REBUILDING - UNE ENFANCE ALLEMANDE ÎLE D'AMRUN, 1945
Ces deux films ont en commun de parler de choses difficiles, profondes, tristes voire insupportables mais d'une façon douce, délicate et lente, très lente avec une sorte de contemplation de la nature presque mezzo vocce. Je serai brève, sans faire trop de bruit.
REBUILDING de Max Walker-Silvermann ***
ETATS-UNIS
avec Josh O'Connor, Megha, Fahy Kali Reis, Lily LaTorre, Amy Madigan
Dusty est accablé. Son ranch vient d'être anéanti dans un incendie qui a ravagé une partie du Colorado. Relogé sur un terrain où quelques mobil-homes ont été mis à la disposition des sinistrés par la FEMA (Agence responsable des situations d'urgence aux Etats-Unis), il a dans un premier temps du mal à réaliser qu'il peut compter sur son ex femme remariée, son ex belle-mère, sa petite fille Callie-Rose qui vient parfois passer du temps avec lui mais aussi sur ses compagnons d'infortune dans la même situation que lui. Complètement anéanti par l'évènement Dusty pense partir dans le Montana pour trouver du travail et tenter de "refaire sa vie".
Le très britannique Josh O'Connor plus taiseux que jamais traîne sa grande carcasse affligée parmi les arbres calcinés de son ranch. Il porte le stetson à ravir et semble avoir pris racine parmi ces grands espaces qui au-delà de la désolation offrent un spectacle exceptionnel. Il faut pour cela regarder plus loin que l'horizon. Il faudra du temps à Dusty pour comprendre que sa petite fille (merveilleuse Lily LaTorre pourtant attifée et coiffée comme l'as de pique) qui a toujours une lecture en cours et rêve de devenir cow-boy comme papa et à qui il croit ne rien pouvoir apporter, est un baume miraculeux sur ses plaies d'homme blessé. Du temps également pour ouvrir les yeux sur ce et ceux qui l'entourent aussi éprouvés que lui. Et comme l'aide de l'Etat est courte et éphémère découvrir ce que solidarité et entraide signifient.
Il y a du Chloé Zao et du Kelly Richardt dans ce cinéma élégiaque et doux où la nature donne et reprend, où la nature humaine (pas UN seul "méchant" ici) surprend, rassure et comprend. L'Amérique profonde n'est pas composée que de rednecks-maga-trumpistes mais aussi de braves gens qui ne veulent pas déranger, ont fait de l'empathie leur base existentielle et se bagarrent pour survire.
La forme est belle, le fond est doux. Un film rare.
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UNE ENFANCE ALLEMANDE - Île d'Amrun, 1945 ***
ALLEMAGNE
Avec Jasper Billerbeck, Laura Tonke, Diane Kruger
En pleine mer du Nord au large de l'Allemagne se trouve une petite île de 20 km² battue par les vents. C'est là que vit Nanning, 12 ans, avec sa mère enceinte de son quatrième enfant, son frère, sa soeur et sa tante. Cela se passe en 1945, Nanning a fait partie des Jeunesses hitlériennes et son père n'est pas encore revenu du camp où il est retenu prisonnier. Lorsque la capitulation de l'Allemagne est annoncée, la mère, littéralement transportée d'amour pour Hitler voit son monde s'effondrer. Elle a accouché et refuse de se nourrir anéantie par la perte du führer.
Nanning a entendu que le rêve de sa mère adorée serait de manger du pain blanc avec du beurre et du miel. Cette femme est pourtant capable de proférer à l'encontre de son fils des horreurs telles que "c'est à cause de gens sans courage comme toi que l'Allemagne a perdu la guerre" ! Mais Nanning, bien qu'affecté par la dureté de sa mère, va tout mettre en oeuvre pour trouver les trois ingrédients miraculeux et rares en cette période, qui lui rendraient le sourire. Pour cela le jeune garçon va travailler au champ, partir à la pêche, à la chasse et faire tout ce qu'il peut pour troquer, échanger le prix de son travail contre les précieux ingrédients.
On a du mal à croire que ce film de facture classique avec une image et des paysages d'une beauté idéale (malgré deux scènes de souffrance animale...) soit de Fatih Akin auteur du dégueulasse Golden glove mais aussi d'autres films plus fréquentables. L'histoire s'inspire de l'enfance de l'acteur et écrivain allemand Hark Bohm (mort récemment) fils d’un officier de la Wehrmacht. Et c'est une façon tout à fait originale de traiter des derniers jours du nazisme et de la perte de l'innocence d'un enfant sous la forme d'un conte. Sur l'île cohabitent difficilement des anti et des pros hitlériens et Nanning parfois rejeté finira par crier qu'il n'est pas responsable des actes de ses parents. Il représente à lui seul tout le poids de ce funeste héritage.
Le contraste entre la prise de conscience de cet enfant qui croyait, manipulé par ses parents et la propagande, en la grandeur du IIIème Reich, les atrocités de l'époque et la lumière qui baigne le film est un choix astucieux. Preuve qu'il n'est pas obligatoire de donner une apparence vert-de-gris à l'image pour traiter d'une période particulièrement sombre.
Le jeune Jasper Billerbeck dans le rôle de Nanning porte le film avec une grande justesse.




Commentaires
Tu me donnes envie de voir le premier.
Et je comptais bien voir le second. Le sujet de la culpabilité ressentie par les Allemands innocents m'intéresse depuis longtemps. Parce que j'ai côtoyé des Allemands de mon âge qui demandaient pardon et se jugeaient encore indignes d'amitié.