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LA DISPARITION DE JOSEF MENGELE

de Kirill Serebrennikov **(*)

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FRANCE - ALLEMAGNE

Avec August Diehl, David Ruland, Dana Herfurth, Johannes Hegemann

Josef Mengele, médecin nazi du camp d'extermination d'Auschwitz a réussi à s'échapper et vit dans la clandestinité en Amérique du Sud.

Contrairement à ses petits compagnons dont certains ne sont pas inquiétés ou à Adolf Eichman finalement capturé par le Mossad, Mengele réussit toujours à disparaître. C'est d'ailleurs l'arrestation d'Eichman qui le pousse, après l'Argentine à se réfugier au Brésil. Le film est l'adaptation du roman éponyme d'Olivier Guez Prix Renaudot pour cet ouvrage en 2017. Le réalisateur (russe) dit avoir voulu le réaliser en réaction au négationnisme dont il est parfois témoin, même de la part d'intellectuels.

On ne suit pas la traque, les "chasseurs de nazis" sont absents à l'image, mais la terreur de plus en plus croissante de Mengele dont le surnom d'"Ange de la mort" le fait hurler d'indignation. Il se réfugie de planque en planque sous différentes identités jusqu'à même finir par se faire appeler Dom Pedro. Il réussit à survivre grâce au soutien constant de sa famille restée en Allemagne et reçoit même la visite de son fils qu'il ne ménage pas.

Eu égard à la sinistre existence faite d'errance et de misère qui fut la sienne doit-on se réjouir que ce criminel de guerre, cette ordure ultime, n'ait jamais pu se confronter à la justice des hommes ? Manifestement le fait d'affronter des juges le terrifiait. Il fut un maillon essentiel et très actif de l'extermination des juifs à Auschwitz. Il était responsable de "l'accueil", du tri et de la sélection de ceux qu'ils pouvaient utiliser pour les expérimentations meurtrières qu'il pratiqua sur un grand nombre de détenus. Son intérêt pour la génétique le fit également commettre les pires exactions sur des sujets humains, russes, juifs ou roms et notamment sur des jumeaux qui le fascinaient.

L'une des scènes les plus évocatrices survient vers la fin lorsqu'il s'entretient avec un réfugié hongrois dont il partage la ferme où il travaille et couche avec sa femme. Leur conversation est saisissante. Les deux hommes se haïssent, se méprisent et Mengele vomit littéralement sa haine envers celui qu'il considère comme un gitan, un rom, lui qui fut également à l'origine du Pojramos, l'entreprise de persécutions et d'extermination des ethnies roms.

Alors évidemment il y a la scène problématique. Elle est problématique. Pendant huit minutes (les seules en couleur) nous sommes plongés au coeur du camp d'Auschwitch où Mengele et ses sbires accueillent tout sourire les nouveaux arrivants à bout de force et les trient sans ménagement. Ensuite, sans paroles mais au son d'un orchestre composés de nains costumés, des êtres humains sont étudiés sans le moindre égard envers leurs souffrances et leur dignité, puis assassinés et leurs cadavres disséqués. Le tout sous le regard d'une caméra alors que les expérimentations de Mengele n'ont jamais été filmées. Je ne parviens toujours pas à trancher sur le fait de savoir s'il faut ou non montrer de telles images ou les laisser hors champ, sachant qu'un peu plus tard Mengele énonce de vive voix à son fils certaines exactions commises. Notre imagination est largement suffisante pour nous représenter l'horreur. Alors, montrer ou pas ? Je ne sais toujours pas. C'est de toute façon assez insoutenable.

On peut par contre sans l'ombre d'une hésitation saluer la prestation exceptionnelle d'August Diehl qui a le courage d'interpréter ce salaud intégral. Méconnaissable et complètement habité il incarne la déchéance mais aussi l'obstination d'un homme ignoble qui n'a jamais renié ses certitudes en l'idéal d'une race aryenne supérieure destinée à régner sur le monde. Malgré sa disgrâce et sa lente décrépitude, l'interprétation de l'acteur ne nous le rend à aucun moment sympathique (oui parfois on s'attache aux ordures au cinéma) ou ne provoque la moindre pitié voire la compassion. C'est déjà ça.

Commentaires

  • Je n'ai pas trop envie de voir ça, puisque l'histoire, je la connais (un peu) et ne la nie pas (du tout). Le seul élément qui pourrait m'encourager, c'est précisément Augst Diehl, qui joue donc le pire des salopards après avoir joué Franz Jägerstätter.

    Respect absolu pour ces acteurs (allemands) qui se frottent à ce type de personnages et/ou font un tel grand écart. Il faut oser ! Et je crois que c'est un risque !

    T'en souviens-tu ? Comme toi, j'avais vu (et aimé) un film argentin qui s'appelle "Le médecin de famille".

  • August Diehl (que j'adore) est saisissant.
    Je ne me souvenais plus de ce médecin de famille interprété par un autre acteur courageux Alex Brendemühl (germano espagnol). Nous avions aimé en effet.
    Avec ce genre de film, je me dis toujours que les allemands d'aujourd'hui ont forcément encore tous un membre de leur famille ayant eu sa carte...

  • Oui, certainement que beaucoup d'Allemands avaient leur carte, à l'époque. Par conviction, pour certains, et par absence de choix, pour d'autres, je suppose. De même que bien des Français ont soutenu le maréchal Pétain, considéré comme le "héros de Verdun".

    Puisqu'on en est à parler de cela, j'ajoute que, de mon expérience, beaucoup des jeunes Allemands de ma génération que j'ai fréquentés ado avaient un gros syndrome de culpabilité. Alors qu'eux, pourtant, n'avaient vraiment RIEN qui puisse leur être reproché. Et ont pu être longtemps privés d'une partie de leur famille avec la séparation de l'Allemagne en deux (effective entre 1949 et 1990, pour rappel).

    Je dois reconnaître que ce sujet-là m'intéresse plus que Mengele. Sans nier la très grande importance de se souvenir des exactions nazies.

  • Je ne comparerais pas les nazis au régime de Vichy qui n'a pas été élu à 80 % des voix (même si c'était sous intimidation en Allemagne). Et je comprends la culpabilité des générations suivantes. On peut se sentir coupable d'actes qu'on a pas commis. C'est ainsi.
    Moi je suis tranquille, famille de résistants, déportés, patriotes, mon grand-père était président d'une fondation à la mémoire des déportés et a même une école à son nom.
    Moment de recueillement.

    La façon dont le personnage est traité ici est très intéressante. Gloire à August !

  • En novembre 1932, aux dernières législatives avant que Hitler soit nommé chancelier, le parti nazi avait de fait gagné les élections législatives, mais pas avec 80% des voix. Il n'avait qu'une majorité relative (loin devant les autres partis) : 80% de votants et 33% des sièges.

    Ensuite, il n'y eut plus d'élections libres... et ensuite, plus d'élections du tout, le parti nazi étant déclarée seul organisation politique légale en Allemagne.

    Tout cela nous éloigne un peu de l'Argentine, de Mengele et surtout du cinéma. Mon envie d'aller voir le film reste très limitée, je dois le reconnaître. Mais oui, gloire à August ! Je l'aii trop peu vu malgré une carrière XXXXXXL... mais il m'a convaincu à chaque fois !

  • C'est l'un des meilleurs acteurs allemands actuels.

  • J'étais sûre de ne pas y aller dès que j'ai entendu parler de la scène en question. Personnellement je pense qu'il ne faut pas montrer. Il me semble que le film est inspiré d'un livre d'Olivier Guez, que je n'ai pas lu "La disparition de Josef Mengele". C'est rageant que la justice n'aie jamais mis la main sur lui.

  • Il semblerait que montrer soit "utile" pour les générations nouvelles.
    Franchement je ne sais pas.
    Oui c'est bien tiré de ce livre (que je ne lirai pas).

  • Il me tente beaucoup malgré ta maigre note, mais comme tu n'avais pas aimé "la zone d'intérêt"...
    Par contre où le voir ? Aucune salle ne le programme autour de moi. C'est dingue (voudrait on nous cacher quelque chose ? Murmure le petit complotiste qui sommeille en moi). Je ne vais pas retourner à Paris spécialement pour le voir !

  • 2 et demi n'est pas si maigre. Disons que c'est en cours de régime.
    J'avais détesté la zone d'intérêt mais ce film n'a vraiment RIEN à voir même s'il commence par une joyeuse scène de baignade dans une rivière au soleil...
    C'est un film qui restera très confidentiel je pense mais la programmation chez moi est admirable.

  • Bonjour Pascale, je vais y aller demain soir dans une de mes salles de province. Je pense que c'est un film intéressant mais "clivant" comme on dit. Bon après-midi.

  • Bonjour dasola.
    J'attends ton avis. C'est éprouvant en tout cas.

  • Complètement d'accord, la scène problématique est problématique. Mais je tranche, on peut montrer mais pas dans ce film ! Pour moi le style, le genre, le scénario fait que cette séquence est hors sujet autant sur le fond que sur la forme, elle paraît si gratuite... Pour le reste c'est passionnant, historique valable de surcroît

  • Je suis d'accord. La scène tombe comme un cheveu sur la soupe alors que lorsqu'il détaille oralement les exactions à son fils c'est beaucoup plus évocateur.

  • J'ai été surprise. D'habitude le réalisateur met de la fantaisie dans ses films. J'ai adoré Leto ou la Femme de Tchaïkovski. Là, c'est dur, c'est âpre, c'est brutal. Josef Mengele est un personnage absolument détestable, qui chouine sur lui-même, je l'ai hais, qu'est-ce que je l'ai détesté. Je suis sortie en colère, je n'ai pas aimé le visionnage. Mais le film m'a remué alors c'est peut-être ça aussi le cinéma ? Et bizarrement c'est pas les séquences dans le camp qui m'ont bouleversée, c'est vraiment la manière dont ce type s'apitoyait sur lui et qu'il n'a jamais compris ce qu'on pouvait bien lui reprocher. Bref, August Diehl , incroyable interprête. Mais ce film est à part dans la filmo de Serebrennikov.

  • Tu as bien vu. Il n'a trouvé qu'injustice et incompréhension. Quel pauvre type ! En même temps quand l'autre abruti lui balance un Heil Hitler 20 ans après, il semble un peu surpris.
    August Diehl c'est comme Raphaël Personaz, j'en veux plus.

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