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MISE À MORT DU CERF SACRÉ

de Yorgos Lanthimos ****

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Avec Colin Farell, Nicole Kidman, Barry Keoghan

Steven est chirurgien. Anna est ophtalmologue. Ils sont mariés et ont deux enfants, Kim 14 ans et Bob 12 ans.

Autant vous dire que les problèmes matériels, ils ne connaissent pas et tout imbus de leur supériorité sociale ils vivent dans leur maison plus froide qu'un Musée d'Art Contemporain. Autour du repas familial, leur conversation est consternante de banalité et de prétention :

- Le Père : "Bob, tu vas me faire le plaisir de te couper les cheveux, ils sont beaucoup trop longs.

- Bob l'éponge le fils : Oui papa, j'irai demain.

- La mère : Ce serait dommage Bob, tes cheveux sont magnifiques.

- Kim la fille : Et mes cheveux à moi, ne sont-ils pas magnifiques ?

- La mère : Si ma chérie. Nous avons tous des cheveux magnifiques dans la famille." Ce qui est faux, les frisottis de Nicole sont absolument immondes.

Les cheveux sont un problème dans cette famille. Plus tard, lorsque Bob contrariera à nouveau son père, ce dernier le menacera brutalement : "si tu ne fais pas ce que je te demande, je te coupe les cheveux et je te les fais manger". Mais je brûle les étapes et je passe volontairement sous silence les pratiques sexuelles très cliniques du couple qui offrent à Nicole Kidman des effeuillages quasi intégraux.

Sans vouloir trop en dire, je peux néanmoins vous certifier qu'en matière de bizarrerie, le Président du Jury du dernier Festival de Cannes, Pedro Almodovar, a frappé très fort en décernant la Palme à The Square et le Prix du Scenario à cette Mise à mort du cerf sacré. L'explication du titre comme de beaucoup de choses de ce film demeurent un mystère pour moi.

Revenons-en à notre famille de bourgeois arrogants. Le film s'ouvre sur le gros plan d'un cœur ouvert encore palpitant. Beurcke. L'opération terminée Steven et son collègue anesthésiste arpentent les longs couloirs étrangement vides de l'hôpital en discutant de la beauté réciproque des bracelets de leurs montres. Dès lors on sait que le voyage dans l'univers de Yorgos Lanthimos ne sera pas limpide. The lobster, tout aussi désespérant mais souvent drôle nous avait déjà entraîné bien loin en absurdie. Mais cette fois le réalisateur a passé la vitesse supérieure. Si humour il y a ici, il est noir ou involontaire. Et le réalisateur va s'employer deux heures durant à détruire cette famille aux certitudes strictes et à l'apparence parfaite.

Steven entretient une relation étrange et inexpliquée avec un jeune garçon de 16 ans, Martin. Il le voit en cachette de la famille idéale, lui offre des cadeaux et leurs conversations sont aussi énigmatiques que sans intérêt et empreintes d'une gêne réciproque. Jusqu'à ce que Martin, ado plus perturbé qu'un ado normalement constitué, se fasse de plus en plus intrusif. Il propose à Steven de manger chez lui et ne serait pas contre un rapprochement avec sa jeune et veuve maman qui effectivement au lieu de regarder tranquillement Un jour sans fin à la télé, lui saute dessus et se met à lui sucer les doigts... Mal à l'aise Steven essaie de prendre ses distances avec cette famille de barjes. Mais il est trop tard et Martin lui met en mains un étrange marché qui s'apparente à un chantage odieux digne du Choix de Sophie.

Je ne vous en dis pas plus, vous laisse le soin de découvrir l'objet du chantage et la façon dont Steven et sa femme vont tenter de résoudre le problème. Complètement étrange, totalement flippant, à la limite du gore parfois, le réalisateur s'emploie à nous malmener, à nous mettre mal à l'aise sans nous donner d'explication. Comme The Square, désolée d'y revenir même si les deux films n'ont rien à voir l'un avec l'autre que leur étrangeté et les malaises qu'ils provoquent, ce film est de ceux qui ne peuvent laisser indifférents. On adore ou on déteste. Yorgos Lanthimos flirte parfois avec le surnaturel sans y tomber complètement. Il laisse l'étrangeté sans explication et  mixe vengeance, culpabilité, mauvaise conscience, invraisemblance et bizarrerie.

Dans des atmosphères chics et glaciales le réalisateur offre en pâture tous ses personnages à un scenario qui exalte sans doute la Loi du Talion mais nous embarque en apnée jusqu'à un épilogue à la fois froid et grotesque. Pour en ariver là, nous accompagnons un trio de choc. Colin Farell dissimulé sous une affreuse barbe épaisse reste imperturbable et tente de dominer les situations, jusqu'à ce qu'il ne puisse plus... Nicole Kidman, comme je l'ai déjà dit ailleurs, est un effet spécial à elle seule. Cette fille serait sans doute capable de reglacer la banquise. En jogging immonde, elle peut être impériale et proférer des horreurs dans un calme stoïque qui peuvent se résumer par "on peut se débarrasser d'un enfant puisqu'on est encore en âge d'en concevoir un autre". Cette fille est impayable. Quant au jeune Barry Keoghan, il s'empare du rôle de perturbateur de l'ordre bourgeois avec un bel aplomb. Si aucun personnage n'est sympathique dans ce film, lui est carrément flippant.

Les enfants sont chez ce réalisateur des créatures sans joie, condamnés à ramper ou à être monstrueux... 

Commentaires

  • Je suis bien content que tu es apprécié. A un moment de ma vie, entre deux verres, j'ai flippé en me murmurant intérieurement : suis-je dérangé pour apprécier ce film dérangeant ?
    Ouf, je suis pas seul. Bien heureux. J'ai adoré ce film. Grandeur d'un film qui se voit à ses images marquantes après coup. Des dialogues d'une banalité et d'une froideur cliniques qui font de ce film un moment surréaliste de cinéma. Et quel jeu. Barry, Colin... et NIKKIE !

  • Même à jeûn (enfin d'après mon souvenir), ce film est un événement !
    Et tu as raison, encore plusieurs jours après, certaines images s'imposent à mon esprit sans que je les convoque.
    Tu n'as plus qu'à te faire un Homard à présent.
    Voici ce qui est préconisé. En ce qui me concerne, les bulles sont bannies (je DETESTE)
    http://lesgrappes.leparisien.fr/wp-content/uploads/2015/12/homard-ou-langouste.jpg

  • J'ai beaucoup aimé ta critique. Malgré un aspect super pompeux et un scénario dont on a un peu de mal à situer l'intêret, il m'a happée et ne m'a pas laissée indifférente. Là où j'avais été déçue pour The Lobster, je trouve que le réal s'est mieux débrouillé sur celui-ci en ne se facilitant pas la fin, qui est toutefois très grotesque comme tu le soulignes. C'est une expérience en soi ce film, clairement désagréable. Surtout la bande son oO

  • Tout est antipathique dans ce film. On ne peut pas dire "j'aime ce film" et pourtant je suis ravie d'avoir vécu cette expérience déroutante. Que le cinéma me surprenne encore c'est ce que je demande.

  • J'imagine que l'impression bizarre que laisse ce film se retrouve dans le fait que ta critique ne donne pas vraiment envie, et pourtant, 4*, quand même, c'est pas rien.
    Ca m'interpelle, mon amoureux est en voyage, je me demande si je ne vais pas aller le voir. Donc je vais voir le résumé sur Wikipédia, et là je tombe sur ça "La première chante dans une chorale tandis que son frère lui demande de montrer ses poils sous les bras, ce qu'il accepte." (en parlant des enfants, dont la fille est en classe avec Martin).
    Bref, pour être franche, ça m'a un peu cassé mon élan.
    Et même pire (mais uniquement pour te faire rire, hein) imagine-moi en train de regarder ça dans un avion : "Martin, prétextant être fatigué, laisse Steven avec sa mère qui le drague lourdement. Brusquement, elle se jette sur lui, l'embrasse et suce ses doigts."
    Si l'hôtesse ou mon voisin de siège regarde mon écran à ce moment-là, je suis foutue jusqu'à l’atterrissage. Et même peut-être pour les 15 voyages qui suivent.
    Non, trop la honte, quand même.

  • Quoi ? ça ne donne pas envie alors que je dis que les enfants rampent et sont monstrueux ?
    Effectivement la sœur chante dans une chorale mais c'est accessoire. Et oui, l'ado demande à Colin de lui montrer ses dessous de bras. Et... le fait-il ? Je te laisse découvrir. Et la mère du même se jette sur Colin et lui suce les doigts.
    Je ne te dis pas ce que fait Colin à Martin...
    J'ai lu le texte de wiki. Il est consternant mais reprend assez bien le déroulé du film.

  • Merci d'avoir essayé à nouveau. Mais je crois que j'hésite plutôt entre notre Grande Catherine et Kad Merad, que j'adore dans les rôles sensibles et sérieux.
    Bravo de ta force de persuasion, mais la bande annoncé a achevé de me persuader ;-)

  • Tu veux dire MA Catherine j'imagine.
    Tant pis pour toi.
    Petite joueuse.
    Tiens, je vais aller voir la bande annonce pour voir comment ils ont présenté la... chose !

  • Toi, quand tu as une idée dans la tête, hein...
    Oui, c'était de TA Catherine que je parlais. Et puis tu me fais aussi hésiter avé le crash d'avion, là. Si moi je ne vais pas le voir, alors, qui va y aller ?

  • Très belle et consistante critique qui reflète à merveille l’entre-deux eaux dans lesquelles nage ce Lanthimos dont je n’ai jusqu’ici vu aucun des films. Mais tu me donnes envie.

  • "Tout est antipathique" : je dois dire pour ma part que cela ne me donne pas très envie. Je passe. :)

  • Je découvre avec plaisir ton blog et je m'arrête sur ce film avec lequel tu as su m’allécher !

  • Merci et bienvenue. C'est un film qui secoue :-)

  • Deuxième visionnage... et toujours subjugué, hypnotisé, par cette froideur clinique. C'est clair, je suis dérangé pour apprécier autant ce film. Mais peu importe m'en fout ! Je le regarderai aussi une troisième fois dans un an ou deux et j'apprécierai encore méchamment ! Je suis comme ça, quand Nicole se propose en anesthésie générale...

    (par contre, j'ai pas encore réussi à voir The Lobster...)

  • Tu dois avoir le DVD ou BluRay. Je ne l'ai jamais revu. Mais j'aimerais bien en "nous" relisant.
    Je t'encourage à voir The lobster, moins gore mais bien barré et plus drôle.

  • oui, ce genre de film, il me le fallait en DVD. Et comme je n'arrive pas à voir The Lobster, je sens que je vais être obligé de me l'acheter... aussi... sur tes encouragements... (mais, mince, j'aime pas les films drôles, alors du coup, j'hésite un peu)

  • Hier soir, comme j'avais pas piano, je me suis dit si je me faisais un très bon film... Et donc j'ai à nouveau choisi la Mise à mort du cerf sacré...
    Troisième ou quatrième visionnage...
    Je prends toujours mon pied à regarder ce film totalement malsain. Il me fascine toujours autant.
    Voilà, c'était histoire de parler dans le froid

  • Je ne l'ai vu qu'une fois. Mais Yorgos a le chic pour mettre mal à l'aise. Je me souviens vaguement des enfants rampants...
    J'espère vite voir Pauvres créatures que je n'ai pas vu en septembre, j'avais gondole :-)
    Bella Baxter risque de bien secouer le cocotier. Enfin j'espère.

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