Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

anisia uzeymanplus

  • AUJOURD'HUI de Alain Gomis ***

    Aujourd'hui : affiche

    Satché va mourir aujourd'hui. Il doit mourir. Les esprits sont venus le prévenir, ils viendront le chercher et il sait que ce soir il sera mort. Le premier moment de stupeur passé, Satché sort de sa chambre hébêté, abasourdi et découvre toute sa famille et ses amis réunis. Son père est triste mais fier de cet honneur. Son fils est un peu comme l'élu aujourd'hui. Sa mère est effondrée mais lui murmure "n'aie pas peur mon fils, n'aie pas peur". S'ensuit une étrange cérémonie autour de Satché, muet, à la fois troublé, satisfait puis déconcerté. Car les éloges font place aux reproches et Satché quitte la maison pour un dernier tour. Tout son quartier l'escorte en fanfare et lui offre des cadeaux, jusqu'à la lisière de la ville où il s'éloigne accompagné de son meilleur ami. Il va rendre visite pour un dernier adieu pas forcément chaleureux, à sa maîtresse, ses amis, à un vieux sage qui se chargera de sa "toilette"...

    Avant toute chose, ne pas chercher d'explication, la mort de Satché est inéluctable. Point. C'est le périple pour y mener qui est fascinant. Saul Williams n'est pas acteur, c'est un rappeur. Je ne le connaissais pas. Mais son beau visage est inoubliable et étant donné sa spécialité, il doit être un tchatcheur de première. Sa prestation est d'autant plus louable qu'il est ici pratiquement muet. Il encaisse tout. Les éloges avec un pudique sourire, les reproches avec un étonnement attendrissant.
    Et il traverse cette ville grouillante, agitée, fourmillante qu'est Dakkar, comme on traverse une vie. ( Et quel bonheur de voir une ville d'Afrique où des filles sexys, modernes, aguicheuses se promènent en ville en toute liberté !)
    Satché passe par toutes les émotions qu'on éprouve dans une vie. La plus spectaculaire étant pour moi celle où, brusquement pénétré par la peur ou l'angoisse ou l'appréhension de mourir... ses jambes ne le portent plus. J'ai vu ce film il y a plus d'une semaine... j'ai encore devant les yeux l'image de cet homme dans la foule dont les genoux fléchissent jusqu'à le faire défaillir. Très fort.

    La force des images, de l'agitation (Dakkar est en pleine mutation), l'idée que cet homme jeune va mourir, l'émotion que cela suscite, n'empêchent pas le réalisateur de nous proposer une scène burlesque, absurde. Satché se rend en retard à la cérémonie organisée en son honneur à la Mairie. Tous les invités sont partis. Il ne reste que les dignitaires embarrasés par cet invité improbable dont ils ne savent que faire ! Pathétique et tordant.

    A l'issue de ce périple, Satché rentre chez lui. Sa femme le repousse, évidemment elle sait que son homme n'était pas fidèle. Ses enfants l'ignorent d'abord. Et puis tout s'apaise. Satché joue avec ses enfants pour la dernière fois. Il profite pour la dernière fois d'une conversation (qu'on n'entendra pas) sur la terrasse avec sa femme soudain plus douce. Et c'est sereinement, tranquillement qu'il va se coucher.
    Et c'est beau.