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LE JEUNE AHMED

de Jean-Pierre et Luc Dardenne *

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Avec Idir Ben Addi, Olivier Bonnaud, Myriem Akhediou

Synopsis : En Belgique, aujourd’hui, le destin du Jeune Ahmed, 13 ans, pris entre les idéaux de pureté de son imam et les appels de la vie.

Je crois que cette fois ça y est j'ai atteint la limite voire l'overdose de films sur la radicalisation d'une brebis égarée. Sauf que face aux avis unanimement enthousiastes et parce qu'il s'agit des frangins Dardenne, je n'ai pas hésité un instant à aller voir ce film malgré le sujet battu et rebattu.

On reconnaît le style à nul autre pareil, quasi documentaire. Et bien que je n'aie pas revu depuis longtemps ce film, il me semble qu'on peut rapprocher le personnage d'Ahmed à celui de Rosetta  qui 20 ans plus tôt cherchait du boulot dans un monde en récession économique et ne s'octroyait qu'un plaisir : une gaufre au sucre. Les deux jeunes gens ont un autre point commun, une mère alcoolique. Sans vouloir jouer les devins et porter la poisse à un acteur en herbe dont je n'entends que des louanges... je ne prédirais pas le même avenir à Idir Ben Addi qu'à Emilie Dequenne toujours surprenante de film en film. Rosetta comme Ahmed sont mutiques, butés, moroses et grognons. Mais là où Rosetta parvenait à bouleverser, Ahmed ne m'a à aucun moment émue. Je vous invite à regarder les photos du film, sur Allociné par exemple, pour constater que l'enfant n'a qu'une seule et unique expression : fermée et boudeuse. Même lors des scènes où il s'agite et se révolte, rien ne paraît. Le masque. C'est peu pour exprimer la tempête censée submerger son crâne. Ou est-ce une volonté des frères de faire en sorte que cette inexpressivité plonge également le spectateur dans le doute : que peut bien penser ce jeune homme antipathique ?

Les réalisateurs suivent le gamin quasiment sur ses talons avec une caméra TRES mobile (attention au mal des transports) en longs plans séquences. Ok. Le film ne dure que 84 minutes (heureusement me permettrai-je) et l'on voit au moins 5 à 6 séances de prières, précédées des indispensables ablutions. A moins qu'il n'y en ait que 5 (je n'ai pas compté) pour bien nous rappeler que l'Islam impose 5 prières obligatoires chaque jour à ses pratiquants. Et compte tenu de l'intégrisme vers lequel s'oriente Ahmed, inutile de préciser que rater une des prières quotidiennes le rend hystérique (mais toujours éteint). C'est dans ce cas, et uniquement dans ce cas qu'il profère plus de quatre sons à la suite.

Les religions, j'en ai "jusque là" mais le cinéma traite mieux que personne les aberrations, mensonges, hypocrisies et superstitions qu'elles véhiculent et l'emprise qu'elles peuvent avoir sur des esprits fragiles. Je rate donc rarement l'occasion de tenter de m'éclairer sur le sujet. Je pensais que les Dardenne apporteraient un nouvel éclairage sur ce fléau de la radicalisation. Il n'en est rien et le film, en plus de présenter un acteur sans intérêt, possède deux handicaps : passer après un nombre impressionnant de films évoquant le sujet, en reprendre exactement les mêmes "ingrédients". Pour être parfaitement objective je dirai néanmoins qu'Ahmed, qui a treize ans, me semble plus jeune que les radicalisés des autres films.

Pour le reste, nous sommes face à un gamin qui vit dans une famille monoparentale (la mère est belge, le père (absent, mort ?) devait être musulman, avec un frère et une soeur. Il est le seul à pratiquer même si les autres membres de la famille respectent la religion. Il semble suivre une scolarité "normale", mais tombe entre les mains d'un imam, forcément jeune et charismatique. Menteur et manipulateur comme il se doit. Rien de neuf sous le soleil. La première "réussite" de ces types étant de parvenir en un tour de force qui mériterait presque l'admiration, de rendre les ouailles menteurs et manipulateurs. Alors qu'évidemment le mensonge est un péché capital. Ahmed est très doué et les scènes où il triche, ment et manipule se multiplie : celle où il se rend chez Inès (la jeune femme qui lui donne des cours du soir), celle où il récupère une lettre qu'il avait écrite à sa mère, celle où il prétend aller dire au revoir à sa copine à qui il en veut de lui remuer les hormones (là encore, à nous de deviner, car toujours rien ne se passe sur le visage impassible)... et j'en passe. Aucune surprise et à aucun moment on ne doute que Ahmed "joue" la réinsertion. En effet, le gamin plus radical que le plus fondamentaliste, pour une raison que je tairai se trouve pour un temps dans un centre pour jeunes en perdition et participe à un programme de réinsertion où il travaille dans une ferme. Là, encore on... J'AI eu du mal à comprendre comment la jeune Louise (très bien) si fraîche, si vivante, si sympathique pouvait accorder la moindre attention à ce garçon qui ne parle pas, n'exprime rien et est tout entier voué à son obsession : faire sa prière. Sans doute, les voies des ados étant impénétrables, y a t-elle perçu un quelconque mystère !

Vous allez me trouver dure avec ce film et sans doute trouver que je "juge" (le mal absolu) trop le personnage sans lui accorder la moindre chance. Pas seulement, l'acteur joue vraiment comme une patate. Et alors que j'entendais en sortant de la salle, des : "ah la la, ça fait réfléchir". Moi je pensais : "réfléchir ? Mais à quoi ?" Ahmed comme tous les autres radicalisés de cinéma, est entouré de personnes bienveillantes, patientes et attentives et n'écoute que la personne la plus tordue et hypocrite qui soit. Je comprends qu'un lavage de cerveau ne fait pas le poids face à la bienveillance mais j'attendais un traitement du sujet plus subtil de la part des frères Dardenne. Seul un choc violent, dans tous les sens du terme, semble ramener Ahmed à la raison et dans ce cas il appelle "maman", mais je n'en suis pas sûre.

Commentaires

  • Bonjour Pascale, on n'a vraiment pas les mêmes goûts sur certains films... J'ai trouvé que le gamin ne jouait pas comme une patate. Il est à gifler par instants mais bon. La fin ressemble à celle du Le gamin à vélo qui tombe d'un arbre. J'ai aimé ce film sans qu'il y ait à réfléchir. Il est endoctriné par l'Iman du coin et puis c'est tout. Bonne après-midi.

  • Bonjour Dasola,
    En effet, préférer ce film à Douleur et Gloire m'échappe totalement :-)
    J'attendais un autre traitement de la part des Dardenne.

  • Le gamin est obsédé par la pureté. Celle, rituelle, pratiquée avant le culte, déteint sur l'ensemble de sa vie. Est-ce que cela va le rendre heureux ou l'empêcher de connaître le bonheur ? Le film pose la question.

    J'aime que les Dardenne ne donnent pas toutes les réponses... et, surtout, qu'ils ne tombent pas dans les propos sociologisants qu'on nous sert parfois à propos des terroristes.

    Ce n'est sans doute pas leur meilleur film, mais, pour moi, c'est prenant, avec une montée en tension bien orchestrée. Quant à la mise en scène, c'est celle des Dardenne. Ils n'ont pas changé de style depuis leurs précédents films.

  • Il faut être extralucide pour trouver que ce film pose la question du bonheur.
    Comme tous les futurs terroristes de cette "mouvance", ils veulent plus que le bonheur : le paradis éternel.
    Pour moi c'est leur plus mauvais film. Je leur reproche de ne se démarquer en aucune façon des autres films traitant le sujet.

  • Le jeune Ahmed n'est pas (encore) un terroriste achevé. Il se pose des questions, en particulier quand il rencontre la fille de paysans, pour laquelle il commence à éprouver quelque chose... mais il lui faut faire coïncider cela avec ses nouvelles convictions intégristes. L'actrice qui incarne l'adolescente est de plus très bien, dans un film qui propose deux autres beaux personnages féminins : celui de la mère et celui de la prof d'arabe, toutes deux interprétées avec beaucoup de justesse.

  • J'ai bien vu tout ça.
    La jeune fille est vraiment très bien. Je me demande ce qui peut l'attirer chez ce mollusque. Ce sont ses hormones plus que la réflexion qui le travaillent.
    Pas encore un terroriste certes mais déjà capable de prendre des armes de fortune pour sen servir. De la bonne graine.

  • Je n'étais pas tentée du tout d'aller le voir ; de toute façon, je ne suis pas sûre que nous occidentaux, puissions approcher vraiment le phénomène de la radicalisation et cet attrait pour la mort ..

  • Avoir sa photo entourée de lumière, ça fait rêver manifestement.
    Des films sur la radicalisation j'en ai vus... ils te proposent au moins d'entrer en empathie avec les personnages (pas forcément le radicalisé). Ici c'est fanatisme contre bienveillance, point.
    Et hier les Dardenne ont dit que leur film était un hymne à la vie... Je creuse encore !

  • Le débat fait rage visiblement sur la question du traitement de la radicalisation par les Dardenne. Je ne me prononce évidemment pas, n'ayant pas vu le film (et si la caméra bouge autant que dans "Rosetta" je vais m'épargner un gros vomis en sortie de salle), mais je décèle une pointe d'agacement dans le traitement du personnage.
    Je m'en vais lire de suite ton avis sur le dernier Téchiné qui me paraît assez semblable pour voir si ton ressenti était le même. ;-)

  • Il fait rage où ? Ici ? Quand même pas.
    Je fais partie des rares (qui l'ont vu) et n'ont pas aimé.
    J'ai trouvé l'acteur catastrophique sans charme et vraiment mauvais. Ca fait beaucoup pour un seul homme.Impossible pour moi de m'y intéresser et de m'y attacher.
    Et la caméra m'a foutu la gerbe. Mais bon, ça plait puisqu'ils ont eu le prix de la réalisation...
    Et le film n'apporte strictement rien ni au débat ni à la réflexion.
    Les recruteurs savent qu'ils s'attaquent à des jeunes pas futés qui ne reviendront pas sur leurs certitudes sauf sils prennent un coup (très violent) sur la tête. C'est un peu court. S'il suffit de leur cogner sur la tête je veux bien filer un coup de main :-)

  • Alors là on a compris...c'est vrai parfois on sature de parler de ce sujet qui est pourtant très actuel. Si en plus le film n'est pas terrible et mal joué ! Du coup, on va peut-être s'abstenir !

  • C'est mon avis. J'ai du mal à comprendre pourquoi ils sont si contents de ce garcon.
    Quand ça joue si mal ça me gâche vraiment le film et lui il mérite un razzie.
    Mais lisez d'autres avis enthousiastes.

  • Je n'avais pas prévu de le voir pour le moment
    Mais les débats dans tes commentaires attisent tout de même ma curiosité et je me laisserai peut être tenter à l'occasion.
    Merci pour cet article bien piquant.
    Bonne semaine

  • Bravo pour ta curiosité.
    D'autant que jusqu'ici je me trouve être la seule a ne pas aimer.
    Même Inarritu à succombé.
    Et... bon courage :-)

  • Étonné de toute l indulgence dont les adultes entourent ce jeune après son acte terrible ! Est ce la réalité ? Le sujet m intéressait, après avoir vu celui avec Deneuve. Mais c'est vrai qu il y a une absence totale d'emotions et de sentiments chez le jeune Idir.

  • Ravie de ne pas être la seule...
    Une tentative de meurtre et il va garder des chevaux...

  • Ah ça traite donc de ça, je passe.
    Je passe sur tous les films sur ce sujet maintenant, il ne m'intéresse pas tellemnt et souvent ça n'évite pas les affreux clichés, j'ai l'impression qu'aucun réal ne comprend vraiment ce qu'il se passe avec ces jeunes de toute façon, et ne le retranscrivent pas très bien. J'ai gentiment zappé celui avec Deneuve d'ailleurs.

  • Oui je me souviens que tu n'en peux plus des films sur la radicalisation. Moi je crois que ça y est, celui-ci c'est l'overdose.
    J'attendais plus de subtilité de la part des Dardenne.
    Mais effectivement, il faudrait disséquer leurs cerveaux pour tenter de comprendre comment ils peuvent devenir aussi cons au point de vouloir tuer et se tuer !
    Je sais pas moi, face au désoeuvrement, au manque de repères ou d'affection... ils pourraient prendre un livre, dessiner, faire de la musique... Je suis con !

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