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L'OEUVRE SANS AUTEUR

de Florian Henckel Von Donnersmark ****

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Avec Tom Schilling, Sebastian Koch, Paula Berr, Ina Weiss

Synopsis : À Dresde en 1937, le tout jeune Kurt Barnet visite, grâce à sa tante Elisabeth, l’exposition sur "l’art dégénéré" organisée par le régime nazi. Il découvre alors sa vocation de peintre.

Dix ans plus tard en RDA, étudiant aux Beaux-arts, Kurt peine à s'adapter aux diktats du «réalisme socialiste». Tandis qu'il cherche sa voix et tente d’affirmer son style, il tombe amoureux d'Ellie. Mais Kurt ignore que le père de celle-ci, le professeur Seeband, médecin influent, est lié à lui par un terrible passé. Epris d’amour et de liberté, ils décident de passer à l’Ouest… 

Le film est proposé en deux parties que l'on peut voir à la suite, ou pas. Mais je ne vois pas comment, lorsque s'achève la première partie, ne pas se précipiter pour en voir la suite immédiatement. Ce que j'ai fait tant j'ai été happée par cette histoire, la petite qui embrasse la grande, ou l'inverse.

Lorsqu'elle commence, Kurt n'est encore qu'un enfant de 6 ans qui vit à une quarantaine de kilomètres de Dresde, ville '"indépassable" comme lui affirme Elisabeth sa jeune et très chère tante de 18 ans. Totalement exaltée, la jeune fille entraîne son neveu dans une exposition où les œuvres de Kandisky (entre autre) sont décrites par un guide idiot et compassé comme déviantes, dégénérées. Elisabeth glisse à l'oreille de l'enfant : "ne le répète à personne, mais ça me plaît". Avant de le ramener au domicile, elle lui offre une autre étrangeté, un concert de klaxons de bus qu'elle dirige elle-même... Puis elle lui donne ce conseil : "ne détourne jamais le regard. Ce qui est beau est vrai" (ou l'inverse...). L'influence d'Elisabeth sera déterminante tout au long de la vie de l'enfant même si rapidement elle en disparaîtra. Car la jeune femme au comportement étrange est vite considérée comme folle. Et ne pas répondre aux critères de race supérieure en 1937 vous exposait à faire partie, au mieux d'un programme de stérilisation pour empêcher que la tare se propage, au pire à finir dans une chambre à gaz. La réunion d'officiers nazis est un sommet terrifiant tant l'indifférence avec laquelle ces hommes profèrent des horreurs est glaçant. On a presque envie de les croire car ils ont une façon calme et convaincante d'affirmer que c'est rendre service aux malades, aux handicapés de les éliminer.

Le Professeur Carl Seeband (admirable Sébastian Koch), gynécologue émérite est chargé de régler le sort des jeunes femmes dont on lui soumet l'examen. Nous n'en sommes alors qu'au premier quart d'heure du film.

Et les 3 heures passent sans la moindre seconde d'ennui. Au contraire, l'intérêt va croissant et le réalisateur ne craint pas d'y aller à fond dans le romantisme et le romanesque sans perdre de vue la période qu'il dépeint pendant 30 ans. D'avant la Seconde Guerre Mondiale jusqu'à la construction du Mur de la honte Berlin, passant du nazisme au communisme, de l'Allemagne à la RDA pour finalement s'échapper à l'Ouest. Une fresque donc, avec des personnages complexes, attachants.

On reproche au réalisateur son académisme. C'est vrai que le film est "classique" dans le sens où il ne cherche qu'à être proche de son sujet avec le plus grand réalisme possible dans la reconstitution de l'époque. Mais que c'est bien fait ! Tout comme on lui reproche de ne s'intéresser qu'au sort des Allemands, les victimes contre les bourreaux, alors qu'il s'agit en grande partie d'une guerre mondiale. Mais comment en vouloir à un allemand d'évoquer exclusivement le sort de ses compatriotes ? Franchement ce n'est absolument pas gênant et peut-être a-t-on justement trop tendance à imaginer que pour les allemands, ce fut simple. J'ai au contraire apprécié de voir ce que les allemands seuls ont enduré. Les conséquences de cette période sur leur vie et sur les générations suivantes. Un personnage après la guerre, en quête d'un travail sera questionné sur son passé :

- "aviez-vous votre carte du parti ?",

- "Oui. Mais 75 % des allemands ont adhéré au parti nazi".

- "Et bien justement nous ne souhaitons travailler qu'avec le quart restant...".

Dans la seconde partie, on suit le parcours de Kurt qui souhaite devenir peintre, sa rencontre et son amour partagé avec la belle Ellie, portrait craché de sa tante adorée... Le Professeur quant à lui passe sans vergogne de l'uniforme nazi à l'idéologie communiste. Sauvé de justesse grâce à ses qualités de médecin, alors qu'il fut arrêté par les russes (je vous laisse découvrir cette admirable scène) il coule des jours paisibles avec sa femme (Ina Weisse, sosie de Cate Blanchett), sa fille et sa maîtresse. On se demande comment son odieux passé va finir par le rattraper. Là encore, pas un mot.

Quant à l'art il est toujours au centre du film. Toujours instrumentalisé ou détourné par les pouvoirs en place, voir les fresques gigantesques communistes balayées d'un coup de peinture blanche en est le moment le plus représentatif. Chaque idéologie politique se l'approprie, l'utilise ou le corrompt.

Mais Kurt cherche "son style" qui fera de lui un artiste différent. Son cheminement est passionnant à suivre jusqu'à ce qu'il trouve ce qui le distinguera des autres. Sa façon de s'approprier des photos, de les peindre en les rendant floues est absolument magnifique. Cela le rapproche inconsciemment et sans qu'il cherche à faire mal, vers son passé mais  aussi celui d'autres personnages qu'il a croisés.

Le calme et l'intelligence avec lesquels le couple accepte sa situation alors qu'il a dans son entourage proche un nazi, celui qui leur a fait tant de mal... force le respect. A aucun moment ils ne laissent transparaître la révolte qui les mine au fond d'eux. Tout juste Ellie dira-t-elle : "mais ne peut-il pas nous laisser tranquilles ?"

Une belle et grande tragédie, celle d'un pays et de familles, dominée par l'interprétation sans faille de Sébastian Koch fascinant, de Tom Schilling et Paula Berr, fragiles et déterminés. Magnifique.

Je n'oublie pas la musique signée Max Richter, absolument envoûtante.

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Commentaires

  • J'hésite à mettre les deux films dans ma to do, toujours un peu la flemme vu le nombre d'heures que a demande :(

  • Evidemment, je veux le voir (c'est la partie germanique qui parle). Malheureusement il n'est présent que dans très peu de cinémas et peu d'horaires. En ce moment, beaucoup de sorties, beaucoup de Spritz et du Champagne... il va falloir choisir ! ;)

  • Bonsoir Pascale, après le billet d'Henri Golant et le tien, j'ai décidé d'aller voir le film, les deux parties à la suite et c'est très bien en effet. Les acteurs sont tous bien dirigés. L'acteur qui joue le directeur de l'école d'art à Dusseldorf est extraordinaire avec son chapeau de feutre. Sinon, j'aurais bien aimé savoir si Seeband va connaître le même sort que son collègue. Bonne soirée.

  • Bonjour dasola. Quel film ! Une grande émotion de cette année pour moi.
    C'est marrant que ce personnage du directeur ait fait forte impression, il ne m'a pas impressionnée. Trop carticaturzl pour moi cet artiste torturé/engage. Je trouve cette espèce de détachement amnésique pour s'en sortir de Kurt et Ellie beaucoup plus fort. Et je ne parle pas du personnage fort agaçant du copain... qui plante des clous...
    Je pense que Seeband va finir par payer mais en effet on aurait pu montrer son arrestation. A moins qu'il ne s'échappe en Argentine avant...

  • Je ne sais pas trop ce qui leur a pris de couper le film en deux...
    On va dire que ça m'intéresse toujours, mais que ce ne sera pas facile de le voir !

  • Oui ça n'a aucun sens... Une petite fantaisie ! on se précipite pour aller chercher l'autre ticket.

  • Un bien beau tableau que tu brosses de ce dernier coup de patte du réalisateur de "la vie des autres". Je suis tenté, surtout qu'il y a Paula Berr, quand je croise son regard océanique, je sens monter en moi le chant du loup. :-D

  • Paula est en bonnes mains dans ce film et elle en est fort satisfaite :-)
    Quant au film, il risque de te faire grincher...

  • Pourquoi, elle reprend les Beatles ?

  • Non, par moments, elle s'habille.

  • Film magnifique.
    Je l'ai vu à Bruxelles en une seule projection. Étonnée d'apprendre qu'il passe en 2 parties . Un film que je conseille vivévent.

  • Je ne suis pas allée au cinéma depuis mon retour, mais là je sens que je vais faire un effort et me dépêcher avant qu'ils ne passent plus. La pluie arrive, ça va m'aider à franchir le pas :-)))

  • C'est un EXCELLENT choix.
    Tu arrivais à rester dehors par ce temps ?
    Il est vrai que vous êtes un peu épargnés par chez toi.

  • Tu rigoles ! Hier on est montés à plus de 40 à Rouen. Mais la mer n'est pas loin et j'y suis allée deux fois cette semaine. Il y fait un peu moins chaud et l'air est plus respirable. Le soir, il y a pratiquement toujours une petite brise très agréable. Evidemment, après, on rentre dans un four ...

  • Enfin sorti en France depuis le temps que je l attendais malgré la bouse précédente de florian.... Celui ci est du niveau de son premier film....
    Et pour moi ce que j'ai vu de mieux cette année suivi de très près par la palme d or de bong

  • Ah oui The Tourist... du mal à croire que c'était du même auteur.
    Celui-ci j'ai adoré aussi.

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