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LE DISCIPLE

de Kirill Serebrennikov ***

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Avec Petr Skvortsov, Victoria Isakova, Svetlana Bragarnik

Synopsis : Veniamin, un adolescent pris d’une crise mystique, bouleverse sa mère, ses camarades et son lycée tout entier, par ses questions.

En fait, plus qu'à des questions, Veniamin aimerait pouvoir soumettre son entourage aussi bien familial (réduit à sa pauvre mère, pragmatique et dépassée), qu'amical (réduit à la seule personne d'un camarade de classe légèrement handicapé), ainsi que tous ses professeurs et les élèves de sa classe, aux injonctions de sa crise mystique.

La Bible ne quitte plus la poche du jeune homme qui ne s'exprime plus que par versets, métaphores et psaumes qu'il connaît par cœur et régurgite comme un débile. A chaque situation il trouve une explication dans son livre sacré, ou plutôt une interprétation. Et le film démontre implacablement que les textes religieux disent tout et leur contraire. Je n'ai pas pris de notes pendant le film évidemment mais les textes et leurs références apparaissant à l'écran, je suppose que  c'est parfaitement documenté. Il est donc hallucinant de constater comment ces textes et récits métaphoriques, approximatifs peuvent facilement être interprétés et détournés en fonction de l'âge du capitaine et du sens du vent. D'ailleurs l'humour n'est pas absent du film même  s'il finit par devenir franchement flippant tant Veniamin tient tout ce qu'il dit comme étant LA vérité.

Les profs en réunion s'amusent lorsqu'ils sont obligés de revoir la tenue des filles à la piscine car le garçon décrète que leurs maillots de bains sont trop étroits par exemple. Tout le monde, la maman y compris, pense qu'il ne s'agit au départ que de la crise d'un adolescent qui aurait des érections incontrôlables. Les choses se compliquent lorsqu'il remet en question un cours d'éducation sexuelle peut-être un peu maladroit, ainsi que la théorie de l'évolution. Seule la prof de science, méthodique et rationnelle tentera de s'opposer à Veniamin en "l'attaquant" sur son propre terrain, c'est-à-dire en se documentant largement sur les textes bibliques. Le garçon ira très loin dans son délire en s'apercevant qu'il a un véritable contradicteur face à lui et que tout n'est pas si simple.

Devenu complètement fanatique, mystique, cet illuminé laissera libre court, au nom de Dieu évidemment, à sa misogynie, son antisémitisme et son homophobie. Pendant qu'une prof d'histoire pas mieux inspirée explique aux enfants que Staline, ce n'était finalement pas si mal.

Le film est donc effrayant à plus d'un titre. Je ne sais s'il reflète l'état d'esprit des russes actuellement, mais il semblerait que les intellectuels ou simplement les gens qui réfléchissent ont beaucoup de soucis à se faire... Quant aux dérives liées à la religion, elles sont tellement d'actualité que ce film bien que terrifiant en est le reflet ou l'interprète. Nécessaire donc.
Formellement le film s'articule en longues scènes bavardes, précises, admirablement écrites. Les acteurs sont tous formidables, aussi bien les profs, les élèves, que la directrice du lycée assez drôle au début car elle n'imagine pas que les choses vont aller si loin. Dans le rôle de Veniamin, Petr Skvortsov est buté et terriblement exaspérant comme son rôle l'exige. Il avance tête baissée, épaules rentrées, mais parfaitement conscient de son charisme. il m'a beaucoup fait penser à Jack O'Connel dans les Poings contre les murs. Face à lui la prof de science magnifiquement interprétée par Victoria Isakova respire l'intelligence, et Aleksandr Gorchilin (sosie de Swan Arlaud... oui, c'est le jour des ressemblances) dans le rôle de l'ami handicapé et amoureux est touchant de fraîcheur et de fragilité.

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