LE TEMPS DES MOISSONS
de Huo Meng ***(*)
CHINE
Avec Wang Shang, Zhang Yanrong, Zhang Chuwen, Zhang Caixia, Wan Zhong
Les parents de Chuang, 10 ans, partent dans le sud, le seul endroit où ils peuvent trouver du travail.
Le petit garçon est laissé chez ses grands-parents à la campagne dans une maison ouverte à tous vents même l'hiver, où sont également rassemblés tous les membres de la famille élargie du dernier nouveau né à la plus âgée de 91 ans. La vie est rude encore dans la Chine rurale de 1991 et on a l'impression d'être au XIXème siècle. Au rythme des saisons, des semences aux moissons, à la rudesse de l'hiver, Chuang observe la vie qui s'agite autour de lui traversée de funérailles, de naissances, d'un mariage et d'un travail éreintant. Ses parents lui rendront rarement visite et ne s'occuperont que de l'exhorter à cesser de faire pipi au lit. Heureusement, le gamin peut compter sur celle qu'il appelle tantine, une douce et aimante jeune femme qui rêve d'ailleurs et de liberté mais connaîtra un bien sinistre destin. Tandis que tout le monde s'affaire toujours bruyamment, les hauts parleurs ordonnent plus qu'ils n'invitent chaque femme à se présenter au Planning familial afin que soit contrôlé qu'elles ne sont pas enceintes. Quant à Chuang, il est un des rares à savoir lire et écrire. L'instituteur a remarqué ses capacités et lui offre des livres qu'il dévore.
C'est le premier film de ce réalisateur qui sort en France et il est magnifique. Visuellement. Sur le fond, le réalisateur semble vouloir absolument tout dire de cette période révolue avant l'essor de la mécanisation. Ici encore tout s'effectue à la main et en voyant arriver quelques engins motorisés les paysans imaginent que la machine va leur prendre leur travail. Pourtant parfois, certaines femmes pleurent d'épuisement face aux taches harassantes. Tout comme elles pleurent encore plus fort lors des enterrements. C'est toujours bruyant, il y a toujours du monde à l'écran et en voulant traiter de tous les thèmes qui l'occupent le réalisateur s'égare un peu. Il traite de l'exode vers les villes, du poids patriarcal que subissent encore les filles (une vieille dame n'a même pas reçu de prénom à sa naissance : "on m'a toujours appelée la 3ème" dit-elle), de mariage arrangé (avec un étrange rituel qui voit la jeune mariée (non consentante) se faire bousculer brutalement par les jeunes garçons de son âge (ce qui les amuse beaucoup, mais ils sont les seuls à rire)) de l'école surpeuplée, de l'absence de tendresse malgré une grande solidarité familiale, de l'handicapé qui dérange (car il ne sert à rien) constamment battu comme plâtre par ses parents désolés... cela fait beaucoup. Même si l'on comprend qu'il ait voulu nous offrir un instantané le plus exhaustif possible de cette vie difficile, il nous éloigne un peu du ressenti de son petit héros (dont on comprend au générique qu'il s'agit du réalisateur lui-même) qui s'adapte comme il peut. Mais on lui pardonne car son film fresque est d'une grande beauté dont on sort sidéré de découvrir un mode de vie invraisemblable et pourtant pas si ancien.
Ours d'Argent de la mise en scène à Berlin bien mérité.
