Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

new-york

  • Synecdoche, New York de Charlie Kaufman ****

    Synecdoche, New York - Philip Seymour HoffmanSynecdoche, New York - Philip Seymour Hoffman

    Caden Cotard est metteur en scène de théâtre. Dépressif et hypocondriaque, son état ne s’arrange pas lorsque sa femme le quitte en emmenant leur fille, vivre sa vie d’artiste chébran à Berlin. Parfois il est terrassé par des crises de panique qui le paralysent. Il décide de créer une œuvre théâtrale dans un entrepôt gigantesque où une ville est reconstituée et où il fait jouer et rejouer sa vie par des comédiens ou des personnages « réels » qui se retrouvent à jouer leur propre rôle... A moins qu’il ne l’invente cette vie, à moins qu’il ne la rêve ou la cauchemarde. Peu importe.

    Ce film est vertigineux, fabuleux, démesuré, incontrôlable. Evidemment on pourrait le qualifier de « film dépressif » ce qui n’est pas un genre en soi mais qui résume assez bien l’atmosphère parfois asphyxiante qui saisit ici. Ce n’est pas grave, Charlie Kauman, le scénariste le plus barré d’Hollywood nous a habitués à ce qu’on sorte de ses films le cœur serré mais aussi rempli d’amour. Car oui, c’est bien d’amour dont il nous parle encore et toujours, même s’il est perdu ou jamais trouvé. Le héros de son film ne cesse de se tromper, de courir après une femme, sa femme, alors qu’il en repousse systématiquement et consciencieusement une autre transie d’amour, véritable et seul soleil de toute son existence.

    Ce film, c’est la vie ou « comme » la vie, passionnant, trépidant, épuisant, des chagrins inconsolables (la perte de sa femme, la mort de sa fille) et des instants de bonheur (une seule journée pour Caden !). Il nous dit qu’on ne peut y être figurant et s’y débattre comme fait le personnage sans intervenir ou en intervenant trop. Où est la mesure, l’équilibre ? Chacun a le premier rôle de sa vie dans un monde parfois obscur qu’il ne comprend pas forcément. C’est tellement simple et tellement complexe à la fois, tellement fou, tellement génial, tellement riche !

    Quand je pense que j’ai failli passer à côté de ce film à cause de ce que j’en ai lu : « pudding pirandellien », « propos confus », « métaphysique embuée », « réalisation brouillonne », « surenchère vaine », « sommet de vacuité » et j’en passe… Prenez toutes ces ‘sentences’, transcrivez exactement le contraire et vous approcherez de la réalité. Evidemment, c’est un labyrinthe parfois tumultueux, mais la vie n’est-elle pas aussi parfois, souvent compliquée, hésitante, difficile, imparfaite ? N’est-ce pas aussi tout ce qui en fait son charme et sa valeur inappréciable ? Ce film est un vertige je vous dis. Il s’est emparé de moi dans un tourbillon d’émotions allant jusqu’au déséquilibre mais jamais au malaise. Il est vivifiant dans sa folie et réconfortant dans ses espoirs. C’est dans un murmure que Caden dit à la femme qu’il a toujours aimée sans le savoir lui-même : « je dis ton nom à chaque souffle »… C’est (aussi) pour entendre ce genre de réplique que je dévore de la pellicule figurez-vous !

    Les acteurs aussi se sont laissés happer en s’abandonnant totalement, généreusement à cette histoire et à son réalisateur extravagants. Le casting féminin est une apothéose de talents : Catherine Keener, Michelle Williams, Jennifer Jason Leigh, Emily Watson, Dianne West, Hope Davis. Mais c’est Samantha Morton (je suis fan définitivement) qui en donne son véritable éclat. D’une beauté, d’une énergie, d’une douceur et d’une fragilité ahurissantes, elle est comme éclairée de l’intérieur. Son personnage solaire vit dans une étrange maison en feu… Cette actrice, ce personnage sont une rareté.

    Quant au personnage masculin qui embarque et enflamme toutes ces femmes c’est Philip Seymour Hoffman dont je ne cesse de me demander dans quels abîmes il va chercher, pour chaque rôle la profondeur de ses interprétations. Il est ici la solitude et la douleur incarnées. Le regarder errer, se perdre, pleurer, marcher, boiter, douter, aimer est un spectacle à lui seul. Lorsqu’il est au chevet de sa fille qui refuse de lui pardonner des erreurs qu’il n’a pas commises (oui, il faut suivre attentivement !), j’ai retrouvé le personnage bouleversant de « Magnolia ». Le seul acteur capable de nous faire comprendre et admettre pourquoi on pleure.

    Fascinant ! avez-vous compris ce que je veux dire ?

    Rob l’explique aussi.