus, mais ce serait trop long. (as-tu reçu mon mail ? je ne suis pas sûre que j'avais la bonne adresse).

  • Je comprends. J'ai mes périodes aussi où je n'en peux plus de tout ça.
    Ce doit être parce qu'il a daigné la revoir après 26 ans qu'elle lui donne l'absolution dans son film. Les mères sont effrayantes aussi. Satisfaites de leur sort et elles veulent absolument que leurs filles aient la même. La seule différence : les familles viennent en europe pour faire des études. Mais une fois encore ça profite aux garçons.

    Je t'ai envoyé un mail il y a plusieurs mois et n'ai jamais eu de réponse non plus.
    Je viens de t'en envoyer un à l'adresse que tu mets dans les comms.

  • Un film important... que tu donnes envie de voir...
    Mais ai-je le cran ? Pas sûr. Merci, en tout cas, d'en parler.

    J'ai l'impression d'un "Mustang" en beaucoup plus sombre.

  • Bravo. Tu as le chic pour faire les rapprochements entre les films. Je n'ai pas ce talent.
    Mais au moins dans Mustang elles étaient 5.
    Nisha se bat seule. Il faut voir ce film. Pour elle. Pour la soutenir à notre toute petite façon.

  • Bonsoir Pascale, vu et approuvé. Un film qui me fait dire que les jeunes femmes européennes ont malgré tout de la chance de nos jours. C'est vrai qu'à une époque, les gens parlaient beaucoup du "quand dira-t-on". J'arrive à plaindre le père mais concernant les femmes, pas du tout. La mère d'un côté et la tante de l'autre sont à gifler. Les hommes à côté font soumis, ils obéissent. Le calvaire de Nisha est épouvantable, on sent qu'elle préfère son père à sa mère. Bonne soirée.

  • Bonjour dasola. On est d'accord ce film met en rage des 2 côtés de l'écran. Les femmes adultes sont prisonnières d'un système dont elles nont pas eu le courage comme Nisha de s'extraire. Je me demande même si elles ont l'intelligence de l'envier... Lorsque la tante fait ses courses à Islamabad c'est le moment où elle est encore plus détestable je trouve.
    Je n'ai eu aucune pitié pour le père "sauvé" in extremis par la réalisatrice. Sa violence soudaine est impardonnable. Et la pseudo soumission des hommes est un leurre. Ils laissent la parole à leurs femmes au moment de prendre des décisions mais ils prendraient la même c'est certain. Détestables.

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