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marie féret

  • MADAME SOLARIO de René Féret **

    Madame Solario : photo Cyril Descours, Marie FéretMadame Solario : photo Marie FéretMadame Solario : photo Cyril Descours, Marie Féret

    Dans un luxueux hôtel sur les rives du Lac de Côme en 1906, des aristocrates plus ou moins fortunés s'enviennent passer l'été et laisser libre court à leur goût des intrigues. La venue de Madame Solario, jeune, belle, ruinée et scandaleuse parce que récemment divorcée d'un homme qui aurait pu être son père met un peu de piment dans le quotidien de ces oisifs. L'arrivée inopinée d'Eugène Ardent, le frère de Madame Solario qu'elle n'a pas vu depuis de longues années, décuple encore l'inclination naturelle de cette société à jacasser sous cape. Eugène et Nelly (qui se fait appeler Natalia !) prennent rapidement conscience de l'emprise naturelle qu'ils exercent sur les autres. Ils s'associent pour séduire de riches partis qui leur permettraient de renflouer leur compte en banque. Sans compter que les sentiments qui unissent le frère et la soeur sont eux aussi scandaleux et vont les obliger à fuir.

    Très friande du cinéma délicat et parfois un peu suranné de René Féret, cette Madame Solario est une déception. La faute en grande partie à Marie Féret (fille de...) jusqu'alors mystérieuse et ici bien peu crédible en femme fatale. On a beaucoup de mal à admettre qu'elle soit responsable de cette hécatombe de jeunes hommes qui voient en elle la femme rêvée. Son physique d'une autre époque est idéal mais son non-jeu lui donne un air totalement fuyant comme si la plupart du temps elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait ! Dommage car autour d'elle, il y a le troublant Cyril Descours, hélas affublé d'une ridicule moustache, Salomé Stévenin coquette et virevoltante. Ces deux là semblent être des professionnels solides perdus au milieu d'un casting d'amateurs. La palme revenant à un acteur (vraisemblablement) russe Andreï Zayats dont le jeu catastrophique a bien failli déclencher mon hilarité !

    Bien que l'ensemble soit par instants légèrement soporiphique, il faut reconnaître que les décors (pas de Roger Hart), les costumes (pas de Donald Cardwel), l'environnement chic et idyllique du Lac de Côme, les dialogues raffinés, les moeurs affectés et hypocrites plongent le spectateur indulgent dans une atmosphère vaporeuse qui n'est pas sans rappeler le cinéma de James Ivory, époque Chambre avec vue, Howards End, Vestiges du jour. Et procurent surtout une irrésistible envie de découvrir le roman de Gladys Huntington dont le film est tiré et qui doit être beaucoup plus troublant que ce que l'on découvre à l'écran. Et rien que pour ça...

  • NANNERL, LA SOEUR DE MOZART de René Féret ****

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    Le divin Mozart, Wolfie pour les intimes, avait une soeur de presque cinq ans son aînée. Avant lui elle fut une musicienne prodigieuse qui commença la musique dès l'âge de trois ans, formée par son père Léopold à la composition, au chant, à l'orgue et au violon. Et c'est sans doute sa virtuosité qui est à la base du talent de Wolfgang qui dès la naissance fut abreuvé de musique. Elle dit de lui "jamais il ne fallait le contraindre pour composer ou pour jouer, au contraire, il fallait toujours l'en distraire". Hélas pour Nannerl, Léopold lui aussi musicien et compositeur chevronnés, s'aperçoit rapidement du génie de l'enfant. Il délaissera sa fille pour se consacrer à la "carrière" de son fils. Ce père, avide de gloire, parcourera l'Europe dans des conditions parfois difficiles sur les routes pavées, dans le froid de l'hiver, craignant de manquer d'argent souvent, faisant passer sa famille de tristes auberges où ils dorment à 4 dans le même lit au luxe de Versailles, pour présenter le fils prodige à toutes les cours et reléguant la docile Nannerl au rang d'accompagnatrice. Léopold ira jusqu'à lui interdire de jouer du violon, instrument réservé aux garçons, et de composer une seule partition. Jamais son talent ne fut reconnu et elle passera sa vie à obéir à ce père qu'elle vénère tout en continuant d'essayer d'attirer son attention, puis se consacrera à rassembler puis à faire découvrir les oeuvres de son frère qu'elle a toujours adoré.
    C'est donc du drame d'une vie gâchée dont il est question mais pas seulement. Ce film est d'une richesse tellement insensée que je m'y perds pour l'évoquer. Les plus blasés parleront peut-être d'un style vieillot, on est effectivement loin de la flamboyance de l'Amadeus de Forman (que j'adore) et les plus polis d'un film "classique". J'y ai vu moi une oeuvre audacieuse, d'une cohérence inouïe, moderne dans les sujets qu'il traite, d'une beauté indéniable, paré d'une musique "à la manière de" (pas une seule oeuvre de Mozart mais des compositions de Marie-Jeanne Serano qui a écrit "en musicienne d’aujourd’hui une musique d’hier, celle de la sœur de Mozart") et doté, je dirais presque "orné" d'une interprétation sensible qui m'a absolument enthousiasmée, transportée et bouleversée.
    Suite à la rupture d'un essieu, la famille Mozart est obligée de faire halte à L'Abbaye de Fontrevaud où se trouvent "séquestrées" les trois dernières filles du Roi Louix XV ainsi mises à l'écart des frasques de leur père. La rencontre entre Nannerl et Louise la plus jeune qui va se transformer en un regard en une amitié ardente donne lieu à des scènes d'une douceur, d'une mélancolie et d'une intelligence insensées. Les deux jeunes filles (toutes deux interprétées de façon magistrale avec abandon par les propres filles du réalisateur (et j'espère que papa Féret est conscient de ce que ses filles lui ont offert là)) n'ignorent aucunement qu'elles sont sacrifiées au profit de leurs frères qu'elles continuent néanmoins à aimer. Elles acceptent leur sort avec lucidité, dignité et une résignation noble et bouleversante, toujours droites et fières. Il y a en elles infiniment de tristesse mais jamais d'aigreur ou de rancoeur à l'égard de quiconque. Et c'est beau de les voir, et douloureux aussi. Louise dira à Nannerl : "Si nous avions été des garçons, vous seriez votre frère et je serais le mien : nous règnerions toutes les deux : vous sur la création et moi sur les hommes...".
    A partir de cette rencontre qui a réellement existé, le réalisateur en imagine une autre, encore plus romanesque, celle de Nannerl jeune adolescente de 14 ans, presque 15 et qui en paraît 16 (comme elle le fera remarquer à son père qui continue de la présenter comme une petite fille) qui s'ouvre aux premiers émois amoureux et du Dauphin de France, jeune veuf de 17 ans tout juste papa, inconsolable, honteux de la vie dissolue de son père, dévot et musicien mélomane. C'est la musique qui les rapprochera d'abord mais le destin du jeune homme n'est pas non plus entre ses mains.
    Quant au clan Mozart composé des parents et des deux enfants, il est en tous points fascinant. A la fois monstrueux en ce que ce père exigeant, obsédé par la gloire et bourreau de travail fait de Nannerl et Wolfie deux petits monstres de foire, des singes savants, et attirant tant l'amour qui va des uns aux autres est indéniable et éclatant. Voir Wolfgang chahuter avec son père à coup de polochons est assez délectable. Marc Barbé, magistral, incarne à la perfection ce père terrible, injuste et complètement fou de ses enfants. La mère est interprétée toute en douceur, en adoration et en dévouement à son mari et ses enfants par la très jolie Delphine Chuillot. Et les dialogues précis, sensibles, raffinés sont prononcés, surtout par les jeunes acteurs, avec beaucoup de décalage entre le désenchantement qu'ils expriment, la fièvre qui les consume et le détachement qu'ils affichent.
    C'est un film plein de grâce qui parle d'enfances confisquées, de vies ratées avec beaucoup de délicatesse et d'intelligence.  2