AFTERSUN de Charlotte Weiss **(*)

Avec Paul Mescal, Franckie Corio

Cet été là Sophie passe des vacances avec son père Calum dans un hôtel en Turquie. Ils ne font pas grand chose d'autre qu'aller à la piscine, à la mer, choisir un tapis, jouer au billard. Pourquoi cet été et pas un autre ? On ne le saura pas ou pas vraiment, ou alors faut-il décrypter les quelques images flash qui nous mettent sur la voie, ou pas. Alors il faut accepter de suivre les deux personnages et se perdre avec eux dans les bribes de souvenirs. Un père qui semble trop jeune pour avoir une fille de onze ans trop mûre pour son âge et qui refuse d'ailleurs de "jouer" avec les enfants de son âge. Il n'hésite pas à la laisser seule, à s'endormir dans la chambre fermée alors qu'elle est dehors. On craint un peu pour la petite. On a tort. Elle est dingue de ce père, pas vraiment comme les autres, un peu mélancolique, elle lui fait confiance. Alors c'est beau, touchant, un peu triste aussi sans qu'on puisse vraiment expliquer pourquoi. A cause peut-être de la scène de karaoké la plus triste du monde et qui ne se termine pas DU TOUT comme on pouvait l'imaginer ou l'attendre car la réalisatrice brouille les pistes. Alors est-ce autobiographique ? La réalisatrice se souvient-elle de ce début d'adolescence, de ce père tellement attachant, si proche et si lointain ? Le mystère reste entier et malheureusement, elle nous laisse un peu (beaucoup) en dehors de son histoire. Charlotte Weiss semble lorgner du côté de Sofia Coppola mais n'atteint que rarement la grâce vertigineuse de Somewhere (hasard ou coïncidence, les pères dans les deux films ont le poignet cassé...). Les deux acteurs sont en osmose c'est évident. La petite Frankie Corio est vraiment très bien. Et Paul Mescal (tellement émouvant, CRAQUANT dans la superbe série Normal people) est merveilleux de douceur et de mélancolie. Vivement qu'on se mette à ne parler que de lui.

................................

LA GRANDE MAGIE de Noémie Lvovsky **

Avec Denis Podalydes, Sergi Lopez, Rebecca Marder, Judith Chemla, François Morel, Damien Bonnard

Dans les années 20 dans un hôtel huppé des bord de mer, un magicien et son équipe de saltimbanques font disparaître une jeune femme. En réalité, Marta a profité de ce tour pour s'échapper d'un mariage devenu sinistre auprès de Charles, son mari lugubre et jaloux. Désorienté et sans vraiment réfléchir, le magicien-escroc remet une boîte au mari. Il lui assure que sa femme est à l'intérieur et qu'il ne doit l'ouvrir que s'il a enfin une confiance totale en elle sous peine de la voir disparaître à tout jamais. Les années passent...

Noémie Lvovsky adapte une pièce d'Eduardo de Filippo qui date de 1948 qui l'a "foudroyée" lorsqu'elle l'a vue. Elle dit : "J’ai été émerveillée, foudroyée par ce texte. J’assistais au spectacle quatre ou cinq fois. Je ne découvrais pas seulement le grand texte d’un auteur génial que je ne connaissais pas, je rencontrais un texte frère qui touche à mes croyances et à mes doutes les plus intimes, à mes angoisses, à mes espoirs, à mes besoins et à mes questions les plus profondes, à ma vision et à mon sentiment du monde." Vous l'avez compris, j'ai loin d'avoir été foudroyée par ce film gentillet et mignon dont la fantaisie est l'ADN. Pour étoffer un peu le "propos" peu consistant (Marta va-t-elle revenir ?) la réalisatrice glisse l'histoire d'une jeune fille cardiaque (Rebecca Marder, toujours épatante) qui s'amourache d'un garçon qui porte une attelle monumentale à une jambe. ça ne prend pas parce que le couple ne "fonctionne" pas. On n'y croit pas. On ne croit à pas grand chose d'ailleurs tant les rebondissements (le mot est fort) sont parachutés pour aboutir à une conclusion la plus cohérente possible...

Au crédit du film, mettons la joie des acteurs évidente et l'esprit de troupe manifeste qui règne sur l'entreprise. Et surtout, et c'est ce qui m'a enchantée, les scènes musicales où les acteurs se mettent à exprimer leurs sentiments et font progresser l'action (j'y vais un peu fort) en chantant et en dansant. C'est un peu de l'amateurisme (sauf pour Judith Chemla et François Morel qui savent chanter) mais j'ai trouvé ça vraiment très agréable. Et surtout la musique est signée de Feu ! Chatterton (Arthur Teboul a d'ailleurs un petit rôle) et puisque le film se termine par cette merveille, je suis sortie, des notes plein la tête.

Alors, dormez, rêvez...