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LE CAHIER

(Bouddha s’écroule de honte)

d’Hana Makhmalbaf *****

le cahier,cinéma

Baktay a 6 ans, elle est afghane et elle vit dans une grotte avec sa mère au pied des statues géantes détruites par les Talibans en 2001. A force d’entendre son petit voisin et ami réciter l’alphabet et lui raconter de belles histoires apprises à l’école, elle rêve elle aussi d’aller à l’école. Pour cela il lui faut absolument un cahier.

Une fois de plus, une fois de trop je ne comprends pas la tiédeur et la timidité des critiques vis-à-vis de ce film certes bouleversant mais INDISPENSABLE ! La jeune réalisatrice (19 ans, excusez du peu) nous conte au travers d’une seule journée épouvantable le quotidien effrayant d’une petite fille dans un pays oublié et sacrifié. Elle choisit de le faire d’une façon si originale et si inédite qu’on en reste béat d’admiration. Plutôt que nous faire voir de plein fouet la violence et la tyrannie des hommes, elle nous présente son histoire du point de vue de cette petite fille qui, pour obtenir un cahier dans un pays où les filles n’ont pas le droit d’aller à l’école, doit vendre, troquer, argumenter et traverser mille dangers. 

Et les autres enfants, les garçons, « jouent à la guerre » et Baktay a beau leur répéter « je n’aime pas jouer à la guerre », ils vont l’intégrer contre son gré à leurs jeux terrifiants. Hana Makhmalbaf filme ces jeux avec tant de réalisme, en plaçant pourtant sa caméra à hauteur d’enfants, qu’on croit souvent que « c’est pour de vrai », et on tremble. A de multiples reprises on se prend à penser : mais il y a bien un connard d’adulte qui va lui DONNER un cahier ! Mais non, les adultes dans ce pays, sont bien trop occupés à tenter de survivre dans des conditions inimaginables qu’ils laissent les enfants pousser comme de mauvaises herbes. Aller chercher de l’eau, faire la lessive, trouver à se nourrir… tout devient une expédition. Dans les jeux des enfants, on ne trouve pas de cow-boys et d’indiens imaginés… leurs modèles sont tour à tour des Talibans, des terroristes, des américains… des guerriers de toute façon qui n’ont que mépris et dégoût pour les filles. Ils reproduisent exactement ce dans quoi ils baignent depuis toujours : la haine et la violence. Le constat est sombre et inquiétant. Quels adultes vont devenir ces enfants ???

Au milieu de cette cruauté, une toute petite fille (et la toute petite actrice Nikbakht Noruz est tout simplement époustouflante) extraordinaire qu’on a envie de prendre dans ses bras 2 000 fois, pour la consoler, la rassurer.

Son ami lui lance cette phrase terrible : « fais semblant d’être morte et tu seras libre » et Baktay s’écroule, vaincue. Et on se dit, et alors ? Ce n’était qu’une journée où elle a réussi à ne pas tomber dans un ravin, ne pas se noyer dans la rivière, ne pas être enterrée vivante, ne pas être lapidée, ne pas être dévorée par un chien… Que sera demain pour elle, et pour tous les autres ?

Allez voir ce film qui par ailleurs est d’une beauté étourdissante car ce pays semble être magnifique et surtout, surtout emmenez vos enfants (à partir de 8-9 ans), et expliquez leur que ces enfants là-bas vivent sur la même planète, au même moment qu’eux, même si leurs conditions moyen-âgeuses de sur-vie vont leur paraître invraisemblables.

Je le répète ce film est un crève-cœur mais il me semble indispensable et contrairement à ce que ma note semble supposer (j’ai beaucoup de mal à en parler même si l’histoire et les images m’obsèdent depuis trois jours…), il n’est pas un mélo indigeste et malhonnête où la réalisatrice viendrait chercher notre émotion par des moyens faciles.

 

Mais le visage de Baktay, ses belles joues cramées de soleil, son sourire lumineux, ses larmes insupportables, son beau petit costume jaune et vert, ses petites mains…, comme moi vous n’êtes pas prêts de les oublier.

Commentaires

  • Vous serez scotchés de la première image à très longtemps après.
    Vous ne regarderez plus jamais un cahier de la même façon.
    La journée de cette petite fille volontaire et digne, qui décide d'avancer en déployant des trésors d'ingéniosité pour s'instruire est captivante. Il y a une telle intensité dramatique dans ce film (jamais pathétique), que la simple apparition d'un hélicoptère américain au dessus du village m'a d'abord fait trembler, puis penser que dans cet hélicoptère, il y avait des hommes qui avaient eu une enfance normale. Cette présence était à la fois menaçante (il était prêt à ouvrir le feu sur tout cas suspect) et voyeuse (le monde nanti vient observer à bonne distance la galère afghane). En un seul plan, une élipse de la situation mondiale qui confère à la jeune réalisatrice un caractère de génie.
    Si vous aimez le cinéma qui fait réfléchir, à voir ABSOLUMENT ET VITE AVANT QU'IL NE PASSE A LA TRAPPE.

  • Je viens de visiter le site du festival de San Sebastian ce film a remporter le grand prix en compétition avec des pointures mondiales du cinéma.

  • hervé : tu devrais ouvrir un blog cinéma ! Ce film me hante encore et quand j'entends encore ce matin dans le poste qu'il faut associer un enfant de CM² à un enfant mort dans les camps, je me dis très bien... mais pourquoi ne pas plutôt leur parler des enfants de leur âge qui vivent à la même époque dans des conditions épouvantables... Enfin, ce gouvernement, j'y comprends rien de toute façon, c'est comme le foot, le sport où le bricolage !!!

  • Parce que l'autre est déjà mort. Alors c'est une histoire de mémoire. Imagine que l'enfant "associé" à l'élève de CM2 meure, eh bien il y des risques pour que l'enfant français demande des comptes...

  • Ne pas oublier la Shoah, je suis d'accord à 300% puisque ça m'obsède encore moi... mais parler de l'état actuel du monde ce serait pas mal non plus plutôt que d'insister sur Louis XIV et la signature d'Edith à Nantes !!!

  • Loin de moi l'idée qu'il ne faut pas faire réfléchir les enfants sur la situation actuelle du monde ! au contraire.
    Et la Shoah et l'Edit de Nantes, sont des exemples très transposables. De là à faire porter individuellement le poids de l'histoire sur les épaules d'un gosse de 10 ans...

  • Ben on est d'accord en fait... L'initiative de celui-dont-je-ne-peux-prononcer-le-nom est d'une débilité absolue (comme la plupart de ses initiatives) mais si j'ai bien compris, c'est tombé à l'eau !
    Par contre, j'ai entendu qu'Ingrid va très mal et ça, j'aime pas du tout !

  • Oui, j'ai pensé à toi aussi en entendant ça ce soir. Dur pour elle, dur pour sa famille, et dur pour les 800 autres otages pour qui l'avenir et le présent sont une souffrance aussi.

  • Ca y est, il est enfin passé chez moi cette semaine. Une séance par jour seulement, mais la salle était quasi pleine. Quand je pense qu'on est en train d'envoyer mille militaires de plus dans ce pays qui n'a déjà plus d'humains. Seulement des êtres vivants sans âme (on leur a détruites) avec des enfants auxquels les adultes ne parlent pas, que les adultes ne regardent pas, et dont certains visages au milieu des peaux brunes et yeux noirs, avec leurs cheveux blonds ou roux, yeux bleu, évoquent tous les viols commis pas l'armée soviétique dans les années 80...

  • Il y avait un peu de temps que je n'avais re-regardé la petite bouille de Baktay... ça fait toujours le même effet !
    Bon, sinon le film !!! T'en penses quoi ?

  • Ben il est excellent. T'avais pas compris dans mon commentaire ??? S'il m'avait laissée de marbre, l'aurait ps été réussi.

  • Ben non j'avais rien compris, tu parles pas du film, tu causes de la misère noire du monde pourri... ça va j'connais, je regarde par la fenêtre et je me fais mon opinion !

  • J'ai beau regarder par la fenêtre, je ne vois qu'une vieille maison un peu fissurée, mais confortable, pas une grotte, et un voisin un peu gros con qui semble gêné par mon homosexualité, mais qui ne me lapide pas quand je sors ! Donc cette misère, cette horreur de non communication, il m'a fallu un film exceptionnellement beau pour me les faire voir.

  • Un film incroyable !
    Le Cahier est, sous ses airs simples, d'une puissance émotionnelle rare. Toute l'histoire de cette culture brisée par les violences de la guerre et les divers régimes politiques passe par le biais d'une enfance symbolique. La dernière scène, notamment est d'une noirceur effrayante...
    Difficile de sortir de la salle pour retomber dans notre société urbanisée après tant de misère et d'audace...

  • oriane : j'ai lu tous vos commentaires emballés sur "Jesse James...", "La graine et le mulet" et celui-ci qui me tient particulièrement à coeur car je le trouve essentiel et bouleversant. J'aime beaucoup votre enthousiasme et les (vieux) films que vous découvrez. je suis passée sur votre blog et je m'y attarderai dès que possible.

  • Vu !
    mieux vaut tard que never... je l'ai trouvé à la biblio, j'ai emprunté, j'ai regardé, j'ai mouillé mes yeux, j'ai aimé beaucoup ! :)

  • Je n'ai jamis pu le regarder alors que j'ai le DVD, mauviette que je suis !

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