THE LIFE OF CHUCK
de Mike Flanagan ****
Avec Tom Hiddleston, Chiwetel Ejiofor, Mark Hammil, Jacob Tremblay, Karen Gillan, Benjamin Pajak, Q'Orianka Kircher
Est-ce que (comme moi qui suis pourtant une lectrice du King) vous n'avez aucune idée de ce que cette Life of Chuck peut bien raconter (en dehors de la vie de Chuck... et encore !) ?
Si c'est le cas ne lisez rien (moi je ne vous révèle rien : promis !) car un des grands, immenses plaisirs de ce film tient à la découverte et à la surprise qu'il provoque. Je l'ai vécu comme une expérience totalement déroutante car j'avais la chance de n'en rien connaître. J'avais vu la bande-annonce qui pour une fois donne envie sans rien annoncer. Découpé en trois parties que l'on découvre à l'envers, le film commence par le chapitre III. Ce n'est certes pas le premier film à être présenté à rebours des évènements qui s'y déroulent, et c'est tant mieux. Dans un ordre différent, il perdrait sans doute de son charme infini. Finir sur la dernière image, la dernière réplique inachevée, exceptionnelles, de ce chapitre III aurait sans doute laissé le spectateur KO, inconsolable ou terrifié. Cette déconstruction permet de reprendre son souffle mais c'est certainement aussi grâce à elle que le film, tarabiscoté à souhait, d'une tristesse infinie et d'une joie communicative prend son ampleur, son envol, donne envie de rire et de pleurer.
Chapitre III donc, qui est le premier. Je n'en dirai rien. Et finalement rien de plus des deux autres chapitres. Chuck est le fil conducteur de tout qui se passe à rebours. Le film n'en est que plus fragile, incertain, ténu, puissant et fragile à la fois. En tout cas bouleversant mais sans effet de manche, sans qu'il soit utile d'appuyer lourdement sur les étapes de la vie qui mettent KO. Cette vie faite de quelques joies et d'inoubliables chagrins ("Il n'est pas nécessaire de le dire aux enfants...") que l'on traverse coûte que coûte, vaille que vaille. Je dirai simplement que le récit offre la possibilité de rencontres, comme pour un road movie alors que tout se passe au même endroit.
Je n'ai qu'un regret, que Tom Hiddleston, troublant de tendresse ne soit pas plus présent. Mais le casting éblouissant, des adultes aux enfants, offre tout son talent, son empathie, sa compassion à des personnages qu'on a envie de serrer dans les bras. Boire les paroles de Chiwetel Ejiofor (magnifique, rassurant) qui décortique la signification du Calendrier cosmique de Karl Sagan. En être rassuré ou épouvanté. Croiser une petite fille qui fait du roller. Discuter avec un vieux monsieur. Regarder s'éteindre les étoiles. Apercevoir sa grand-mère accablée de chagrin se remettre à aimer la vie. S'approcher d'une porte interdite et trembler. Et puis, écouter médusé sa prof de lettres (moment sublime) déclamer un poème de Walt Whitman alors que le reste de la classe n'en a strictement rien à faire et comprendre le sens de ces mots :
Est-ce que je me contredis ?
Très bien, alors je me contredis.
Je suis vaste, je contiens des multitudes...
Positif s'est ennuyé... c'est bon signe. Moi je dis merci ! Merci Chuck, pour ta douceur, ta résistance aux drames de la vie, merci pour cette danse improvisée en pleine rue, cette danse incongrue, inattendue, déconcertante, cette danse salvatrice, bienfaisante, joyeuse, merveilleuse, qui étonne, qui rassemble, qui pose sur le visage du spectateur un sourire un peu niais qui réchauffe le coeur et l'âme comme s'il suffisait de tendre la main et d'inviter une petite soeur à danser pour survoler tous les chagrins du monde. Merci pour cette danse de plus de cinq minutes sans doute, inoubliable, qu'on voudrait ne jamais voir s'arrêter tant elle nous convie à nous arrêter, profiter, sourire, tendre la main, aller boire un verre, aimer. Merci Mike Flanagan et merci Stephen King (je vais m'empresser d'acheter le livre) pour cette histoire et ces personnages pétris d'humanité qui donnent envie d'aimer la vie.
Un film merveilleux à plus d'un titre, surprenant, déroutant, qui a la grâce, qui fonce coeur en avant là où jamais on ne l'attend et nous susurre affectueusement à l'oreille que la vie est précieuse, unique, précaire et éphémère.
Commentaires
La dimension surréaliste m'a laissé sur le bord de la route, notamment parce qu'elle est mise en place de façon gratuite., mais c'est un film intéressant, c'est magnifiquement filmé avec quelques instants de grâce... Heureusement...
Moi je plane encore deux jours plus tard.